Intervention de Yannick Favennec

Séance en hémicycle du 7 mai 2015 à 9h30
Droit de préemption des salariés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Parmi les pistes étudiées, elle propose notamment d’assouplir l’obligation de s’assurer que chaque salarié a bien été informé. Cela évitera de pénaliser un chef d’entreprise qui n’aurait pas pu prévenir à temps un salarié en déplacement, en vacances ou en congé maladie. Notre collègue préconise également une contravention en cas de non-information des salariés plutôt que l’annulation pure et simple de la vente.

Les conclusions de ce rapport vont donc dans le bon sens, surtout lorsque l’on sait que les dirigeants de TPE et PME passent, en moyenne, près d’un tiers de leur temps de travail à gérer des tâches administratives au lieu de faire croître l’activité de leur entreprise.

Dans un tel contexte, il nous semble donc tout à fait irréaliste de vouloir imposer un droit de préemption comme le propose le groupe GDR. La présente proposition de loi ne ferait que renforcer le principe d’information préalable des salariés, qui est déjà largement discutable.

L’adoption de ce texte pourrait avoir des conséquences pour le moins ubuesques. En effet, tout employeur ayant trouvé un acquéreur se verrait dans l’obligation de notifier les conditions de la vente à ses salariés. Ces derniers pourraient alors se substituer au nouvel acquéreur en reprenant l’offre à leur compte et en devenant, de fait, propriétaires de l’entreprise. Ce droit de préemption ne peut que décourager les éventuels repreneurs qui ne chercheront certainement pas à faire une offre qui a des chances d’être reprise par les salariés.

Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau délai de deux mois nous semble tout à fait irréaliste, et risque même de dissuader les potentiels acquéreurs. En effet, ils devront dans un premier temps attendre deux mois pour savoir si des salariés souhaitent reprendre l’entreprise dans le cadre du droit d’information préalable. Puis, si un acquéreur décide de faire une offre de rachat, il devra patienter à nouveau deux mois pour savoir si ces mêmes salariés souhaitent désormais exercer leur droit de préemption.

Le processus de cession s’apparentera à un véritable parcours du combattant, et il est à craindre que de nombreux entrepreneurs jettent l’éponge bien avant. En outre, il paraît difficilement concevable qu’un acquéreur proposant une offre raisonnable de rachat soit débouté au profit des salariés qui reprendront la même offre à leur compte.

Cette mesure remet dès lors directement en cause le droit constitutionnel de propriété, ce qui est tout à fait inquiétant. Les députés du groupe GDR ne cachent d’ailleurs pas leur volonté de généraliser ce principe à l’ensemble des situations dans lesquelles les salariés peuvent racheter leur outil de production.

Outre sa fragilité juridique, cette proposition de loi repose sur un postulat contestable visant à affirmer que les salariés sont toujours les mieux à même de reprendre leur entreprise. Si une étude du Trésor a récemment constaté une meilleure longévité pour les entreprises reprises par les salariés, il ne nous semble cependant pas nécessaire d’imposer des mesures aussi radicales, qui risqueraient d’inquiéter les acquéreurs extérieurs. La fuite de ces repreneurs constituera, indéniablement, l’un des effets pervers de ce texte. Or est-il préférable de laisser disparaître une société plutôt que de lui trouver un acquéreur extérieur fiable ? Enfin, la possibilité pour un salarié d’annuler une cession si aucune notification ne lui a été faite est une mesure beaucoup trop extrême qui finira de décourager les entrepreneurs.

Par ailleurs, reprendre une entreprise n’est pas une chose aisée. Il faut avoir des compétences managériales reconnues pour espérer réussir la transition. Si ce texte vise précisément à préparer davantage les salariés à la reprise, il manque néanmoins de réalisme. L’objectif peut paraître louable, mais le groupe UDI exprime de grandes réserves quant à l’idée d’autoriser les sections syndicales à tenir, pendant les heures de travail, des réunions mensuelles d’information. La mise en place de ces réunions risque de représenter une nouvelle source de complexification, notamment en termes d’organisation.

Mes chers collègues, nous comprenons que l’idée d’imposer un droit de préemption puisse paraître, de prime abord, intéressante. Malheureusement, une telle obligation ne fera qu’imposer des contraintes supplémentaires à des chefs d’entreprise déjà submergés par l’empilement des normes.

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