Intervention de Denis Baupin

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Débat sur le rapport d'information sur l'évaluation du paquet "énergie-climat" de 2008 en france.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Puisque la France accueillera la prochaine conférence, il importe qu’elle retire ses oeillères. Non, contrairement à ce qui se dit ici ou là, la France n’a pas une industrie nucléaire dont l’excellence – puisque c’est le mot à la mode – serait vantée à travers le monde. Regardons la situation d’Areva : un déficit de 5 milliards d’euros sur une seule année, un fiasco industriel, économique et commercial qui va coûter très cher au contribuable ! L’EPR est un désastre, aussi bien en matière de budget – multiplié par trois – qu’en matière de délais – multipliés par deux. Et tout le monde sait maintenant que la cuve qui a été installée dans cet EPR ne serait pas conforme aux réglementations en matière de sûreté…

Il suffit de lire la tribune signée il y a quelques jours par le directeur général d’Areva, qui explique que le problème ne vient pas de la cuve, ni d’Areva, mais de la réglementation, pour comprendre combien la situation est pathétique pour un projet censé être le symbole du développement du nucléaire à travers le monde ! Finalement, l’EPR, dont on se vantait qu’il serait le réacteur le plus sûr du monde, le sera peut-être : il n’ouvrira jamais, il n’émettra donc jamais aucune radioactivité ! Vu sous cet angle, on aura effectivement accompli le réacteur le plus sûr du monde.

Mais trêve de plaisanterie, examinons la situation. Nous ne savons pas ouvrir de nouvelles centrales. Nous avons un parc nucléaire en fin de vie et un président de l’Autorité de sûreté nucléaire qui a dit que la prolongation des réacteurs n’était nullement acquise, que nous étions face à un mur d’investissements et qu’il n’était pas sûr qu’EDF soit capable de faire face à l’ampleur des chantiers qui seront nécessaires pour mettre ces réacteurs aux normes. Nous avons des doutes très importants concernant la cuve de Flamanville, dont la sûreté est jugée tout juste satisfaisante par l’Autorité de sûreté nucléaire, et des inquiétudes quant à la situation d’Areva, puisque cette entreprise, qui possède les usines parmi les plus dangereuses au monde, fait face à des restructurations industrielles et de personnel.

Le business model du nucléaire est donc en train de s’écrouler, au moment même où les énergies renouvelables, elles, voient leur prix chuter et connaissent leur plein développement. Face à cette situation, il faut considérer de manière ambitieuse la manière dont la France peut développer sa technologie et ses capacités en matière d’énergies renouvelables. La chute du prix de l’énergie solaire est impressionnante à travers le monde et c’est une solution qui va devenir pertinente dans de très nombreux pays, car elle est très compétitive. Il suffit de lire ce qu’a dit Jean-Louis Borloo sur le développement de l’énergie solaire en Afrique : il mise fortement sur cette énergie pour sauver ce continent et favoriser son développement. Dans de nombreux pays, le prix de développement du solaire est aujourd’hui inférieur à celui du développement des énergies fossiles et cet effet de masse va évidemment contribuer à la chute des prix.

Les écologistes ne sont pas les seuls à le dire : des institutions comme Bloomberg, de grandes banques internationales, ou encore Total ou GDF Suez le disent aussi. Il est donc temps que la France passe à un plan B : il faut abandonner le vieux minitel qu’est le nucléaire au moment où tout le monde est en train de passer à internet, c’est-à-dire aux énergies renouvelables. Ce plan B, il a été fourni par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. L’ADEME a publié il y a quelques jours un plan montrant qu’il est possible de passer à 100 % d’énergies renouvelables en 2050, confirmant ainsi ce que négaWatt avait dit quelques années plus tôt. Il s’agit d’une étude très sérieuse, avec un comité de pilotage et une revue par les pairs, qui a montré dans quelles conditions il était possible d’atteindre 100 % d’énergies renouvelables en 2050.

Cette étude montre que le potentiel accessible d’énergies renouvelables en France représente aujourd’hui le triple des besoins totaux de notre pays. Non seulement l’objectif de 100 % est réalisable, mais il ne coûtera pas cher. Il est même moins cher que le nucléaire, puisque l’étude de l’ADEME se fonde sur un prix du nucléaire de 80 euros du mégawattheure alors même que les scénarios de la Direction générale de l’énergie et du climat l’évaluent aujourd’hui à 90 euros. On voit donc bien que les scénarios de l’ADME sont très prudents et qu’il est possible de passer à 100 % d’énergies renouvelables en France à l’horizon 2050 pour un coût inférieur à celui du maintien du nucléaire.

Cet objectif est compatible avec la loi de transition énergétique, mais il faut maintenant concrètement passer aux actes. Cela signifie qu’il faut un plan de maîtrise de l’énergie dans les domaines du bâtiment, de la mobilité, de l’industrie et de la consommation. Il faut une volonté importante pour développer les énergies renouvelables, la simplification, le financement et les innovations. Or nous avons aujourd’hui en France des sociétés qui sont en pointe dans ce domaine, y compris le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA. Il importe enfin de développer le numérique et le stockage. En matière de stockage d’électricité, les annonces qui ont été faites ce week-end par Tesla montrent que nous sommes aujourd’hui capables de développer le stockage d’électricité de manière extrêmement peu coûteuse, et donc compétitive.

Il faudra fixer ces orientations dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. Celle-ci doit être ambitieuse et nous donner une vraie ligne de conduite pour atteindre cet objectif de 100 % d’énergies renouvelables en 2050. Mais il importe de donner également cet objectif à nos entreprises publiques, à commencer par EDF. Il faut une feuille de route pour EDF, cette entreprise française qui est presque à 100 % publique. Il ne faut surtout pas lui donner pour rôle de sauver Areva, ce qui aurait pour conséquence de l’entraîner dans la chute d’Areva. Il importe au contraire d’orienter clairement EDF vers la transition énergétique. De la même façon, il faut qu’Areva s’engage dans la voie du démantèlement des réacteurs nucléaires et du développement des énergies renouvelables. C’est du reste ce que l’entreprise a commencé à faire avec l’éolien offshore. Il faut faire de même avec GDF Suez, qui est devenue Engie et qui a commencé à s’orienter clairement vers la transition énergétique, mais aussi avec ERDF, RTE, GrDF et GRTgaz. Toutes ces entreprises publiques doivent être orientées vers la transition énergétique.

Et c’est la même chose pour Renault et Peugeot : il faut que ces constructeurs automobiles fabriquent des véhicules plus sobres et moins polluants. Il faut que l’État leur donne une feuille de route. C’est ce que Barack Obama a su faire avec les constructeurs automobiles américains : lorsqu’il est intervenu pour les soutenir, il leur a fixé une feuille de route.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion