Mais la réponse est négative. S’il existait encore des cycles, il n’y aurait pas un écart croissant, mais une inversion. Ce n’est pas ce qu’on constate, depuis six ans maintenant.
Cet écart croissant que vous affichez est complètement artificiel et n’a qu’un seul objectif : faire croire à la Commission européenne que vous réduisez le déficit structurel de la France alors que le déficit effectif se réduit fort peu.
Toutefois, Bruxelles est sceptique, on le voit bien. C’est la troisième prolongation et on conteste ce que vous présentez comme des économies. Je m’étais d’ailleurs permis d’expliquer que seulement un gros tiers du montant affiché représentait des économies réelles. Vous annoncez 4 milliards cette année et 5 milliards l’année prochaine, mais on ne sait pas de quoi il retourne et on est complètement perdu. Fondamentalement, se pose une question qui dépasse largement votre Gouvernement : peut-on continuer à se fonder sur un système qui n’est plus adapté à la situation économique ?
Deuxième question fondamentale que je voudrais poser : après trois années de surévaluation systématique des prévisions – vous n’êtes pas les seuls, mais quand j’étais dans la majorité, je le disais, je ne me taisais pas –, pourquoi le Gouvernement est-il devenu plus prudent ?
La raison de ce changement est avant tout politique : le Gouvernement entend afficher en exécution une croissance supérieure à ses prévisions en fin d’année, afin de se féliciter de la supposée réussite de sa politique. C’est tout simple.
Toutefois, d’après les études sur les variantes économiques réalisées par vos services, la croissance plus élevée en 2015-2016 qu’en 2012-2013 provient de la combinaison de trois facteurs totalement externes à la politique du Gouvernement : la baisse des taux d’intérêt, la baisse du prix du baril de pétrole, enfin la baisse de l’euro face au dollar. En me fondant sur les études de variantes qui sont dans les documents que vous nous avez remis, je me suis posé la question suivante : quelle croissance supplémentaire la baisse de 40 % du prix en dollars du baril de pétrole, la baisse des taux d’intérêt et la baisse de 17 % en moyenne entre 2014 et 2015 de l’euro face au dollar induisent-elles ?
D’après mes calculs, mais j’attends avec impatience les vôtres, je trouve 1,3 % de croissance en 2015 et 0,7 % en 2016. C’est dire l’effet de ces facteurs externes en 2015.
Qu’est-ce que cela signifie ? Que la légère amélioration de la croissance n’est pas due à un redémarrage de notre économie lié à des facteurs internes mais, massivement, à des facteurs externes qui, hélas, sont précaires. Pourquoi le sont-ils – ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis mais vos prévisions ?
Premier facteur : la baisse des taux d’intérêt s’inversera dès 2016. Je partage largement ce point de vue : d’après vous et les annexes du programme de stabilité, les taux à dix ans remonteront de l’ordre d’un point.
Les deux autres facteurs, quant à eux, ne joueront plus : vos prévisions ne font pas état d’une baisse continue du baril de pétrole pas plus que de la poursuite de la chute de l’euro face au dollar – une légère remontée est même possible.
La situation est donc extrêmement fragile.
Dernier point : comme se fait-il que l’impact des réformes soit estimé par le Gouvernement quatre fois supérieur en termes de croissance dans le programme national de réforme par rapport à l’évaluation du programme de stabilité ?
Je lis les documents et, surtout, les annexes. Selon la page 80 du programme de stabilité – si vous voulez bien vous y reporter – l’impact de ces réformes serait nul en 2014 et 2015…