Intervention de Jean-Louis Destans

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Accord relatif au fonds de résolution unique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Destans :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, le dispositif qui nous est présenté aujourd’hui, nous l’avons bien compris, entend répondre à la crise économique de 2008 au cours de laquelle les États, et donc les contribuables, ont dû venir au secours des banques. Cette forte mobilisation des finances publiques nationales a entraîné une hausse de l’endettement des États, créant un cercle vicieux menaçant l’intégrité de la zone euro.

C’est pour éviter que le risque bancaire n’en vienne à nouveau à contaminer le risque souverain qu’a été mise en place ce que l’on appelle l’Union bancaire, grâce au rôle prépondérant joué par la France et son chef de l’État, François Hollande.

L’Union bancaire repose aujourd’hui sur deux piliers : un mécanisme de supervision unique des banques sous l’égide de la BCE – le MSU – et un mécanisme de résolution unique des crises bancaires – le MRU.

Le premier pilier repose sur la supervision à l’échelle de l’Union des établissements bancaires. C’est pour donner une vue d’ensemble au MSU et asseoir sa crédibilité de superviseur que la BCE a mené des tests de résistance, les fameux stress tests, sur les 130 plus grands établissements bancaires de l’Union, représentant 85 % des actifs de la zone euro. Ces tests, lancés fin 2013, étaient destinés à vérifier la capacité des établissements bancaires à faire face à d’éventuels chocs. Les banques françaises ont passé sans difficulté les tests de la BCE. Seul un établissement français, la Caisse de refinancement de l’habitat, a montré un déficit de fonds propres, qu’elle a comblé depuis.

La France a plaidé avec constance pour que ce premier pilier de l’Union bancaire, la supervision unique, soit complété par un deuxième et un troisième piliers articulés respectivement autour de la résolution des crises bancaires et de la garantie des dépôts.

Ainsi, au titre du deuxième pilier, des progrès significatifs ont été enregistrés en matière de résolution des crises bancaires avec la mise en place, pour les États participants au MSU, d’un mécanisme de résolution unique – le MRU.

Ce deuxième pilier est lui-même articulé autour de deux textes. Le règlement du MRU, d’une part, définit ses modalités de fonctionnement et, d’autre part, crée un Fonds de résolution unique – le FRU – qui institue le mécanisme de résolution. L’accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique a été signé par vingt-six États membres de l’Union européenne. Sa ratification par la France, soumise à l’approbation préalable du Parlement au travers du présent projet de loi, est donc l’objet du débat qui nous occupe aujourd’hui.

En contribuant à réduire le lien entre les banques et les États, l’Union bancaire bénéficiera aux banques et aux déposants. Depuis près de deux décennies, la France défend la mise en place d’une protection effective des déposants. En France, le Fonds de garantie des dépôts, créé par la loi du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière, est destiné à indemniser les clients en cas de défaillance de leur banque ou de leur organisme financier ayant adhéré à ce Fonds : il garantit les comptes à hauteur de 100 000 euros par déposant et par établissement bancaire adhérent.

En ce sens, la France ne peut que défendre le dispositif qui nous est aujourd’hui présenté. La protection des contribuables et des déposants est un combat de la France et de la gauche au pouvoir. En France, c’est sous cette majorité qu’a été votée, en juillet 2013, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, septième engagement du candidat François Hollande. Cadre d’une nouvelle régulation, la loi prévoit la séparation des opérations spéculatives des banques de leurs activités utiles à l’économie. Pour limiter la spéculation, il s’agit d’obliger les établissements bancaires à cantonner leurs activités dites « pour compte propre » dans une filiale séparée, financée de manière autonome, afin d’éviter tout risque de contamination de la banque en cas de crise. C’est cette année, au 1erjuillet, que devra être effectué le transfert des activités concernées vers lesdites filiales.

Si des progrès peuvent encore être apportés à cette loi bancaire pour que le périmètre d’action en soit plus large, il n’en reste pas moins qu’elle marque une avancée indéniable et indispensable dans la régulation des activités bancaires et la protection des déposants.

En France, donc, la protection des déposants est un des piliers de la loi bancaire. C’est pourquoi la France a milité avec constance, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, pour que l’Union bancaire européenne soit complétée par un troisième pilier articulé autour de la garantie des dépôts.

Malgré l’insistance de notre pays, les États membres ne sont pas parvenus à s’accorder sur une fusion des dispositifs nationaux de garantie de dépôts, bien que des règles renforcées et harmonisées de protection des dépôts aient été adoptées dans chacun des États membres.

En effet, la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts, adoptée le 16 avril 2014, renforce la législation déjà en vigueur s’agissant de la protection des dépôts inférieurs à 100 000 euros. Elle introduit notamment l’obligation, pour tous les États membres de l’Union, de créer un Fonds national de garantie des dépôts, alimenté par des contributions ex ante des banques pour indemniser les déposants en cas de défaut bancaire. Néanmoins, l’idée d’une intégration plus poussée, défendue par la France, sous la forme par exemple d’un fonds de garantie unique, reste à construire.

Nous l’avons dit, le Fonds de résolution unique alimenté par les banques permettra de protéger les contribuables en cas de crise bancaire, puisque c’est le secteur bancaire lui-même qui financera la résolution de la crise, mettant à contribution les actionnaires et les créanciers des établissements concernés. Néanmoins, un fonds de garantie unique des dépôts permettrait de séparer encore plus nettement dettes souveraines et faillites bancaires, sécurisant ainsi les déposants qui, en cas de crise de la dette souveraine d’un État, sauraient leurs dépôts protégés et ne seraient plus tentés de récupérer leur argent dans les banques.

C’est pour cette raison que la France défend la mise en place des trois piliers qui, ensemble, garantissent réellement l’étanchéité entre faillites bancaires et dettes souveraines, et vice versa. Le mécanisme unifié de supervision, auquel s’ajoute le mécanisme de résolution unique, dont fait partie le Fonds de résolution, permet d’éviter la contagion de la crise bancaire au secteur public.

Un troisième pilier visant directement la protection des déposants, par le biais d’un fonds de garantie unique, permettrait de parfaire l’étanchéité entre crise bancaire et crise de la dette. En effet, le défaut de paiement d’une dette souveraine n’aurait plus nécessairement pour conséquence un retrait des dépôts par la population, susceptible d’entraîner une crise bancaire : le cercle vicieux serait ainsi réellement rompu. Nous devons donc, monsieur le ministre, continuer à plaider avec force pour la constitution de ce troisième pilier de l’Union bancaire.

Nous l’avons compris, mes chers collègues, si notre union bancaire est encore perfectible et si la France se bat pour que ce troisième pilier se mette en place, il n’en reste pas moins que l’accord qui nous est présenté aujourd’hui, concernant la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique, constitue une avancée majeure et une étape indispensable dans la consolidation de cette union que la France appelle de ses voeux.

L’accord complète le régime harmonisé de redressement et de résolution des banques, dont le but est de protéger les contribuables. En ce sens, le groupe socialiste, républicain et citoyen a la responsabilité de l’approuver sans réserve.

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