Intervention de Denis Baupin

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Débat sur le rapport d'information sur l'évaluation du paquet "énergie-climat" de 2008 en france.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, si notre groupe a proposé ce débat, c’est bien évidemment parce que la France accueillera à la fin de l’année la Conférence de Paris sur le climat, la COP21, et qu’il s’agit d’un rendez-vous extrêmement important.

Il n’a échappé à personne que 2014 a été l’année la plus chaude qui ait jamais été enregistrée sur l’ensemble du globe. Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, publiés tous les quatre ans, sont chaque fois plus inquiétants. Cette semaine encore, les États insulaires ont lancé un appel à l’aide assez dramatique compte tenu de la situation et des angoisses qui sont les leurs, tant en ce qui concerne la montée des eaux que l’accumulation des phénomènes climatiques extrêmes.

Nous sommes donc face au défi sans doute le plus grave que l’humanité ait jamais rencontré. Voilà quelques mois, nous étions plutôt optimistes, lorsqu’un accord historique était conclu entre la Chine et les États-Unis, non d’ailleurs en raison de son ambition mais parce que ces deux grands États, les deux principaux pollueurs en matière de gaz à effet de serre, s’étaient mis d’accord pour évoluer et s’inscrire enfin dans une logique beaucoup plus positive quant à la lutte contre le dérèglement climatique.

Le paquet énergie-climat européen, sur lequel je reviendrai dans quelques instants, a pareillement témoigné de la volonté européenne de contribuer au succès de la conférence parisienne. Malgré tout, il faut bien constater aujourd’hui que, alors que nous sommes à quelques mois de son ouverture, et alors que la majorité des États devaient rendre leur contribution sur la diminution de leurs émissions de gaz à effet de serre le 31 mars, seuls 33 d’entre eux sur 195 s’en sont acquittés.

La situation peut donc paraître relativement inquiétante. D’ailleurs, aujourd’hui même, Nicholas Stern nous a lui aussi alertés sur le fait que nous ne sommes pas à la hauteur.

De nombreuses questions sont encore à résoudre d’ici la Conférence : le caractère juridique d’un accord éventuel ; la question des financements ; celle de l’ambition des États en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de la façon dont nous pourrons réviser ces ambitions dans le temps ; la question de l’adaptation face au dérèglement climatique ; et celle, enfin, des transferts de technologie, pour faire en sorte que tous les pays, et notamment les moins avancés, puissent bénéficier des technologies les plus performantes en matière de maîtrise de l’énergie et de développement des énergies renouvelables.

Je tiens à dire que, de notre point de vue, la position de l’Europe reste encore trop timorée. Alors même que notre continent a été à la pointe du combat lors des conférences sur les changements climatiques, l’accord conclu entre les pays européens s’en tient aujourd’hui au plus petit dénominateur commun. Fixer l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 40 % à l’horizon 2030 alors même qu’on était prêt, il y a une dizaine d’années, à atteindre 30 % dès 2020, c’est demander un effort finalement assez limité. S’engager à atteindre 27 % d’énergies renouvelables en 2030 sans décliner cet accord au niveau de chacun des États, cela revient finalement à ralentir l’effort qui est fourni aujourd’hui. Définir un objectif de 27 % d’efficacité énergétique sans le rendre contraignant ni le décliner entre les différents États, c’est fixer un objectif limité.

Un constat s’impose : alors que des quasi-continents comme la Chine, les États-Unis, l’Inde ou la Russie ont des politiques homogènes d’un point de vue énergétique, l’Union européenne continue, quant à elle, à avoir vingt-huit politiques énergétiques, vingt-huit États agissant chacun de son côté. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que l’Europe continue de se faire tailler des croupières par les autres pays, notamment en matière de transition énergétique.

Nous avons une crainte à propos du débat européen qui s’engage sur la politique énergétique : c’est qu’il accentue le retour aux États, le retour aux politiques menées au niveau des États nations. Pour notre part, nous disons clairement que l’Europe ne peut pas passer à côté de la révolution qui est en train de se produire au niveau planétaire, une révolution dans la maîtrise de la consommation d’énergie mais aussi une révolution totale en matière de production d’énergie, et notamment de développement des énergies renouvelables. Il faut savoir, mes chers collègues, que deux tiers des investissements réalisés en 2014 en matière de production d’électricité l’ont été dans le domaine des énergies renouvelables. C’est dans ce domaine que nous devons mettre notre énergie prioritairement.

Enfin, le développement du numérique permettra de combiner réellement consommation et production et d’éviter ainsi les variations potentielles à la fois de la production, pour les énergies dites intermittentes, et de la consommation, dans un pays comme le nôtre où la consommation énergétique dépend fortement du climat.

Puisque nous parlons aujourd’hui de politique européenne, il faudrait, selon moi, que les fonds du plan Juncker servent en grande majorité à investir dans le domaine de la transition énergétique.

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