Il faut bien sûr se féliciter de voir nos effectifs militaires ainsi renforcés ; il n'y a sans doute pas lieu de polémiquer sur le sujet.
Mais si l'opération Sentinelle était bel et bien imprévisible, d'autres éléments expliquant la révision de la « manoeuvre RH » ne l'étaient pas autant.
Je m'explique. Nos travaux nous ont permis d'apprendre que même avant les attentats, les armées et les directions et services du ministère n'arrivaient plus à trouver suffisamment de postes à supprimer. Et ce n'est pas dans l'épaisseur du trait que cela se jouait. Le ministère lui-même avait renoncé à 1 500 suppressions de postes : concrètement, elles n'avaient été attribuées à aucun des « grands subordonnés ». De plus, les armées avaient fait savoir qu'elles n'arrivaient pas à identifier entre 3 500 et 5 000 suppressions de postes sans consentir des sacrifices irréversibles dans nos capacités opérationnelles, en les portant très en deçà des contrats opérationnels : les chefs d'état-major ont pris leurs responsabilités, il faut le dire et les en féliciter. Et de surcroît, même l'administration et les soutiens n'y arrivaient plus : le Secrétariat général pour l'administration ne trouvait pas 500 postes à supprimer. Faites le total : ce sont entre 5 500 et 7 000 postes (« fourchette haute » et « fourchette basse ») que l'on n'arrivait pas à supprimer. Ainsi, lorsque le chef de l'État a annoncé le 21 janvier qu'il entendait sauvegarder 7 500 postes, cela ne dégageait quasiment pas de marges de manoeuvre nouvelles.
Nous nous sommes donc demandé pourquoi, un an à peine après le vote de la LPM, la « manoeuvre RH » butait déjà. Nous avons interrogé sur ce point non seulement les responsables militaires et civils du ministère, mais aussi des experts reconnus, et nous en sommes venus à la conclusion suivante.
L'objectif de déflation a été fixé en 2013 sans que l'on sache vraiment où et combien on pouvait supprimer de postes sans casser la cohérence de notre outil militaire. Certes, on peut trouver des défauts à la RGPP, mais au moins tous les gestionnaires s'accordent-ils aujourd'hui à lui trouver un avantage : le ministère disposait d'analyses fonctionnelles approfondies avant de se lancer dans un plan de déflation d'effectifs. Mais il faut bien dire qu'en 2013, rien de tout cela. Aussi, la révision des cibles de déflation est bienvenue.