Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du 7 mai 2015 à 9h30
Droit de préemption des salariés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Cette difficulté vaut donc également pour les repreneurs.

La transmission est, nous le savons tous, un phénomène complexe. Si l’on s’attarde un instant sur ce processus, on constate que sa réussite repose, en règle générale, sur la succession de trois phases qui se complètent ; vous les avez évoquées, madame la rapporteure.

La première est celle de la transmission du savoir. C’est la phase de collaboration au cours de laquelle se transmettent en même temps le savoir-faire et le savoir-être. Elle est plus ou moins longue selon le secteur d’activité, le processus de production, l’état de la concurrence et l’évolution technologique.

La deuxième phase est celle de la transmission du pouvoir. C’est la phase d’accès aux responsabilités en qualité de chef d’équipe, de cadre, voire de dirigeant dans les PME. Le lien de subordination subsiste, mais l’exercice de responsabilités fait du salarié un dirigeant en puissance.

La troisième, enfin, est celle du transfert de propriété. C’est la phase où s’accomplit la transmission définitive permettant ainsi aux salariés d’accéder à cette double qualité de travailleurs et de détenteurs du capital de l’entreprise ou de la société.

Ces considérations montrent à quel point il peut être difficile de réussir une transmission dont la préemption serait le moyen juridique, en particulier si ce droit est encadré dans un délai court de deux mois. Pour autant, on peut aussi se dire que la fin justifie les moyens lorsqu’on observe des cessionnaires sans scrupule racheter des entreprises dans le seul but de les faire disparaître pour éviter la concurrence, ou encore pour mieux les déplacer en cédant celles-ci par éléments successifs.

Reconnaissons qu’entre ces deux écueils, voir réussir la transmission au profit des salariés ou éviter que l’entreprise ne disparaisse ultérieurement, le choix est vite fait. Mais une transmission réalisée aussi rapidement peut-elle être réussie ?

L’exposé des motifs met en évidence que les entreprises sous statut coopératif ont une plus grande pérennité que les entreprises classiques. C’est certes un fait statistique, mais cette réussite est avant tout le fruit d’un travail collectif réalisé en amont de la reprise par les salariés, réunis autour du même projet et dans un délai bien supérieur aux deux mois prévus par cette proposition de loi. Pour avoir participé moi-même à de tels montages, je puis en témoigner. J’ajoute même que lorsqu’il s’est agi d’organiser une reprise par des salariés à la suite du dépôt de bilan de leur entreprise, la période d’observation, qui est en général plus longue que celle de deux mois ici prévue, s’est avérée souvent trop juste pour proposer un plan de reprise garantissant la réussite future.

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