Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Accord relatif au fonds de résolution unique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes de commission, chers collègues, c’est avec une grande satisfaction que je prends la parole, au nom du groupe écologiste, à l’occasion de la ratification de l’accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique. Cet accord est l’un des éléments structurants du mécanisme de résolution unique qui vise à renforcer la responsabilité des banques pour mieux protéger le contribuable, l’épargnant, l’État et notre économie.

À la suite de la mise en oeuvre opérationnelle, fin 2014, du mécanisme de supervision unique des banques et de la réalisation des stress tests financiers, la ratification de cet accord fait la démonstration de la capacité de la politique à agir sur la finance. Le Conseil européen a décidé, en juin 2012, d’approfondir l’intégration de la supervision du secteur bancaire. Depuis lors, l’Union européenne et les gouvernements nationaux ne sont pas restés inactifs.

Après la folie des subprimes, qui a mis en grave danger nos économies et provoqué une crise dont certains de nos concitoyens paient encore le prix, le Gouvernement, avec le soutien de l’ensemble de la majorité, a adopté une loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Nos débats se sont alors centrés principalement sur la question de la séparation des activités de marché – activités risquées. Le groupe écologiste a alors plaidé pour une séparation stricte et large des activités spéculatives – ce qui n’a finalement pas été le cas, puisque cette séparation n’a porté que sur les activités spéculatives sur fonds propres, déjà en forte régression, par un dispositif de filialisation des actifs au sein de la même institution financière.

À ce regret, j’ajouterai trois commentaires. Il faut tout d’abord rappeler que la France a été le premier État à se doter d’un tel dispositif, ce dont nous pouvons être fiers – d’autant que les projets anglais ou américain, vantés comme des modèles à suivre, n’ont pas encore vu le jour. Autre motif de satisfaction : cette loi bancaire a également permis de réguler la spéculation sur les matières premières et d’instaurer la transparence sur les activités bancaires dans les paradis fiscaux.

Deuxièmement, la séparation des activités spéculatives ne constitue ni l’alpha et l’oméga ni la panacée. La contamination de l’ensemble du système financier reste toujours possible, tant que la taille des banques, quelle que soit leur nature, restera aussi importante.

Enfin, il faut rappeler que le titre IV de la loi bancaire traitait spécifiquement de la résolution et que ce sujet restait largement conditionné par les décisions européennes qui se concrétisent en partie aujourd’hui dans notre Hémicycle.

Le mécanisme de résolution réforme les procédures de résolution et de défaillance des banques grâce à trois instruments : une directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, un règlement instituant un mécanisme de résolution unique qui organise la centralisation des processus prévus par la directive et l’accord intergouvernemental dont nous débattons aujourd’hui.

L’ensemble de ces mesures doit nous permettre de couper le lien entre les dettes bancaires et les dettes souveraines, en faisant en sorte qu’à l’avenir, ce soient les banques et les fonds privés, notamment les actionnaires, qui financent les défaillances bancaires. Nous visons ainsi à réduire l’aléa moral reposant sur l’idée selon laquelle soit la banque gagne soit le contribuable paie.

La protection des épargnants doit encore être renforcée, notamment grâce à la France, qui défend sans faiblir la création d’un troisième pilier de l’Union bancaire, articulé autour de la garantie des dépôts. Cette doctrine s’est imposée au cours de la crise chypriote, durant laquelle il avait été envisagé, dans un premier temps, de taxer à hauteur de 6,75 % l’ensemble des dépôts bancaires inférieurs à 100 000 euros, cette taxation étant portée à 9,9 % au-delà. Le plan de sauvetage a heureusement été revu et l’Union européenne a décidé d’harmoniser et de renforcer les règles de protection des dépôts des épargnants. Une directive relative à la garantie des dépôts, adoptée le 16 avril 2014, renforce la législation pour la protection des dépôts inférieurs à 100 000 euros. Elle introduit notamment l’obligation, pour tous les États membres de l’Union, de créer un fonds national de garantie des dépôts alimenté par des contributions préalables des banques et destiné à indemniser les déposants en cas de défaut bancaire.

En 2014, les pertes historiques de la banque portugaise Banco Espirito Santo ont constitué un test grandeur nature de la nouvelle doctrine de l’union bancaire. À la suite d’une accumulation de dettes contractées auprès de la banque par ses holdings, celle-ci s’est trouvée au bord de la faillite, avec 3,6 milliards d’euros de pertes pour 2 milliards d’euros de fonds propres. Le Gouvernement portugais a alors démantelé la banque et isolé les actifs toxiques au sein d’une bad bank, puis injecté 4,9 milliards d’euros dans l’entité nouvelle assainie. Il faut noter que, si l’État et le FMI sont venus en aide à la banque de manière importante, les actionnaires ont payé une grosse partie de la facture, car leur participation ne vaut que pour la bad bank, qui détient les actifs risqués, et il y a peu de chances qu’ils puissent récupérer leur investissement.

Le Fonds de résolution unique doit permettre de réduire le poids de la défaillance des banques sur les États. Ce processus a fait – certes à une échelle modeste – la preuve de son efficacité dans le cas du Banco Espirito Santo, en évitant la contamination de l’ensemble du système par la mise en jeu en premier lieu des actionnaires, avant les contribuables et, bien sûr, avant les épargnants. Il faut s’en féliciter. C’est un exemple qui illustre le texte dont nous débattons ici, et qui lui donne du sens.

L’Union bancaire renforce donc la sécurité des épargnants et des contribuables, ainsi que la solidarité européenne. Pour les écologistes, c’est un premier pas vers une Europe plus politique, développant une véritable politique économique, fiscale et financière. Pour paraphraser un mot célèbre, c’est un petit pas pour les banques, mais un grand pas pour l’Union européenne. Ce n’est, en effet, que par une plus grande solidarité et une intégration plus importante que les pays européens pourront, ensemble, surmonter les défis de la mondialisation et du libéralisme.

Outre celles déjà été évoquées par mes collègues, deux questions demeurent.

Tout d’abord, si l’on ne peut que se féliciter de la volonté de faire contribuer les banques à ce fonds, afin d’éloigner autant que possible le recours à l’argent public en cas de défaillance, le montant total des sommes disponibles pourrait difficilement servir à faire face à une défaillance importante. Ainsi, le règlement fixe le niveau cible des contributions au 31 janvier 2023, soit dans huit ans, à 1 % du montant des dépôts couverts des entités des États participants – ce qui correspond, pour la zone euro, au fameux montant de 55 milliards d’euros. Compte tenu du bilan colossal d’une banque telle que la BNP, on peut douter que 55 milliards suffisent à éviter le pire en cas de défaillance de cette banque par exemple. Il est donc essentiel que, parallèlement, les nouvelles règles prudentielles soient scrupuleusement respectées et que la supervision joue son rôle, afin d’éviter de nouvelles crises, bien que les ratios prudentiels soient parfois accusés de brider l’économie et que les transactions s’effectuent de plus en plus souvent de gré à gré, hors ratios.

La seconde question porte sur le niveau de contribution des banques françaises. Celles-ci présentent en effet un montant total de passif important, pour un total de dépôts faible au regard des sommes placées sur des produits d’épargne réglementée ou en assurance-vie. Si la contribution avait été calculée sur le montant des dépôts, celle des banques françaises aurait été limitée à 11,5 milliards d’euros. Calculé en fonction des passifs et des dépôts, le montant des contributions des banques françaises aurait dû être de 17,5 milliards d’euros, soit 32 % des 55 milliards du Fonds de résolution unique à l’échelle de l’Union. Un compromis a été trouvé, d’une façon paritaire, entre l’Allemagne et la France, à hauteur de 15 milliards d’euros – c’est sans doute le prix à payer pour le risque pris, sauf à démontrer le contraire, par nos grandes et grosses banques françaises.

Enfin, si cette contribution devait être déductible – mais je crois que cette question ne revient plus guère dans le débat –, cela reviendrait à faire payer cet avantage fiscal par le contribuable et à remettre en cause le principe même de la responsabilisation des banques.

Les banques françaises sont appelées à être de gros contributeurs au Fonds unique, en raison précisément du modèle spécifique de la banque universelle et, en tout état de cause, de leur taille importante qui illustre parfaitement le principe de la banque « too big to fail ». Ces banques, dont la défaillance risquerait de ruiner l’économie européenne, ont une responsabilité importante. Il est donc normal qu’elles contribuent à hauteur de cette responsabilité.

En conclusion, je tiens à souligner le rôle décisif du Fonds de résolution unique et à saluer le travail historique réalisé au niveau tant national qu’européen sur la question bancaire – vous n’avez d’ailleurs pas hésité tout à l’heure, monsieur le ministre, à vous référer à l’Union économique et monétaire pour solenniser l’importance de ce texte. On peut et on doit en effet le faire.

Des faiblesses subsistent, mais c’est avec une réelle fierté et avec confiance – une confiance vigilante, toutefois – que le groupe écologiste soutiendra cette avancée que constitue le Fonds de résolution unique.

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