Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 17 avril 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Duflot :

Trois débats s'entrecroisent. Le premier porte sur la qualité de la loi. La lenteur d'élaboration de la loi n'est pas mauvaise en soi. Légiférer dans l'urgence permet rarement d'améliorer la qualité de la loi, car, trop souvent, des amendements bavards, inutiles et non expertisés, sont adoptés dans le seul dessein de plaire aux parlementaires dont le Gouvernement veut obtenir les voix. Tel a été le cas du projet de loi relatif au renseignement : est-il normal que le Gouvernement demande une suspension de séance pour présenter un amendement de dernière minute sur la composition des instances créées par le texte ? Une telle méthode soulève de légitimes interrogations. Prendre le temps nécessaire pour bien légiférer oblige le législateur à faire preuve de pertinence.

Le deuxième débat porte sur la représentation du Sénat : pourquoi, en termes de limite d'âge, prévoir un plancher et non un plafond ? Pourquoi la présence de membres plus âgés permettrait-elle au Sénat de mieux légiférer alors que, pour répondre aux défis nouveaux, nous aurions besoin d'une deuxième chambre qui fasse preuve d'inventivité et de fraîcheur ? Le plafond pourrait même être fixé à quarante ans. En outre, à l'heure actuelle, le Sénat reflète non pas les territoires, mais les élus locaux qui forment son électorat. J'ai été grand électeur en 2011 dans le Val-de-Marne : c'est une expérience enrichissante. Les bureaux de vote n'ont que cent électeurs. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas organiser un vote par scrutin public ? Rien de plus facile que d'identifier le vote des grands électeurs !

Si certains sénateurs travaillent très sérieusement – le Sénat est loin d'être une maison de retraite –, d'autres ne déposent des amendements que pour des questions d'intérêt microlocal, voire électoral, ayant pour seul objet de résoudre les problèmes de déséquilibre politique qui se posent dans leur département. Je pourrais vous citer de nombreux exemples.

Troisième débat : la fusion du Sénat et du CESE. Une chose est de voter la loi, une autre de fournir des éléments en vue d'améliorer sa qualité. En dépit des efforts réalisés ces dernières années, les rapports du CESE doublonnent encore trop souvent avec ceux des parlementaires. Il serait possible d'obliger les parlementaires à se consacrer au vote de la loi en leur interdisant de rédiger des rapports, le travail d'élaboration étant effectué par le CESE. Actuellement, les mêmes travaux peuvent être conduits simultanément par les différentes assemblées. Le problème du tricamérisme est le plus compliqué à résoudre. Pourquoi ne pas réserver à la deuxième chambre une fonction d'expertise plus importante, ainsi qu'un rôle de représentation diversifiée ? La seule utilité que j'attribue à l'âge est non pas la sagesse, mais l'expérience préalable : expérience d'élu local ou professionnel. Je suis favorable à la navette parlementaire : la loi doit être mise plusieurs fois sur le métier avant d'être adoptée. Je le répète : prendre le temps de faire la loi n'est pas une mauvaise chose. Cela obligerait les responsables politiques à faire de la politique autrement qu'à travers l'annonce et l'adoption de projets ou de propositions de loi. Faire de la politique ne se réduit pas à légiférer : c'est également diriger, décider et agir.

Je suis favorable à la fois au bicamérisme et à une évolution de la composition de la seconde chambre. De préférence à un critère d'âge, il conviendrait d'instaurer un critère d'expérience, imposant, par exemple, l'exercice préalable d'un mandat. Il faut également réfléchir à une forme de fusion du Sénat avec le CESE. Les compétences de chaque instance doivent en tout cas être clarifiées.

Monsieur le président, vous avez souligné que c'est la première fois qu'un groupe de travail à l'Assemblée nationale permet de mêler des profils aussi différents. J'ai fait le choix de la franchise sur les questions institutionnelles, dans lesquelles nous devons avancer sans faux-semblant. J'ai bien écouté M. Jeanneney et M. Winock, qui nous permettent de resituer dans l'histoire nos problématiques, comme celle de la publication du patrimoine des parlementaires, qui n'est en rien récente. La démocratie est une question ancienne : les propos de Mme Berger sur le tirage au sort sont décoiffants. Je crois d'autant moins au tirage au sort pour désigner l'exécutif ou une part du législatif qu'Europe-Écologie-Les-Verts l'a expérimenté sur lui-même pour désigner une partie de son conseil statutaire : si l'idée est originale, le succès n'a pas été au rendez-vous. J'ai évoqué la question de l'association citoyenne dans l'élaboration du travail législatif ou dans la prise des décisions publiques : cette association, loin de représenter un frein, permet de gagner du temps. Il conviendrait de nous diriger vers la création d'une chambre ayant une fonction de consultation plus grande. Cette chambre légiférerait, comme le Sénat aujourd'hui, mais uniquement après avoir procédé à des consultations très approfondies, comme le fait le CESE.

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