Intervention de Marie-Anne Cohendet

Réunion du 17 avril 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Marie-Anne Cohendet :

Je suis incapable de répondre seule à une question aussi importante que difficile : elle mérite une réflexion approfondie faisant appel à des spécialistes de la démocratie participative. Que ce soit dans le domaine social, de l'environnement ou de l'emploi, les associations fournissent un travail considérable qui pourrait servir d'expertise dans le cadre de la fabrication de la loi.

1 commentaire :

Le 27/12/2016 à 12:31, Laïc1 a dit :

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Et les juges, les magistrats, les vrais professionnels de la loi en quelque sorte, puisque ce sont eux qui sont chargés de la faire appliquer, et qui sont donc confrontés à toute une variété très importante de cas particuliers, n'ont-ils donc aucune idée de ce que serait une loi idéale ? Certes, ils ont trouvé un raccourci commode par le moyen de la "jurisprudence", la loi interne des magistrats, mais la séparation des pouvoirs officielle dans notre république empêche normalement que les juges fassent la loi, même sous le nom de jurisprudence.

Par contre, leur expérience est intéressante à exploiter, et ils pourraient être appelés en commission des lois pour exprimer leurs idées, et faire progresser la fabrication de la loi de manière officielle et autorisée, et non pas par ce moyen finalement "illégal" qu'est la jurisprudence. Jamais deux cas ne sont totalement identiques, le contexte peut changer, et ce n'est pas parce qu'une chambre a jugé une affaire de telle manière qu'elle va engager une autre affaire à être jugée de la même façon (car c'est cela en définitive la jurisprudence).

De la même façon, le groupe de réunion ne parle pas du conseil d'Etat, pourtant il y aurait beaucoup à dire sur cet arbitre des décisions administratives : n'y-t-il pas danger qu'il fasse sa loi dans la loi, on l'a vu avec l'affaire du burkini ? Les citoyens français auraient-ils autorisé le burkini s'ils avaient été consultés par référendum ? Rien n'est moins sûr. Donc une décision officielle qui va contre la volonté du peuple peut paraître fortement anti-démocratique, puisque la démocratie est l'avis du peuple (et non pas celui des lobbies en tout genre).

D'un autre côté, peut-on tout autoriser au peuple ? Si par référendum le peuple approuvait l'abolition de la République ou de la laïcité, faudrait-il obtempérer ? Cela revient à poser le problème du jugement de la loi par rapport à la loi. Les Athéniens appelaient cela la graphé para nomon

"La graphè para nomon (ἡ γραφή παρά νόμων) : on appelle γραφή (graphè) une action en justice à caractère public. Le terme s'oppose à ἡ δίκη (dikè), action en justice privée. Littéralement, l'expression signifie donc "action en justice publique dans l'intérêt des lois". Cette procédure permettait de mettre en accusation tout citoyen ou magistrat auteur d'une proposition de décret ou d'une action politique contraire à la loi. Elle avait pour but, dès les premiers temps de la démocratie, de protéger celle-ci contre les excès qu'aurait pu engendrer la souveraineté totale du peuple et de mettre les institutions à l'abri des intrigues des démagogues ou des aléas de l'histoire.

Quand la graphè pouvait-elle être engagée ? Tout de suite, au moment-même ou la proposition était faite, débattue et mise aux voix mais aussi après réflexion, pendant une durée d'un an.

Qui pouvait la demander ? Tout citoyen estimant que les lois fondamentales de la cité étaient mises en danger.

Contre qui s'exerçait-elle ? La graphè para nomon visait bien sûr l'auteur de la proposition mais aussi l'épistate qui présidait l'Assemblée ce jour là. On voit que l'iségorie n'était pas sans risque et que la fonction d'épistate n'était pas purement honorifique.

Comment ? La procédure judiciaire débutait sur la Pnyx mais le jugement proprement dit se déroulait dans le tribunal de l'Héliée. La sanction allait de la simple annulation du décret à une amende. Dans les cas graves, les héliastes pouvaient prononcer une peine d'atimie, la sanction extrême étant la peine capitale."

Ainsi, il faudrait établir une hiérarchie des lois stricte, avec des lois absolues auxquelles aucune autre loi ne pourrait déroger, le tout surveillé par un conseil des lois de base, un peu semblable au conseil constitutionnel, mais chargé de veiller systématiquement à la conformité de l'ensemble des propositions de lois demandées par voie de référendum.

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