À l'occasion, il y a un an, de la sortie de mon livre Je ne me tairai plus, Plaidoyer pour un socialisme populaire, j'ai pu constater combien les faiblesses d'une institution sont contenues dans l'institution elle-même. Je pense à l'émoi qu'ont suscité chez nos collègues sénateurs les quatre lignes que je consacre à leur institution sur les 250 pages de l'ouvrage, émoi qui révèle une inquiétude contenue : « En ce qui concerne le Sénat, tout en réduisant aussi le nombre de ses membres » – j'ai évoqué auparavant la réduction du nombre des députés – « je pense qu'il pourrait être fusionné avec le Conseil économique, social et environnemental, comme le proposait déjà en son temps le général de Gaulle. Il conviendrait également de lui retirer tout pouvoir de blocage. » Lorsque quatre lignes peuvent provoquer un tel émoi, c'est que le diable est dans les détails.
Le CESE dispose aujourd'hui de 231 conseillers désignés pour cinq ans, 72 experts et 150 fonctionnaires. Il émet chaque année une vingtaine de rapports d'excellente qualité. Or ils n'ont pas d'impact important sur les politiques publiques, ce qui est un vrai problème, car la preuve d'un rapport est son utilité.
L'avantage de notre groupe de travail, madame Duflot, c'est qu'il ne s'inscrit pas dans le temps court. Je souhaite qu'il aboutisse à la publication d'un rapport utile aux candidats de la prochaine élection présidentielle. C'est la légitimité d'une élection présidentielle que de proposer au peuple, y compris en utilisant la force de l'article 11 de la Constitution, une modification du fonctionnement de la démocratie.
Oui, il s'est trouvé au Sénat une majorité pour élire mon ami Jean-Pierre Bel à la présidence de la Chambre haute : on ne peut pas affirmer pour autant qu'il y a eu une majorité de gauche au Sénat. Il suffit de se référer aux votes de cette institution durant cette période. Le mode de scrutin a été conservateur : il a freiné toute évolution, même lorsque la gauche a été très implantée dans les collectivités locales et au plan national.
Monsieur Jeanneney, vous avez évoqué la question du temps : elle est devenue aujourd'hui un prétexte pour mal légiférer. Le nombre d'amendements déposés par le Gouvernement n'a jamais été aussi élevé. Chacun s'installe, quel que soit le nombre des navettes, dans la conviction que les études d'impact sont inutiles et qu'il est préférable d'écrire la loi au fil des débats. Le Président de la République est élu pour cinq ans. Or, entre le moment où un projet de loi est annoncé aux Français par le porte-parole du Gouvernement à l'issue d'un conseil des ministres et celui où il entre en application, il se passe généralement entre vingt à vingt-deux mois. Ce délai affaiblit le lien des politiques avec les citoyens, puisque ceux-ci n'ont plus l'impression que les annonces politiques – cela concerne aussi bien la droite que la gauche – puissent être rapidement suivies, dans leur vie quotidienne, des changements conformes aux choix politiques qu'ils ont faits.
J'ai été très attentif à la question d'une dose de représentation proportionnelle au Sénat, ainsi qu'à celle d'une certaine forme de cumul pour les sénateurs. Attention, cependant : si la représentation du Sénat reflète mieux le vote des Français que celle de l'Assemblée nationale et que le Sénat conserve la possibilité d'examiner les mêmes textes que l'Assemblée nationale, la question de la légitimité se posera immanquablement. Il est vrai que le scrutin uninominal à deux tours impose à l'électeur de choisir au premier tour et d'éliminer au second tour : si l'élimination du second tour aboutit à l'élection de deux assemblées qui reflètent différemment les choix du peuple, quelle sera l'assemblée la plus légitime aux yeux des Français ? Laquelle donnera le ton juste : celle qui reflétera l'ensemble des forces politiques ou celle dont certaines de ces forces seront éliminées ?
C'est toute la difficulté de nos travaux, qui nous imposent de faire du pointillisme à chacune de nos réunions : ajouter les unes après les autres des touches sur la toile que sera le rapport que nous souhaitons publier. Toutes ces questions renvoient les unes aux autres. En fonction des choix que nous ferons en matière de mode de scrutin – notamment pour élire l'Assemblée nationale –, de durée du mandat présidentiel ou d'organisation entre les deux assemblées, la cohérence de l'ensemble ne sera pas de même nature. Nous nous en apercevrons lorsqu'il nous faudra procéder à la synthèse de nos travaux.
Dans une démocratie moderne, lorsque le peuple ne se reconnaît pas dans une assemblée, il convient de procéder à des modifications : la règle vaut pour les trois assemblées.
Le 27/12/2016 à 09:08, Laïc1 a dit :
"Dans une démocratie moderne, lorsque le peuple ne se reconnaît pas dans une assemblée, il convient de procéder à des modifications : la règle vaut pour les trois assemblées."
Vous pourrez procéder à toutes les modifications que vous voudrez, cela ne marchera jamais, et le peuple ne se reconnaîtra pas dans vos nouvelles assemblées, car ce qu'il faut, c'est l'institutionnalisation du référendum, son usage systématique pour tout ce qui est de l'ordre de l'interdit (lois, décrets, arrêtés, circulaires), car le peuple ne peut plus supporter que l'on décide à sa place. Dès qu'il y a un relais entre la loi et le peuple, il y a un risque de corruption, et cela le peuple ne veut plus en entendre parler. Il y a eu trop d'abus, maintenant c'est trop tard pour regretter, il faut changer le système dans un but de légitimité et d'efficacité démocratique, pour le bien de l'intérêt général et non pas celui de l'intérêt particulier incarné par les lobbies destructeurs de démocratie et de République.
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