Intervention de Dominique Lefebvre

Séance en hémicycle du 6 mai 2015 à 15h00
Débat sur le projet économique et social européen de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre :

Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, mes chers collègues, l’organisation de nos travaux parlementaires fait que ce débat se tient trois ans, jour pour jour, après l’élection de François Hollande à la présidence de la République. C’est donc l’occasion, et vous ne m’en voudrez pas de la saisir, de mesurer le chemin parcouru ces trois dernières années en France et en Europe et les effets de la stratégie économique, sociale et financière que nous avons poursuivie depuis 2012, pour mieux tracer nos perspectives d’avenir.

Premier constat : oui, la France va mieux. Elle est plus forte, mieux armée et davantage déterminée qu’elle ne l’était en 2012, au terme du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Certes, notre pays ne va pas aussi bien que nous le souhaiterions. Il y a toujours trop d’inégalités, en raison de la persistance d’un chômage de masse important, qui fragmente la société et brise les individus. Un chômage de masse qui, depuis quarante ans – bientôt deux générations et plusieurs alternances politiques – a un impact sur la vie de trop de nos compatriotes. Un chômage de masse qui nourrit les inquiétudes et pèse sur la confiance de nos concitoyens, comme sur celle des acteurs économique. Ce chômage de masse et de longue durée ne date pas de 2012, comme veut le faire croire à l’envi l’opposition. Il vient de loin.

Si nous avons divisé par quatre le rythme de l’augmentation du nombre de chômeurs par rapport au quinquennat précédent et fait reculer le chômage des jeunes, nous ne pouvons nous en satisfaire : notre économie ne crée pas suffisamment d’emplois, faute de croissance suffisante.

Au-delà du million de chômeurs supplémentaires du quinquennat de Nicolas Sarkozy, c’est le résultat de la perte de compétitivité de l’économie française, notamment depuis 2002, de l’effondrement des taux de marge des entreprises, à partir de 2007, du recul de l’investissement privé et de l’absence de politique industrielle, qui a conduit à la disparition, entre 2002 et 2012, de plus de 700 000 emplois industriels.

Pour autant, la France va mieux en 2015 et sa situation devrait encore s’améliorer en 2016 et 2017. Nous devons le dire haut et fort, pour en finir avec le french bashing !

Alors que le déficit public avait atteint 7,2 % avec la droite, nous l’avons réduit de près de moitié. Nous avons fait mieux encore avec le déficit structurel, qui n’avait cessé de se dégrader depuis 2006. La progression de la dépense publique, qui était supérieure à 3 % entre 2002 et 2012, a été ramenée à moins de 1 % par an. Nous avons divisé presque par deux le déficit extérieur. Nous avons restauré le taux de marge des entreprises, qui devrait atteindre en juin son plus haut niveau depuis 2011 et se rapprocher de sa moyenne d’avant-crise, autour de 32 %. Quant au pouvoir d’achat, il a de nouveau progressé en 2014, de 1,3 %.

Les faits sont là, incontestables, même si ces premiers résultats sont encore insuffisants et si nos concitoyens n’en perçoivent pas pleinement les effets dans leur vie quotidienne, doutant peut-être de leur pérennité.

Deuxième constat : si la France va mieux, c’est parce que la situation économique s’améliore en Europe et en France, notamment grâce aux mesures difficiles que nous avons su prendre, contrairement à nos prédécesseurs, ainsi qu’à la réorientation des politiques européennes que la France a su impulser.

L’exécutif communautaire prévoit désormais pour 2015 une croissance du produit intérieur brut de 1,5 % dans la zone euro et de 1,8 % pour l’ensemble de l’Union, soit respectivement 0,2 et 0,1 point de plus que dans ses prévisions de février. Les économies européennes bénéficient d’une conjonction de facteurs favorables venant stimuler la reprise : maintien des prix du pétrole à des niveaux relativement bas, croissance mondiale soutenue, poursuite de la dépréciation de l’euro et politiques économiques opportunes dans l’Union européenne.

C’est notamment le résultat de la politique d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne, qui fait baisser les taux d’intérêt et améliore les conditions du crédit. C’est aussi le résultat du retour au caractère neutre – ni resserrement ni relâchement – des politiques budgétaires, après des années de politiques restrictives.

J’entends dire que la France n’y serait pour rien et que ces facteurs conjoncturels tomberaient du ciel ou viendraient d’ailleurs. La réalité est que nous avons pris toute notre part dans ces résultats. Dois-je rappeler que la France milite depuis 2012, au côté des sociaux-démocrates européens, pour un rééquilibrage de la politique européenne en faveur du soutien à la croissance et à l’emploi, que traduit le plan d’investissement – dit Juncker – de 300 milliards d’euros ? Dois-je rappeler nos efforts pour concrétiser l’union bancaire, renforcer la coordination de nos politiques économiques, soutenir l’investissement dans des secteurs d’avenir – énergie, transports, santé – ou encore lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale – autant d’avancées concrètes ?

Nous avions dénoncé les effets négatifs des politiques d’austérité budgétaire imposées par les gouvernements conservateurs et par la Commission Barroso. C’est d’ailleurs à cette même tribune, il y a un an, que le Premier ministre Manuel Valls a appelé, lors de son discours de politique générale, à un retour à la parité euro-dollar. C’est désormais le sens de la politique monétaire menée par la BCE. Comme le rappelle régulièrement son président Mario Draghi, celle-ci doit être accompagnée d’une politique budgétaire ambitieuse. C’est là tout l’enjeu du plan Juncker – mais vous y reviendrez certainement, messieurs les ministres.

Dans un contexte budgétaire qui reste contraint au niveau national, le budget européen doit jouer un rôle de régulateur conjoncturel et éviter à l’ensemble de la zone euro d’entrer dans un cercle déflationniste dévastateur. Déjà, la France a obtenu en août dernier la validation de son accord de partenariat avec la Commission européenne, qui régira l’utilisation de plus de 26 milliards d’euros de fonds structurels et d’investissements en faveur de l’économie locale, de la croissance durable et du développement humain au cours des sept prochaines années. Il nous faut désormais tout mettre en oeuvre pour que ces crédits puissent être déployés le plus rapidement possible. Les régions et l’État s’y attellent, grâce à un dialogue nourri avec la Commission, pour maximiser les effets de levier sur le développement de nos territoires.

Le soutien à l’investissement, qui a chuté de 15 % dans l’Union européenne depuis 2008, doit constituer notre priorité, d’autant plus que les besoins en la matière sont colossaux, en particulier dans les secteurs décisifs pour la croissance potentielle et future de l’Europe – infrastructures, énergie, télécommunications et numérique notamment. Nous devons mobiliser davantage le budget de l’Union européenne en ce sens, mieux utiliser les instruments existants, tels les project bonds créés par la Banque européenne d’investissement, mais aussi en créer de nouveaux.

Nous devons nous donner les moyens de faire du budget européen un instrument de solidarité et d’investissement financé par des ressources propres dynamiques, en nous inspirant des travaux du groupe de haut niveau sur les ressources propres, menés par Mario Monti.

Depuis 2012, nous avons donc permis une réorientation, encore insuffisante mais réelle, des politiques européennes, qui donne de premiers résultats. Celle-ci doit être approfondie et poursuivie. Nous avons aussi engagé les politiques devant permettre à la France de tirer profit de cette dynamique de croissance européenne qui s’annonce.

C’est tout l’objet des mesures conjoncturelles et structurelles prises dès l’automne 2012 et réunies dans le Pacte de responsabilité et de solidarité, qui visent à soutenir notre appareil productif et stimuler la consommation des ménages aux revenus modestes et moyens. C’est le choix de la stratégie d’ajustement budgétaire et de réformes, prévus par le programme de stabilité, et le plan national de réformes, que nous soutenons pleinement.

J’entends dire ici et là que cela ne serait pas suffisant, sur le plan ni des ajustements budgétaires ni des réformes structurelles et que, de ce fait, la France tirerait moins profit que ses partenaires européens du retour de la croissance en Europe. Là encore, il faut se souvenir d’où nous venons et pourquoi nous en sommes là ! L’ancienne majorité n’a pas engagé les réformes nécessaires en temps voulu et a même fait des choix fiscaux contestables, en instaurant, par exemple, le bouclier fiscal. La politique de relâchement budgétaire, menée pendant dix ans, nous pousse aujourd’hui à conduire, dans le même temps, des ajustements budgétaires douloureux et des réformes structurelles, dans un contexte de croissance faible.

C’est pourquoi la France veille à l’équilibre entre réduction des déficits et préservation de la croissance. Sacrifier le soutien à la croissance pour assainir rapidement les finances publiques serait, sinon un non-sens, du moins contre-productif. Abandonner l’objectif de réduction du déficit public le serait tout autant, car ce serait renoncer à notre souveraineté financière.

Aujourd’hui, la croissance repart en France, mais il faut la soutenir sans relâche, en redonnant des marges aux entreprises françaises, par une réduction, notamment, des charges des PME, des PMI et des ETI. Les premiers effets de cette politique volontariste à destination de nos entreprises sont d’ores et déjà perceptibles. Au-delà de l’amélioration du taux de marge des entreprises, que j’ai déjà évoqué, la baisse du coût horaire du travail a été engagée : au deuxième trimestre de 2014, celui-ci a atteint 36,80 euros dans l’industrie française, contre 38,50 euros outre-Rhin.

Tout cela s’est fait, je le rappelle, en consolidant le pacte social en France, par des réformes fiscales et sociales majeures, un pacte social sans lequel il ne pourrait y avoir de retour durable de la croissance.

Oui, la France de 2015 va mieux que celle de 2012, mais il faut évidemment poursuivre les efforts pour qu’elle aille encore mieux en 2016 et 2017, et évidemment au-delà.

Les pseudos-alternatives proposées au sein même de cet hémicycle – creusement du déficit, de la dette et refus de toute réforme structurelle pour les uns ; fuite en avant dans des politiques d’austérité, libéralisation et déréglementations sociales pour les autres – ne sont pas crédibles. Et que dire du rejet de l’Europe prôné par l’extrême-droite ? La question est de savoir ce qu’en seraient les résultats en termes de croissance, d’emplois et de pouvoir d’achat pour nos concitoyens. Pour le groupe SRC, la réponse est claire : ce sont là des impasses, dangereuses, sur le plan économique et social.

Parce que nos choix politiques en Europe et en France commencent à porter leurs fruits, nous devons maintenir le cap et amplifier les réformes au plan national comme au plan européen, en accordant notamment toute l’attention à ce qui favorisera la reprise de l’investissement dans notre pays, clé d’une croissance retrouvée et de la création d’emplois.

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