Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Accord relatif au fonds de résolution unique — Discussion générale

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

Même si chacun des orateurs a indiqué qu’il voterait ce texte, je ne voudrais pas que certains restent sur leur faim, compte tenu des questions parfaitement légitimes qui ont été posées. Je voudrais donc apporter quelques éléments de réponse.

Certains ont d’abord souligné que, si nous voulons éviter des dérèglements et leurs conséquences économiques et sociales gravissimes, comme ce que nous avons pu connaître en 2007-2008, il ne suffit pas d’accomplir l’Union bancaire : il nous faut aussi une régulation internationale qui concerne tous les aspects de la finance et du financement de l’économie.

Vous-même, madame la présidente de la commission des affaires européennes, avez souligné la nécessité d’aller plus loin dans la régulation de ce qu’on appelle en bon français le shadow banking : le financement hors système bancaire. Vous avez parfaitement raison. C’est aujourd’hui, d’ailleurs, la priorité du G 20. L’année 2015 est celle du travail en vue d’aboutir à des règles qui puissent encadrer, comme nous l’avons fait en matière bancaire, les autres mécanismes de financement de l’économie.

Sur l’Union bancaire, quelques questions très légitimes ont été posées. D’abord, la Grande-Bretagne et la Suède ne font pas partie du dispositif, pour une raison simple : elles ne font pas partie de la zone euro, ni de l’Union bancaire en tant que telle, même si ces deux pays sont concernés par telle directive qui va obliger les organismes bancaires à faire appel, jusqu’à 8 % de leurs dépôts, à leurs créanciers et à leurs actionnaires.

La Suède et la Grande-Bretagne n’ont donc pas souhaité intégrer ce dispositif. C’est dommage, même si la Suède peut me semble-t-il, dans le contexte actuel, évoluer sur un certain nombre de sujets, dont celui-ci.

Beaucoup d’entre vous sont aussi revenus sur l’idée que 55 milliards ne représenteraient que peu de choses par rapport aux risques pesant sur le système bancaire. Mais n’oublions jamais qu’avant de toucher au premier milliard du Fonds de résolution, on commence par mettre en oeuvre le mécanisme permettant de faire appel aux actionnaires et aux principaux créanciers. Je vais vous donner quelques chiffres.

Le dernier vote du Parlement en la matière concernait la dotation à hauteur de 20 milliards de la Société de prise de participation de l’État, la SPPE – j’étais d’ailleurs parmi vous et je me souviens que nous avions alors considéré qu’il s’agissait d’un moindre mal. Cette somme avait donc été nécessaire pour stabiliser le dispositif français. Or, elle est largement inférieure aux 8 % en question. Dit autrement, lors de la dernière crise, il n’aurait pas été nécessaire de puiser dans les ressources du Fonds de résolution unique pour faire face aux difficultés du système bancaire français.

Comme vous ne manquerez pas de trouver cet exemple par trop général, j’en prendrai un autre. Le sinistre de DEXIA est le plus important que nous ayons connu en France. Huit milliards ont été nécessaires pour la « sauver ». Or, cette somme était inférieure à 8 % de ses dépôts. Donc, nous n’aurions pas eu besoin de faire appel à la solidarité et au budget de la nation pour faire face à la situation.

N’oubliez jamais cette « première couche », extrêmement épaisse, qui doit permettre de limiter ensuite l’appel à la mutualisation. Si cette dernière en outre ne suffisait pas, nous serions bien entendu obligés de faire appel à d’autres mécanismes, qui sont d’ailleurs prévus et que les uns et les autres avez décrits avec beaucoup de précision.

Deux questions ont été également posées par différents orateurs. La première concerne le filet de sécurité qui pourrait être nécessaire, en particulier jusqu’à ce que la collecte des 55 milliards soit achevée, en 2023. Il vise principalement à doter le Fonds d’une capacité d’emprunt, ce à quoi nous sommes favorables même si, à ce jour, le consensus avec l’ensemble de nos partenaires n’est pas total. Nous continuons donc à travailler en ce sens.

La seconde est relative au fonds de garantie unique des dépôts, sujet encore plus important, me semble-t-il, que vous avez tous abordé à juste titre. La France souhaite que ce « troisième pilier », comme vous l’avez souvent appelé, soit mis en oeuvre. Telle est notre position. Nous continuons donc à nous battre pour cela. Le consensus n’existe pas à ce jour et des discussions compliquées ont lieu avec tel ou tel de nos très grands partenaires – vous comprenez à qui je fais allusion ! – mais ce n’est parce que les résultats ne sont pas immédiats qu’il faut s’arrêter. Pour reprendre les termes d’un orateur, là aussi le combat continue et nous ne sommes pas arrivés au bout de nos peines. Il reste une étape à franchir.

Enfin, l’orateur de l’UMP, en particulier, s’est interrogé sur les modalités de calcul de la contribution des banques françaises. Vous avez tous décrit les autres modalités, plus ou moins avantageuses, qui auraient pu exister.

J’en ai discuté très directement avec mon homologue allemand Wolfgang Schäuble : malgré des systèmes bancaires très différents en Allemagne et en France, le poids de ces derniers au sein de l’économie européenne est à peu près semblable et j’ai donc voulu que cette équivalence soit respectée – que les contributions des banques allemandes et françaises, en fonction de dispositifs qui leur sont propres, soient de même niveau. C’est pourquoi les dotations des deux pays s’élèvent respectivement à 15 milliards.

Au-delà des spécificités, je pense donc que nous avons respecté un équilibre qui correspond très exactement au poids des systèmes bancaires dans la zone euro. C’était le coeur du sujet, même si, ensuite, de nombreuses questions techniques se sont posées et si chacun s’attache à tel ou tel aspect des problèmes. Tel était le coeur politique de l’entente entre nous : le dispositif ne devait pas peser plus lourdement sur le système bancaire français que sur celui de l’Allemagne, quelles que soient par ailleurs les différences entre les deux.

Voilà, monsieur le président, les quelques éléments d’information que je souhaitais donner aux députés, que je remercie infiniment d’avoir travaillé sur ces sujets complexes et d’avoir considéré, quelles que soient les demandes de précision et les quelques insatisfactions exprimées, que ce texte accomplissait un pas important et qu’il importait de le soutenir.

Si, sur un tel sujet, le Parlement pouvait se montrer aujourd’hui unanime, je pense que la France se grandirait.

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