Intervention de Axelle Lemaire

Séance en hémicycle du 7 mai 2015 à 15h00
Entretien et renouvellement du réseau des lignes téléphoniques — Présentation

Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je considère qu’il faut savoir entendre le Parlement lorsqu’il a l’initiative car, derrière les élus, c’est le peuple qui parle et ce sont les territoires qui s’expriment.

Notre pays a la République au coeur et aux tripes. Or, cette belle idée de République repose sur un principe, celui de l’égalité, et la République numérique que le Président de la République et le Gouvernement veulent construire passe par la mise en oeuvre de mesures ambitieuses pour assurer l’égalité numérique entre nos concitoyens ainsi qu’entre les territoires.

Tel est par exemple le sens de l’objectif fixé par le Président de la République visant à assurer sous dix ans la couverture intégrale du territoire en très haut débit fixe grâce à un effort financier conséquent, en particulier en faveur des zones rurales, puisqu’un mécanisme de péréquation permet d’accompagner spécifiquement les zones les plus éloignées.

Assurer cette République numérique des territoires, c’est aussi le sens d’une initiative que j’ai défendue, en particulier lors des Assises de la ruralité, qui doit permettre de couvrir les zones blanches en 2 G et en 3 G afin que la couverture mobile soit assurée dans toutes les communes de France.

Mais je vous parle là de technologies de très haut débit, de smart phones, d’internet. Si l’on peut aujourd’hui y accéder pour un coût relativement bas, il n’en reste pas moins que, au-delà d’un obstacle financier toujours possible, on se heurte parfois à un obstacle territorial.

Une réponse possible pour assurer l’égalité se trouve dans la notion juridique et économique de service universel. La loi définit celui-ci comme l’obligation faite à l’État de déléguer à un exploitant du réseau la garantie de l’accès au réseau public de télécommunication lorsqu’il est fixe, d’un dispositif de publiphonie – les cabines téléphoniques – et de distribution de l’annuaire téléphonique en formats papier et électronique.

Parmi ces composantes du service universel, la publiphonie et le bottin sont certainement voués, à terme, à disparaître en raison de l’évolution des technologies.

Mais le service universel comprend une dernière composante – le réseau de téléphonie fixe par l’utilisation des réseaux de cuivre appartenant historiquement à l’opérateur France Télécom puis Orange – qui, elle, perdurera certainement dans les années à venir en dépit des nouvelles technologies qui apparaissent sur le marché.

En effet, outre que celles-ci ne sont pas partout présentes et ne sont pas accessibles à tous, la transition entre les phases technologiques sera vraisemblablement longue et complexe. Il faut donc assurer cette transition et garantir la bonne application du service universel tel que défini par la loi.

En l’occurrence, aux termes de la loi, c’est Orange qui est tenue d’assurer en permanence la disponibilité de l’offre. Cette obligation s’accompagne d’ailleurs d’un étroit contrôle confié au régulateur du secteur des télécommunications qu’est l’ARCEP.

C’est ainsi que des indicateurs sont établis et vérifiés régulièrement, s’agissant par exemple du temps d’installation des lignes, du temps de réparation d’une défaillance téléphonique ou du délai de réponse aux réclamations des usagers, lequel, pour 80 % d’entre elles, doit être inférieur à cinq jours.

Le régulateur vérifie en outre que ces indicateurs sont bien respectés.

Le Gouvernement n’ignore pas la situation que vous avez décrite, monsieur le rapporteur. Il serait d’ailleurs difficile de faire autrement tant je reçois de courriers des élus locaux concernant le mauvais entretien du réseau cuivre dans nos territoires.

Je suis directement sollicitée par des particuliers et des entreprises, qui décrivent avec force détails les conséquences de l’impossibilité d’utiliser le réseau au quotidien.

Face à ces alertes, vous l’avez dit, l’ARCEP a engagé il y a un an une procédure, une enquête administrative officielle. La société Orange a répondu en annonçant une série de mesures qui doivent permettre de remédier dans la durée aux dégradations constatées sur le réseau.

Le déblocage de 300 millions a été annoncé, de même que de nombreux recrutements, afin d’entretenir ce réseau téléphonique fixe.

Au-delà d’un simple traitement curatif lié à l’urgence des dégradations, il s’agit d’assurer la fiabilité du réseau sur le plus long terme.

J’ai demandé à l’ARCEP d’assurer un suivi régulier et exigeant des engagements qui ont été annoncés et de sanctionner l’opérateur dès lors que ceux-ci ne seraient pas respectés.

C’est dans ce contexte général que s’inscrit cette proposition de loi.

Vous comprendrez, après ces propos, que le soutien du Gouvernement vous est acquis car je considère que nous sommes collectivement responsables pour répondre à ce problème.

Monsieur le rapporteur, je salue la façon dont votre proposition de loi a été fabriquée, puisqu’il s’agit d’une fabrique originale.

En effet, vous avez fait de l’entretien des lignes téléphoniques l’enjeu d’une démarche citoyenne en organisant une pétition, des réunions publiques, des rencontres avec l’opérateur, bref, vous avez sollicité tous ceux qui sont concernés par ce sujet afin qu’ils s’impliquent dans cette démarche citoyenne qu’est la construction de la loi.

Je salue cette initiative qui vous a permis de construire, avec les habitants du Livradois-Forez, ce texte soutenu par le groupe GDR.

Il n’est pas toujours facile de faire vivre une démarche participative, mais l’enjeu en vaut la chandelle. C’est d’ailleurs exactement dans le même esprit que j’ai lancé la consultation nationale sur l’ambition numérique de la France, organisée par le Conseil national du numérique et dont nous attendons que les conclusions soient très rapidement remises au Premier ministre.

Avec une certaine originalité dans votre cheminement, vous avez également souhaité recueillir l’avis du Conseil d’État – il s’agit d’une procédure assez rare.

Le texte a été assez largement amendé à l’issue de cette consultation et j’espère qu’à partir de là, le dialogue et la collaboration avec le Gouvernement seront encore possibles à l’avenir.

Dès aujourd’hui, ce texte est le fruit d’une démarche réfléchie, concertée et aboutie qui aborde un problème concret et définit les moyens d’y répondre. Je salue donc une telle démarche.

Comment renforcer l’action préventive sur le réseau de cuivre d’Orange ?

Il convient de préciser dans la loi les responsabilités respectives de l’opérateur, des propriétaires privés sur les terrains desquels des antennes et des équipements sont installés et, enfin, des maires, lesquels peuvent intervenir, au nom de l’État, dans l’entretien des abords du réseau.

L’incertitude, voire le vide juridique, à ce sujet pouvait aboutir à une inaction ou même à des négligences de la part de certains, problème que ce texte vise à résoudre.

Le premier chapitre vise à qualifier l’entretien des réseaux fixes et de leurs abords d’utilité publique. Sur cette base, le texte rétablit la servitude d’élagage introduite en 1984 et précise le régime de responsabilité en rendant l’opérateur responsable de l’entretien des abords de son réseau.

Le second chapitre renforce quant à lui l’encadrement de l’opérateur chargé du service universel par deux obligations : dresser un état des lieux détaillé du réseau fixe ; renforcer le régime de sanction applicable par l’ARCEP en cas de manquement de l’opérateur à ses obligations.

Le Gouvernement soutient également cette PPL parce qu’elle permet de clarifier les responsabilités.

Telle qu’introduite dans la loi voilà plusieurs décennies, la servitude d’élagage faisait porter la charge financière de l’entretien du réseau sur le propriétaire privé, y compris s’agissant de l’équipement construit en terrain privé.

Aujourd’hui, les questions sont posées : qui paie l’entretien, qui est sanctionné en cas de défaillance et par qui ? Cela mérite certainement plus encore de débats car il ne faudrait pas encourager des comportements individuels tendant à une certaine passivité pour faire peser le coût de l’entretien du réseau uniquement sur l’opérateur en charge du service universel.

Au-delà des détails concernant cette question, monsieur Chassaigne, le Gouvernement soutient vivement votre projet de clarification du droit en la matière.

Il entend aussi votre souhait s’agissant d’une plus grande transparence dans l’information donnée par l’opérateur de service universel sur l’état de son réseau et sur la nécessité de doter le régulateur de moyens de sanction adaptés à l’importance de l’enjeu.

Je me demande même si je ne serais pas allée plus loin dans l’édiction de cette obligation. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’open data, c’est-à-dire de la mise à disposition de données au public. Il me semble que le rapport proposé pourrait être rendu public afin que l’ensemble de nos concitoyens puisse participer à cette démarche de veille pour connaître la qualité réelle du réseau de téléphonie fixe.

Le réseau de cuivre est encore aujourd’hui le seul qui irrigue la totalité de notre territoire. Nous avons collectivement la responsabilité de veiller à ce que rien n’entrave les opérations nécessaires pour assurer le maintien et le fonctionnement de ce réseau, de même qu’il nous revient de veiller à ce que l’opérateur qui en a la charge soit incité à intervenir afin que les défaillances qui ont pu être constatées par le passé ne se renouvellent plus.

Vous proposez l’intervention du maire, qui est en effet le mieux à même de connaître le comportement de tous les interlocuteurs locaux sur ces sujets. C’est là une autre originalité que nous soutenons.

La dégradation de petites choses de notre environnement quotidien – un poteau à terre, un câble qui pend, des réparations temporaires qui durent trop longtemps – contribue à un double sentiment.

Tout d’abord, un sentiment de déclin collectif d’un pays qui ne pourrait plus maintenir ce qui a été. Il est vrai que, chez nous, le réseau cuivre est très étendu. Un temps, il a conféré une longueur d’avance à la France et, dans la mesure où il a été construit avec un certain retard, il est relativement plus jeune que les réseaux équivalents dans des pays voisins.

Ensuite, un sentiment selon lequel certaines zones seraient reléguées et abandonnées, en particulier par les responsables politiques.

Ces petites choses ne sont pas triviales, tant elles font le lit de tous les extrémismes. Elles nourrissent un rejet à l’égard des responsables qui sont incapables d’apporter des réponses simples à des problèmes concrets.

Vous l’aurez compris, monsieur le rapporteur : ce sujet me tient à coeur. Il constitue un élément de réponse, modeste mais pragmatique, à ce malaise républicain, et vous trouverez aujourd’hui le Gouvernement à vos côtés.

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