Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission.
Cet amendement a été présenté en commission des Lois ce matin. Il est quasiment identique à un amendement cosigné par M. Geoffroy et Mme Fort. Il vise à rétablir dans le code pénal l'incrimination de l'inceste. Aussi étonnant que cela puisse paraître, l'inceste ne figurait pas dans le code pénal jusqu'en 2010. Les associations de victimes estiment à deux millions le nombre de personnes concernées par des actes incestueux. Des centaines de milliers de personnes, peut-être plus d'un million, ne pourront jamais se reconstruire si cette infraction n'est pas reconnue.
L'amendement propose de rétablir l'incrimination d'inceste dans le code pénal en tenant compte des motifs qui avaient conduit le Conseil constitutionnel à censurer les dispositions relatives à l'inceste, à l'occasion de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Le principal motif tenait à la définition trop large et sujette à interprétation des auteurs de crimes ou délits incestueux – la notion de famille à laquelle il était fait référence était insuffisamment précise. Le Conseil a estimé que s'il était légitime pour le législateur d'instituer une qualification particulière pour les agissements sexuels incestueux, les auteurs susceptibles d'être poursuivis pour ces faits devaient être précisément désignés.
Nous avons suivi cette recommandation en travaillant, en lien avec la Chancellerie, au sein d'un groupe de travail réunissant notamment M. Denaja, M. Geoffroy, Mme Fort et moi-même, et en nous inspirant notamment de travaux transpartisans menés au Sénat. Nous sommes parvenus à une rédaction ce matin dont nous pensions qu'elle était définitive mais la Chancellerie nous propose deux ajustements mineurs, très techniques, qui nous mettent à l'abri d'autres recours devant le Conseil constitutionnel.
L'amendement reprend, pour désigner les personnes susceptibles d'être poursuivies pour des faits incestueux, la liste des personnes pour lesquelles le code civil prévoit un empêchement à mariage ainsi que leurs conjoints, concubins ou partenaires d'un pacte civil de solidarité, sous réserve pour certains d'entre eux qu'ils aient sur la victime une autorité de droit ou de fait. Sont ainsi visés l'oncle, la tante, le neveu, la nièce, l'ascendant, le frère, la soeur, le tuteur et la personne disposant à l'égard de la victime d'une délégation totale ou partielle d'autorité. Nous nous référons au code civil afin de lever toute équivoque constitutionnelle.
Je présente brièvement les deux sous-amendements du Gouvernement que la commission des Lois a approuvés de manière informelle. Le premier prévoit de distinguer dans deux alinéas les ascendants, d'une part, et les frères et soeurs, d'autre part, en précisant pour ces derniers qu'ils doivent, au moment des faits, avoir une autorité de droit ou de fait sur la victime. Le second propose d'ajouter les anciens conjoints ou concubins aux personnes auxquelles la qualification d'inceste peut s'appliquer.
Si nous adoptions cet amendement attendu, nous réparerions une anomalie du droit pénal français en réussissant enfin à y introduire la notion d'inceste.