Intervention de Pierre-Franck Chevet

Réunion du 15 avril 2015 à 13h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pierre-Franck Chevet, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

Je suis très heureux d'avoir l'occasion de présenter notre rapport annuel 2014 devant vous. Nous sommes, de par nos missions, une autorité administrative indépendante de tous ceux qui portent une vision de politique énergétique, par exemple le Gouvernement, les exploitants ou encore les associations de protection de l'environnement. Bien qu'étant indépendants, il est pour nous extrêmement important d'avoir l'occasion de rendre compte, sous de multiples formes, notamment au Parlement et, par-delà, à nos concitoyens. C'est donc pour nous un moment important que cette présentation de notre rapport annuel prévue par la loi.

Je vais d'abord parler des faits marquants de 2014. Jean-Christophe Niel, directeur général de l'ASN, me complétera sur les aspects « activités » de l'ASN. Je reviendrai ensuite sur les grands enjeux que vous avez rappelés, qui n'ont pas fondamentalement changé, mais sur lesquels nous avons pu progresser en termes de vision.

Pour appuyer le jugement que j'avais formulé l'année dernière : « globalement assez satisfaisant », je le réitère dans les mêmes termes au titre de 2014. Cette appréciation résulte de deux constats qui vont dans des sens opposés : une qualité d'exploitation des installations globalement satisfaisante, voire bonne dans certains cas – le globalement renvoyant à des cas particuliers que je citerai – et, à l'inverse, une nécessaire mise à niveau des installations, en termes de sûreté, qui s'impose mais reste globalement à réaliser.

La mise à niveau des installations consistant notamment – c'est le principe que nous appliquons – à les rapprocher des meilleurs standards de sûreté des installations nouvelles ou à venir, est une opération complexe et lourde. J'en reparlerai pour ce qui concerne les réacteurs nucléaires à propos de l'amélioration de leur sûreté dans le cadre de leur quatrième visite décennale. Mais, d'ores et déjà en 2014, nous avons eu l'occasion de mesurer cette difficulté au travers d'un certain nombre d'exemples sur des installations anciennes. Je citerai Osiris et CIS bio à Saclay, qui sont deux installations anciennes pour lesquelles la mise en oeuvre des améliorations de sûreté nécessaires présentait une réelle difficulté.

Sur les faits marquants en 2014 concernant EDF, j'avais évoqué la dernière fois la difficulté à maîtriser les arrêts de tranches et les opérations de maintenance réalisées. Il y a du mieux dans ce domaine en 2014, en raison à la fois d'une diminution relative du programme des opérations à réaliser – donc d'une diminution de la charge – et d'une meilleure organisation des arrêts de tranche, ce qui se traduit par plutôt moins d'anomalies. Il y a encore des anomalies, notamment en termes de préparation des activités ou d'erreurs de lecture d'un certain nombre de textes qui guident l'exploitation. Il ne faut donc pas qu'EDF baisse la garde, des efforts restant malgré tout à faire dans ce domaine.

Un point positif à noter pour EDF en 2014 concerne ce qui a été fait dans le domaine de la préparation de la gestion de crise. Un gros travail a été mené sur les plans d'urgence internes et pour incorporer dans la gestion de crise la force d'action rapide nucléaire (FARN) mise en place par EDF. Cela va tout à fait dans le bon sens.

Un point central, c'est qu'EDF doit poursuivre sa politique de recrutement et de formation des nouveaux personnels, afin qu'elle soit pleinement efficace, notamment dans la perspective de la réalisation des futures opérations de « grand carénage » qui seront extrêmement lourdes. J'y reviendrai en évoquant les enjeux.

Pour le groupe Areva, il y a essentiellement deux points à retenir. Le premier concerne la reprise et le conditionnement d'anciens déchets historiques de La Hague qui ont été, voici plus d'une vingtaine d'années, mal gérés, en tout cas pas suivant les normes actuelles. Ces déchets doivent à présent être traités correctement. Cela fait plus de vingt ans que des demandes récurrentes sont formulées par les ministres et l'ASN. À la fin de l'année dernière, les travaux n'ayant toujours pas été engagés, nous avons pris la décision de les imposer, suivant un calendrier réaliste mais serré. À partir du moment où existe une telle prescription, l'exploitant doit s'y conformer. Nous disposons d'un certain nombre d'outils de sanction que nous n'hésiterons pas à employer si Areva ne s'y conformait pas et ne tenait pas ses engagements.

Le deuxième point concernant Areva touche à l'installation FBFC, usine de fabrication de combustibles située en Isère, qui a connu des problèmes assez importants de qualité d'exploitation, ainsi que des difficultés à tenir un certain nombre d'engagements portant sur la sûreté. Après les avoir mis, en début d'année dernière, sous surveillance renforcée, nous leur avons demandé un plan d'amélioration de l'exploitation. Nous avons multiplié les inspections durant cette année et avons même, en fin d'année dernière, mené une grosse inspection, dite de revue, sur le site pour faire un point de situation. Nos premiers constats sont positifs : les choses se remettent en place. Bien entendu, nous veillerons néanmoins dans les mois et les années qui viennent à ce que ces signes d'amélioration se maintiennent dans le temps.

Pour le CEA, nous sommes très attachés à ce qu'un certain nombre d'engagements soient pris de façon claire et ferme en ce qui concerne la réalisation de plusieurs opérations de démantèlement ou de mise à niveau des installations. Nous sommes d'autant plus vigilants que le contexte budgétaire dans lequel évolue le CEA est rigoureux, ce qui renforce les risques de dérive. C'est avant tout là-dessus que portera pour l'avenir, et qu'a porté en 2014, notre action.

Le dernier point marquant concerne le domaine médical. Il y a deux sujets illustrés par des incidents en 2014 qui nous paraissent importants. Le premier sujet, le plus important en termes de conséquences médicales, concerne la radioprotection des patients, quand il s'agit d'opérations touchant à la radiothérapie ou à l'imagerie médicale. Tout le monde se souvient de l'accident d'Épinal, avec une vingtaine de décès et beaucoup de patients ayant conservé des séquelles. Encore récemment, lors d'un incident de radiothérapie sérieux au CHU de Lille, des doses tout à fait significatives ont été délivrées par erreur. Pour nous, cela reste par conséquent un point de vigilance fort.

Le deuxième enjeu porte sur la radiologie interventionnelle qui concerne un certain nombre d'opérations, notamment de chirurgie, faites sous imagerie médicale pour guider le geste du professionnel. Il y a eu, là aussi, un certain nombre d'incidents classés de niveau 2 en 2014. Cette fois, il s'agit de doses reçues par les praticiens eux-mêmes pendant les interventions. Là aussi, il s'agit d'un enjeu majeur que nous continuerons à suivre avec d'autant plus d'attention que le développement des actes de chirurgie ambulatoire devrait se développer pour diverses raisons, ce qui augmente les risques pour les intervenants professionnels du secteur.

Je passe la parole à Jean-Christophe Niel pour le bilan des activités.

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