Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 7 mai 2015 à 9h30
Dette souveraine des États de la zone euro — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que le bras de fer entre l’Eurogroupe et la Grèce alimente quotidiennement la chronique, et surtout que la situation économique et sociale ne cesse de se dégrader dans ce pays, berceau de la démocratie, pays dont la population se sent tous les jours un peu plus punie par l’Europe – tout comme d’ailleurs les Espagnols et les Portugais –, le débat sur le traitement des dettes souveraines au sein de la zone euro, suscité par la proposition de résolution européenne qui nous est aujourd’hui présentée, est nécessaire. Je dirais même qu’il est vital et pour nos populations, et pour notre union monétaire.

En effet, le gouvernement économique de l’Union européenne montre ses limites du fait des règles qui prévalent aujourd’hui au sein de la zone euro, en particulier l’obsession du plafond des 3 % de déficit public et des 60 % d’endettement public, règles qui sont, je le rappelle, dénuées de tout fondement, selon le FMI lui-même. Les politiques d’austérité qui en découlent conduisent l’économie européenne et les peuples européens dans le mur. Bien que la Commission européenne, présidée par Jean-Claude Juncker, ait affirmé vouloir infléchir les politiques économiques menées au sein de la zone euro et leur logique d’ensemble – il faut saluer à cet égard le plan Juncker, qui constitue un pas dans la bonne direction –, force est de constater que les grandes orientations de politique économique qu’elle a proposées en novembre dernier restent dans la droite ligne de celles de la commission précédente. Elles conservent en effet, parmi les objectifs principaux, celui de l’application du dogme de l’assainissement budgétaire.

On voit pourtant les dégâts causés par ces politiques au sein de la zone euro : taux de chômage de 11,5 % en moyenne, avec des pics à 24,4 % en Espagne et à 26,5 % en Grèce ; risque de pauvreté et d’exclusion sociale, qui a explosé depuis 2008 pour concerner jusqu’à plus de 25 % de la population aujourd’hui, avec des sommets dans les pays ayant fait l’objet des remèdes de cheval de la Troïka ; accroissement considérable des inégalités, le revenu des plus riches étant ainsi six fois supérieur à celui des plus pauvres au Portugal, en Grèce et en Espagne. Le constat est donc accablant. L’Europe de l’égalité n’est pas sur le chemin, c’est le moins que l’on puisse dire.

La solution pour sauver l’Europe de cette situation inacceptable n’est pas celle d’un repli nationaliste dont chacun sent aujourd’hui la menace. Elle doit au contraire résulter d’un approfondissement de la solidarité au sein de la zone euro et, plus largement, de l’Union. C’était d’ailleurs la logique même de la monnaie unique, qui impliquait une solidarité budgétaire plus étroite et des politiques économiques mieux coordonnées. Mais c’est ce manque de solidarité qui a constitué le défaut majeur originel de la monnaie unique. Aussi, je soutiens l’initiative d’une grande conférence européenne sur la dette. Elle doit permettre aux citoyens européens de se réapproprier le débat sur la dette et, plus globalement, sur la politique économique. Il est nécessaire d’appréhender la dette de manière nouvelle. Cessons en effet de considérer l’endettement comme toujours nuisible. En effet, c’est un moyen d’investir dans l’éducation, dans la recherche et dans la transition énergétique, transition si urgente à la veille de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP21. C’est un moyen d’investir dans l’avenir. Stoppons par ailleurs la défiance qui sévit au sein de la zone euro en fondant notre union monétaire sur une solidarité sans faille.

Cette solidarité doit en premier lieu s’exprimer à travers une approche différente des dettes publiques. La monnaie unique doit en effet trouver un prolongement dans la possibilité d’émettre de la dette en commun, ainsi que dans la création d’un Trésor européen pour financer des projets européens.

La monnaie unique doit également s’accompagner d’une autre manifestation de solidarité essentielle au sein de la zone euro : celle de la mutualisation progressive des dettes souveraines. On ne peut accepter la situation actuelle où certains pays bénéficient de l’éclatement des taux et de la fuite vers des marchés considérés comme des valeurs refuges, tirant ainsi parti des difficultés de leurs partenaires. Cela heurte le principe de solidarité sur lequel repose notre union. Il nous revient, au contraire, de procéder à une mutualisation des dettes souveraines. À cet effet, approfondissons le projet, lancé par les experts économiques allemands en 2011, d’un fonds de rédemption de la dette, grâce auquel la fraction des dettes supérieures à 60 % du PIB serait mutualisée et ferait l’objet d’une émission commune.

La solidarité au sein de la zone euro doit enfin s’exprimer au travers de la mise en place d’un budget commun, celui-ci étant à même de jouer un rôle contracyclique.

Sans nouvelle forme de solidarité, la zone euro risque de se disloquer et ses citoyens de perdre définitivement tout espoir dans le projet européen. À nous d’agir au plus vite pour sortir notre continent du marasme, renouer avec l’esprit d’union et une espérance partagée au service des peuples européens.

Les autres sujets abordés par cette proposition de résolution me paraissant différents, je vous propose, mes chers collègues, de nous abstenir sur l’ensemble du texte.

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