Intervention de général Denis Mercier

Réunion du 15 avril 2015 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air :

Pour moi, cela vient notamment de Cheikh Mohammed, émir de Dubaï, vice-président de la fédération et ministre de la Défense. Lorsque vous l'écoutez, ce que j'ai eu l'occasion de faire au cours des deux années où j'ai été conseiller du ministre de la Défense, vous apprenez beaucoup, et vous vous rendez compte que les Émiriens ont une vision très intéressante. Et cela se retrouve à tous les niveaux. Mais vous savez que c'est aussi vrai d'autres pays du Golfe. De plus, ils sont très ouverts. Je crois beaucoup à notre coopération avec eux dans l'avenir. Lorsqu'ils évoquent la coopération, ils pensent non pas aux Rafale, mais, comme nous, aux systèmes de combat futur.

Cela rejoint d'ailleurs la question que vous avez posée sur les drones, monsieur Moyne-Bressand. Aujourd'hui, nous en sommes encore à développer des plates-formes, qui permettent d'interconnecter des systèmes de combat. Dans l'avenir, il s'agira d'interconnecter des plates-formes, de combiner au mieux des capacités avancées de commandement et de conduite des opérations, des avions de chasse tels que le Rafale, des drones de combat, des drones MALE, etc. Tel est l'environnement auxquels nous réfléchissons. S'agissant des drones, la question pour le futur n'est pas de savoir si tel ou tel avion sera remplacé par un drone, mais d'imaginer un système qui interconnectera dans les meilleures conditions possibles des Rafale et des drones de combat, par exemple.

Nos camarades américains mettent en avant le concept de furtivité et ont développé des avions furtifs. Cependant, lorsque l'on engage des avions sur un théâtre, le critère principal est non pas la furtivité, mais la survivabilité, c'est-à-dire la capacité du système à survivre compte tenu du niveau et de la nature des menaces existant sur ce théâtre. Dans certains cas, la survivabilité, c'est la furtivité. Mais il existe aujourd'hui des radars qui commencent à détecter les avions furtifs, ce qui rend ceux-ci vulnérables à différentes menaces. Le Rafale est certes moins furtif qu'un F-35, mais il est capable de faire du suivi de terrain à basse altitude en pilotage automatique, y compris de nuit et dans les nuages, ce qui est plus efficace que la furtivité vis-à-vis de certaines défenses sophistiquées.

Donc, dans notre vision, il ne faut pas tout miser sur un seul système. Nous devons développer la furtivité des drones de combat, mais aussi nous appuyer sur d'autres capacités telles que le suivi de terrain en pilotage automatique sur les Rafale. C'est la combinaison organisée de tous ces éléments au sein d'un système qui nous rendra performants dans l'avenir. Tel est l'enjeu.

J'en viens à mon bilan à la tête de l'armée de l'air au bout de trois ans. Je suis admiratif du niveau d'engagement de nos soldats. Je rencontre des personnes remarquables tant sur nos bases aériennes que sur les théâtres d'opérations. Je vous encourage, mesdames, messieurs les députés, à continuer à leur rendre visite.

Au début de l'opération Serval, nous avions besoin d'utiliser immédiatement des drones, et j'ai demandé à l'unité compétente combien de temps il fallait pour mettre en oeuvre nos Harfang – à l'époque, nous ne disposions pas encore des Reaper. Mes hommes m'ont répondu que trois semaines étaient nécessaires. Ils sont finalement revenus vers moi pour m'annoncer que cinq jours devaient suffire. Et cela a fonctionné ! Je pourrais vous citer des dizaines d'exemples analogues. Ma seule préoccupation, c'est de les freiner : ils ne savent pas s'arrêter ! À Albacete, je le rappelle, des mécaniciens ont affronté le danger pour sauvegarder les Rafale, sans penser à sauver leur vie.

Notre bilan, le voilà : nous obtenons de vrais succès opérationnels, et nous le devons à un personnel remarquable. Dès lors, ma priorité est de mettre en oeuvre notre plan stratégique. L'armée de l'air s'est beaucoup réformée au cours des dix dernières années, d'abord avec le plan « Air 2010 », qui était un bon projet, mais qui présentait un défaut : c'était une réforme pour les aviateurs voulue par les aviateurs. Ce plan a été affecté par la révision générale des politiques publiques (RGPP) et par les décisions concernant le format résultant des Livres blanc successifs, ce qui a produit un paysage très mouvant. Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai jugé nécessaire d'élaborer un nouveau plan stratégique pour redonner de la cohérence aux différents objectifs. Nous avons redéfini des valeurs et des principes, puis préparé une quarantaine de projets. Le comité stratégique de l'armée de l'air s'est rendu lui-même sur les bases aériennes pour expliquer notre plan au personnel. Aujourd'hui, nous faisons des points réguliers sur son état d'avancement, notamment au sein du conseil de la fonction militaire de l'armée de l'air. Nos soldats commencent à y adhérer, ce qui fait notre force.

Maintenant que nous avons donné des objectifs à notre personnel, nous devons nous y tenir. Il ne faudrait pas que l'on touche à nouveau au format à la faveur d'un nouveau Livre blanc ou d'un autre exercice de cette nature. Je le répète : il faut stabiliser le modèle RH, car nous avons besoin de continuité. Nous avons défini une nouvelle politique RH, reposant sur des principes complètement différents. Et cela ne va pas sans difficultés pour notre personnel, notamment pour les officiers. En trois ans, nous avons divisé par deux le flux de promotion des colonels au généralat. Nous avons également diminué le nombre de colonels – de 40 % – et celui des lieutenants-colonels. Cela signifie que nous avons considérablement restreint les perspectives d'évolution qui existaient auparavant pour les officiers à la fin de la première partie de leur carrière. Or nous devons continuer à recruter et à former un personnel de bon niveau.

Avec notre plan, nous proposons des solutions, mais celles-ci impliquent de penser différemment. Parmi nos quarante projets, il y a la mise en place des parcours professionnels « en Y », qui concerne les sous-officiers et, surtout, les officiers. Il s'agit, pendant la première partie de leur carrière – le tronc commun du « Y » –, de leur donner les clés qui permettront ensuite à certains d'entre eux non pas de se reconvertir, mais de continuer à progresser à l'extérieur du monde de la défense. À cette fin, nous avons réorganisé l'École de l'air, en introduisant des modules de préparation à l'entreprise et de formation en entreprise. Nous organisons aussi des bilans de compétences à la sortie de l'École de l'air. Enfin, j'envoie mes officiers faire des périodes de « réserve inversée » en entreprise dans le cadre de leur formation continue. L'objectif est de nous permettre, à un moment donné, de faire un choix entre ceux qui poursuivront leur carrière dans l'armée et ceux qui le feront en dehors d'elle. Ce sera d'ailleurs bon pour la Nation, car nous formons des professionnels remarquables.

Ces réformes sont surtout difficiles pour les officiers qui sont actuellement commandants ou lieutenants-colonels, car ils sont touchés par les réformes sans y avoir été préparés. Tel est en effet la réalité, et nous n'avons pas d'autre possibilité que de traiter tous les cas individuellement.

Mon seul souhait, je le répète, c'est que l'on arrête de toucher au format. Ainsi que je l'ai rappelé, nous avons réduit de moitié le format de l'aviation de combat en deux LPM, et nous en mesurons aujourd'hui les conséquences. Nous sommes en train de construire quelque chose, avec des idées nouvelles, mais nous ne pouvons le faire que sur une base solide. Certes, les transformations ne s'arrêteront jamais, ainsi que je le dis au personnel. Mais, maintenant que nous lui avons mis un plan sous les yeux, celui-ci exprime une attente forte. À nous de savoir y répondre.

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