Intervention de Alain-Gérard Slama

Réunion du 17 avril 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Alain-Gérard Slama :

Mon intervention comprendra deux parties, comme à Sciences Po : le Sénat est une institution qui hésite à se définir et qui ne parvient pas à se réformer.

Un des obstacles à la réforme du Sénat de 1969 – si l'on songe à la réaction qu'avait eue à l'époque Valéry Giscard d'Estaing – était l'introduction des intérêts professionnels et sociaux. Une représentation politique des intérêts professionnels et sociaux a-t-elle un quelconque caractère de légitimité, alors même qu'elle risque de dériver vers le corporatisme ? M. Jeanneney a évoqué la loi Le Chapelier. Il a raison de refuser la représentation des communautarismes, qui serait une catastrophe. Il n'y a pas plus diviseurs que les comportements identitaires déterminés par une référence à une appartenance. Dois-je rappeler que tout mandat impératif est nul ? Or la référence à une appartenance, religieuse en particulier, implique une forme de mandat impératif.

La question peut également être posée s'agissant de la référence territoriale : la représentation des régions ne doit être que le vecteur d'une plus grande diversité. À ce titre, il n'est pas nécessaire que le Sénat ait une majorité. Il ne doit pas être pensé comme venant au secours de la majorité de l'Assemblée nationale en faisant double emploi avec elle.

Une représentation corporatisée n'est-elle pas du même ordre qu'une représentation communautaire ? Ne conduirait-elle pas à introduire des intérêts qu'il serait très difficile de déloger ? C'est un des problèmes du CESE. Pour y avoir fait un rapport, j'ai pu constater combien l'unanimité obtenue dans les réunions des commissions se dissout en assemblée plénière, si bien que les textes adoptés sont vidés de tout intérêt.

Pour résumer, quelle définition convient-il de donner du Sénat ? Est-il une institution pluraliste et plurielle, dont la diversité doit exclure toute tentative de dégager une majorité politique faisant double emploi avec la majorité parlementaire ? Ou est-il une chambre de réflexion permettant d'exprimer une autre conception de l'intérêt général reflétant la diversité du pays dans l'indépendance de chacun des sénateurs ?

Second volet de mon intervention : notre propos est-il utile, dès lors que le Sénat ne peut être réformé sans son accord, et qu'il faut pour cela dégager des majorités improbables ? Le Sénat doit-il continuer de représenter un obstacle sur la voie de réformes institutionnelles ? De Gaulle avait été contraint de contourner l'opposition de Gaston Monnerville, alors président du Sénat, pour le référendum de 1962 portant élection du Président de la République au suffrage universel.

3 commentaires :

Le 26/12/2016 à 16:50, Laïc1 a dit :

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"Il a raison de refuser la représentation des communautarismes, qui serait une catastrophe."

Et la loi de 1995 qui institutionnalise les lobbies, pourquoi n'a-t-elle pas été abrogée ?

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Le 26/12/2016 à 19:19, Laïc1 a dit :

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" Il n'y a pas plus diviseurs que les comportements identitaires déterminés par une référence à une appartenance."

Les lobbies divisent, rejettent l'avis citoyen dans le néant, mais les citoyens veulent néanmoins se sentir exister, et n'ont plus comme solution pour cela que de se raccrocher à leur identité collective, celle de leurs ancêtres en général. Mais si on dit que se raccrocher à cette identité "de consolation" divise, alors il faut bien reconnaître que ce sont ces lobbies tueurs de démocratie et de référendum qui sont à l'origine de ce repli identitaire, et donc de cette division politique à coup de religion, mais aussi de race ou d'origine. On ne peut pas accuser l'effet d'être la cause, sinon on se trompe.

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Le 27/12/2016 à 08:54, Laïc1 a dit :

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Pour la loi de 1995, c'est en fait une loi américaine, elle ne peut donc pas concerner la France.

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