Soulignons que le Gouvernement a développé devant la Cour tous les arguments possibles pour éviter la condamnation. Mais aujourd'hui, la jurisprudence de la Cour, c'est le droit. Et il vaut mieux encadrer le mouvement que le laisser se développer sous des formes incompatibles avec la cohésion, la cohérence et l'efficacité de nos armées.
Qu'est-ce qui ressort de ces travaux ?
D'abord, que personne ne souhaite que l'on abandonne notre système de concertation militaire, organisé autour des conseils de la fonction militaire – un par « couleur d'uniforme » – et du Conseil supérieur de la fonction militaire.
Ensuite, que personne ne veut de « syndicats » au sens propre dans les armées. La nuance n'est pas seulement sémantique : on accepte des « associations », mais ni des syndicats, ni le syndicalisme.
Enfin, qu'il faut éviter que les futures associations professionnelles nationales de militaires ne perturbent le bon fonctionnement de nos forces. Cela passe par quelques règles, que le législateur peut imposer à toutes les associations : par exemple, interdire les structures corporatistes – il ne s'agit pas de défendre une unité ou une arme contre les autres – ; rappeler avec force l'interdiction de la grève et des manifestations, ainsi que les devoirs de neutralité et de réserve.
Une fois ceci fait, restent deux risques. D'une part, le risque que les instances de concertation et les associations constituent deux systèmes de légitimité concurrents : la concurrence pourrait conduire à la surenchère, et serait particulièrement déstabilisante. D'autre part, le Conseil constitutionnel est très attaché au principe de la liberté d'association : il faudra donc bien mesurer les limites que nous mettons à ce droit s'agissant des militaires.
Une façon de régler les deux problèmes à la fois consiste à instituer un mécanisme de représentativité des associations professionnelles nationales de militaires. En effet, en intégrant les associations représentatives au CSFM, on évite la concurrence de deux systèmes de légitimité. Par ailleurs, on peut poser des conditions beaucoup plus strictes pour la représentativité que pour la création des associations : par exemple, un critère de pourcentage des adhérents de l'association par rapport à l'effectif total qu'elle entend représenter ; un critère de représentation de l'ensemble des « couleurs d'uniforme » ; ou encore un critère de représentation de l'ensemble des grades. Alors, les pouvoirs publics pourront éviter toute évolution indésirable du paysage associatif des militaires.