Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du 7 mai 2015 à 15h00
Entretien et renouvellement du réseau des lignes téléphoniques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

C’est vrai, mais dans ce cas c’est un choix.

Plus sérieusement, le texte proposé par André Chassaigne, s’il est adopté – je pense qu’il le sera – va être utile pour une partie non négligeable de la population. Utile pour tous ces usagers du téléphone qui ne choisissent pas d’être en dérangement mais qui parfois, malheureusement, le subissent.

Avant toute chose, je souhaite souligner le formidable travail réalisé en commission des affaires économiques, avec l’appui de nombreux parlementaires, comme mes collègues Christine Pires Beaune et Frédérique Massat, et celui du Conseil d’État. Cette proposition de loi est d’une implacable justesse.

En tant qu’élu d’un territoire rural et périurbain, j’ai pu constater, comme beaucoup d’entre vous, que le fait de vivre en zone périurbaine et rurale n’est pas un privilège : la fracture territoriale est encore trop présente, et les dysfonctionnements du réseau téléphonique bien réels

Ces problèmes ont été relevés aussi bien dans des zones reculées que dans des zones périurbaines, lesquelles ont subi, ces dernières années, de fortes dégradations de leurs réseaux électriques et téléphoniques aériens – André Chassaigne le rappelle dans son rapport, photos à l’appui, à travers des exemples très précis.

À la suite d’épisodes climatiques non contrôlés, des traitements curatifs d’urgence ont été mis en oeuvre afin de permettre le rétablissement des lignes. Cependant, ces traitements d’urgence ne sont pas suffisants – en tout cas, pas à la hauteur des enjeux. Il est nécessaire d’aller encore plus loin et de se pencher sur les moyens d’engager un entretien plus durable et solide, voire sur un véritable renouvellement du réseau, que vous appelez de vos voeux.

La présente proposition de loi, relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques, s’inscrit, à mon sens – et Mme la secrétaire d’État l’a elle aussi rappelé –, dans le contexte plus large du traitement du numérique, notamment dans les territoires ruraux. Les réformes déjà engagées par le Gouvernement posent les fondements d’une nouvelle approche de l’aménagement du territoire et d’une stratégie de développement des territoires ruraux. Le choix a été fait – avec force et conviction – de n’abandonner aucun territoire, ni aucun citoyen. La couverture numérique en réseaux à très haut débit fixes et mobiles constitue une avancée significative pour assurer la cohésion du territoire. Les citoyens comme les acteurs économiques recourent quotidiennement aux services en ligne, dont la présence constitue désormais un facteur de productivité des entreprises, de renouvellement et de qualité des services publics ; c’est aussi, évidemment, pour les territoires ruraux et périurbains, un facteur d’attractivité.

J’en reviens maintenant au texte en lui-même, même si je ne m’y étendrai pas trop longtemps, au regard de l’expertise remarquable que le Conseil d’État a apportée pour ce texte. Cette expertise, ainsi que le travail parlementaire – qui a débouché sur un vote unanime de la commission des affaires économiques –, nous ont permis d’obtenir un texte d’une certaine robustesse juridique.

Concernant le premier chapitre, relatif à l’entretien des abords des réseaux de communications électroniques ouverts au public assurant des services fixes, je tiens à souligner l’importance de la réaffirmation, à l’article 2, du principe selon lequel les ouvrages destinés à transmettre les communications, électroniques ou non, sont considérés d’utilité publique, tout comme l’entretien du réseau et de ses abords. Les mots ont leur importance ; plus que les mots, les concepts ; et plus encore que les mots et les concepts, les conséquences au regard des missions de chacun.

L’article 3 de la proposition de loi constitue le coeur du dispositif à mettre en place : il a pour objet de confier aux opérateurs la responsabilité de l’entretien des abords des lignes téléphoniques. Cet article est une réponse à la situation actuellement en vigueur. En effet, depuis l’abrogation de l’article L. 65-1 du code des postes et télécommunications par la loi du 26 juillet 1996, la société France Télécom-Orange n’est plus soumise à la servitude d’élagage aux abords des lignes aériennes.

Rien, à ce jour, n’est donc prévu formellement pour encadrer l’entretien des abords des lignes téléphoniques. Les propriétaires riverains des lignes sont en théorie chargés de procéder, à leurs frais, à ces travaux. Dans la réalité, la complexité et les difficultés de mise en oeuvre conduisent à une absence d’entretien réel le long du réseau. Ces éléments factuels justifient la nécessité d’adopter ce texte, et de le faire très vite.

Concernant le deuxième chapitre de la proposition, la connaissance de l’état du réseau est en effet indispensable si l’on veut agir avec efficacité et sévérité. L’article 8, remanié par la commission des affaires économiques, répond aux attentes du groupe SRC. Plus généralement, cet article vient renforcer l’information du public et des collectivités sur l’état réel du réseau des lignes téléphoniques. Il est vrai, comme l’a rappelé François Brottes, que nous aurions pu gagner du temps si nous avions écouté la sagesse et les exigences de nombre de parlementaires – dont il fait partie – ces dernières années.

Cela garantira la transparence des opérations et permettra des améliorations notoires lors de la remise des rapports à l’ARCEP, sans pour autant porter atteinte au secret des affaires, au secret commercial ou statistique.

Enfin, reconnaître aux maires un pouvoir de saisine de l’ARCEP en vue de lancer une procédure de sanction pécuniaire à l’encontre des opérateurs qui ne respectent pas leurs obligations est une avancée marquante et cohérente. Cette reconnaissance vient atténuer le problème de la fracture numérique territoriale, sans pour autant le résoudre totalement. En tout état de cause, les élus locaux pourront, à l’avenir, alerter l’ARCEP en cas de défaillance de l’opérateur en matière d’entretien. Cet organisme pourra ensuite prononcer la sanction, créée par la présent texte, visant spécifiquement les défaillances en matière de fourniture du service universel.

En conclusion, nous soutenons, vous l’aurez compris, cette proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques, dans la mesure où elle constitue une étape supplémentaire dans l’engagement pris par le Gouvernement en matière de lutte contre la fracture territoriale dans notre pays – tout en sachant, madame la secrétaire d’État, que nous attendons impatiemment votre projet de loi sur le numérique.

J’ai commencé en citant Fernand Raynaud, vous aviez cité Michel Audiard, je terminerai en citant Grégoire Lacroix, lequel demandait : « Où se posaient les hirondelles avant l’invention du téléphone ? » Espérons en tout cas que ces hirondelles seront annonciatrices d’un véritable printemps pour le numérique et l’égalité territoriale.

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