Madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, j'interviens pour présenter le titre IV du projet de loi, qui crée la prime d'activité.
Avant d'en exposer les principes et la mise en oeuvre, je tiens à saluer tout particulièrement les travaux de votre collègue Christophe Sirugue, qui ont fortement inspiré cette réforme majeure pour le soutien de l'activité salariée et du pouvoir d'achat des travailleurs modestes.
La prime d'activité traduit l'engagement du Gouvernement en faveur du travail. Comme j'ai entendu un grand nombre d'interrogations à son sujet, je tiens à préciser les deux objectifs que nous poursuivons à travers la mise en oeuvre de ce dispositif.
Il s'agit tout d'abord de valoriser, y compris sur le plan financier, la reprise ou l'augmentation d'activité, qui peuvent se traduire par des coûts supplémentaires pour les salariés. La reprise ou l'augmentation d'activité peuvent en effet faire perdre à un salarié le bénéfice des aides sociales qu'il percevait dans le cadre du revenu de solidarité active (RSA) ou le conduire à des dépenses supplémentaires – frais de déplacement ou de garde d'enfant, par exemple.
Le second objectif, qui se superpose au premier, est de donner du pouvoir d'achat à des Français qui ont parfois le sentiment qu'ils n'ont droit à rien parce qu'ils gagnent trop pour bénéficier d'aides sociales, mais pas assez pour être concernés par les baisses d'impôts qui bénéficieront à 9 millions de foyers fiscaux dès la rentrée prochaine.
La prime d'activité soutiendra les Français qui prennent ou reprennent une activité, ce qui ne signifie pas que les salariés à temps très partiels n'en bénéficieront pas. Toutefois, c'est entre 80 % du SMIC et un peu plus du SMIC que le gain sera le plus important par rapport à aujourd'hui. Ainsi, un travailleur célibataire et sans enfant percevant le SMIC à temps plein pourra percevoir une prime de quelque 130 euros par mois, ce qui représentera un gain de 67 euros de pouvoir d'achat par rapport à ce qu'il perçoit à l'heure actuelle en aides diverses. Il convient en effet de comparer le montant de la prime avec le supplément de pouvoir d'achat que cette prime offre à son bénéficiaire par rapport aux dispositifs actuels.
Des dispositifs existent déjà, notamment la prime pour l'emploi et le RSA activité. Toutefois, l'empilement de ces mesures les rend illisibles et inefficaces. Le RSA activité renvoie vers l'aide sociale ce qui doit relever de la valorisation du travail ; quant à la prime pour l'emploi, elle est perçue par des Français qui ne le savent même pas ou ne s'y attendent pas. Ces deux dispositifs sont donc supprimés. Les ressources qui y sont consacrées seront affectées au financement de la prime d'activité – soit 4 milliards d'euros au total.
À partir de ces principes et dans le cadre de cette enveloppe financière, je souhaite insister sur trois points.
Premièrement, je veux rappeler ce que la prime n'est pas. La prime d'activité soutient l'activité : ce n'est donc pas un mécanisme de lutte contre la pauvreté.
Des mesures ont déjà été adoptées contre la pauvreté, notamment dans le cadre du plan ambitieux contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, dont la revalorisation exceptionnelle de 10 % du RSA, la revalorisation de 25 % à 50 % d'allocations familiales ou encore la Garantie jeunes – je ne suis pas exhaustive. Ces mesures, qui produisent des résultats, ciblent les personnes les plus pauvres. Ce n'est pas l'objet de la prime d'activité.
Deuxième point : le barème de la prime, qui détermine sa montée en puissance. Ceux qui avaient droit au RSA activité en travaillant quelques heures par semaine ne se retrouveront pas dépourvus de toute aide. Le texte ne fera aucun perdant parmi les personnes les plus modestes et les travailleurs les plus précaires, qui sont souvent des femmes. Toutefois, c'est à partir d'un demi-SMIC que les salariés bénéficieront d'un gain de pouvoir d'achat significatif par rapport à aujourd'hui : c'est en effet le niveau à partir duquel les personnes perdent le bénéfice du RSA et des compléments qui l'accompagnent, notamment l'allocation logement.
À titre d'exemple, pour un célibataire sans enfant qui gagne entre 0,8 et 1,1 SMIC, autrement dit entre 900 et 1 200 euros nets par mois, le gain de pouvoir d'achat sera d'environ 67 euros par mois. Le dispositif s'arrête à 1,3 SMIC.
La troisième caractéristique de la prime, qui découle de ses objectifs, est de valoriser une activité nécessairement individuelle : toutefois, comme elle prend le relais du RSA activité qui, lui, est familialisé, nous avons introduit une variable de familialisation qui permet de prendre en compte la composition de la famille. Le dispositif conjugue donc individualisation et familialisation afin qu'aucun travailleur à bas revenus ayant charge de famille ne soit perdant – je pense en particulier aux familles nombreuses ou aux familles monoparentales.
En revanche, le caractère individualisé de la prime fait que, dans un couple, lorsque le conjoint, le plus souvent la femme, prend ou reprend une activité, cette prise ou reprise d'activité est valorisée à part entière. Chacun des deux revenus est valorisé de manière équivalente, ce qui n'est pas le cas avec le RSA activité.
La prime d'activité traduit également l'engagement du Gouvernement pour la jeunesse, puisqu'elle ouvre un droit nouveau pour plus d'un million de jeunes actifs. Parmi les 5,6 millions de travailleurs modestes susceptibles de bénéficier de la prime, plus d'un million seront des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Aujourd'hui, ils sont à peine 5 000 à bénéficier du RSA activité. La comparaison de ces deux chiffres est spectaculaire.
En effet, la prime d'activité sera ouverte aux actifs à partir de dix-huit ans, sans discrimination pour les actifs de dix-huit à vingt-cinq ans, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, puisque les jeunes actifs en bénéficieront selon les règles de droit commun, sans restriction particulière. C'est une avancée sociale majeure pour ceux qui, comme moi, défendent l'universalité de la protection sociale. Rien ne justifie qu'à travail égal un jeune ne reçoive pas la prime d'activité au seul motif qu'il est jeune.
La prime d'activité visant à soutenir une meilleure insertion sur le marché du travail, le projet de loi écarte de la prime d'activité les jeunes en formation initiale. Il existe pour eux d'autres dispositifs. Faire de la prime d'activité un instrument de soutien financier aux étudiants, par exemple, sans considération de leur activité reviendrait à brouiller le message.
Toutefois, lorsqu'un jeune travaille à temps plein ou presque ou qu'un salarié reprend par ailleurs des études pour se qualifier, ils doivent être davantage considérés comme des salariés en étude que comme des étudiants stricto sensu. Quant aux apprentis en troisième année d'apprentissage, ils sont en passe d'achever leur intégration professionnelle. C'est pourquoi, conformément au souhait du Président de la République, la prime d'activité sera étendue par amendement gouvernemental aux étudiants et aux apprentis, dès lors qu'ils ont une activité substantielle d'au moins 78 % du SMIC – nous avons parlé de 0,8 SMIC par souci de simplicité, mais il n'était évidemment pas question d'écarter les apprentis. Or le taux de 78 % correspond à la fois à la rémunération garantie d'un apprenti en troisième année d'apprentissage ayant au moins vingt et un ans et au niveau de ressource individuelle à partir duquel le jeune travailleur est considéré non plus comme à la charge de ses parents pour les prestations sociales, mais comme un actif autonome.
La prime d'activité s'inscrit donc dans le cadre de la modernisation de la protection sociale que nous avons engagée depuis trois ans pour l'adapter aux mutations du monde du travail. Comme d'autres réformes, elle renforce les garanties collectives attachées à des parcours professionnels individuels, en accompagnant les salariés lors de périodes d'emploi précaire ou faiblement rémunéré.
En cela, la protection sociale n'est pas de l'assistanat, comme se plaisent à le répéter certains, qui ont oublié que la protection sociale a précisément été mise en place pour accompagner les risques nés de l'organisation du travail instaurée par la révolution industrielle. C'est ce que nous faisons avec cette réforme comme nous l'avons fait pour les carrières longues ou la pénibilité : en renforçant la protection sociale, nous renforçons les droits attachés au travail.