Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du 15 avril 2015 à 13h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'ASN :

Je vais commencer par quelques points d'information sur l'actualité radioprotection et sûreté nucléaire en 2014. D'abord, comme toujours depuis 2011, je donnerai quelques éléments sur l'accident de Fukushima et les suites que nous lui donnons. Nous avions indiqué, dès la survenue de cet accident, que le retour d'expérience complet nécessiterait dix ans. Ce retour d'expérience se poursuit et se traduit notamment par un renforcement des exigences applicables aux installations nucléaires. Ainsi, en janvier 2014 et en janvier 2015, l'ASN a adopté plusieurs décisions sur les équipements de ce qu'il est convenu d'appeler le « noyau dur » des centrales nucléaires mais aussi des installations d'Areva et du CEA, notamment vis-à-vis du niveau de séismes. Ce retour d'expérience concerne les exigences applicables aux équipements, ainsi que la gestion de crise. Pierre-Franck Chevet y reviendra tout à l'heure, pour évoquer ce qui se fait au niveau européen. Concernant les réexamens de sûreté décennaux des installations nucléaires, à l'issu des stress tests européens réalisés après l'accident de Fukushima, ceux-ci ont été reconnus comme une bonne pratique. Il s'agit, d'une part, de s'assurer de la conformité des installations à leur référentiel de sûreté et, d'autre part, d'améliorer leur niveau de sûreté. D'ailleurs, cette exigence des réexamens décennaux de sûreté a été intégrée dans la directive européenne sur la sûreté nucléaire approuvée en juin 2014. Dans le cadre de ces réexamens périodiques, l'ASN a encadré par des prescriptions la poursuite du fonctionnement d'un certain nombre d'installations : huit réacteurs d'EDF mais aussi des installations d'Areva, comme l'installation Melox de Cadarache qui fabrique du combustible MOX, ou des installations de recherche du CEA, comme les réacteurs Éole et Minerve à Cadarache.

En 2014, l'ASN a été attentive à un certain nombre de situations spécifiques, en particulier à celle du réacteur 3 du Blayais, EDF ayant prévu de remplacer les générateurs de vapeur de ce réacteur en raison de l'usure des faisceaux tubulaires, qui sont des composants internes à la fois importants et sensibles. Nous avons considéré que les éléments apportés par Areva pour la conception et la fabrication de ces générateurs de vapeur étaient insuffisants. Nous avons donc soumis l'opération à un certain nombre de conditions préalables.

À la suite de constats préoccupants sur le management de la sûreté, la rigueur d'exploitation, notamment sur la gestion du risque de criticité, et le pilotage des projets à l'usine FBFC d'Areva à Roman, cet exploitant a été mis sous surveillance renforcée. C'est à ce titre que nous avons réalisé dix-huit inspections chez eux, dont celle du mois de novembre 2014. La direction générale de l'établissement a été reçue en février par le collège de l'ASN et je me suis moi-même déplacé sur le site en mai, pour rencontrer le management. Suite à cela, FBFC a mis en place un plan d'action. Nous allons évidemment contrôler en 2015 et dans les années qui suivent la mise en place effective de ce plan, ainsi que les suites données aux demandes que nous avons formulées à la suite de l'inspection de revue.

Le réacteur Osiris, situé à Saclay en région parisienne, est un réacteur expérimental en fonctionnement depuis cinquante ans. Il s'agit donc d'une des plus anciennes installations françaises. Nous considérons que ce réacteur n'est plus aux standards de ce qui serait réalisé aujourd'hui. En 2008, nous avions prescrit l'arrêt de ce réacteur pour la fin 2015 et le Gouvernement a confirmé cet arrêt durant l'été.

À Saclay, nous portons une attention particulière à une autre installation, également évoquée par Pierre-Franck Chevet, il s'agit de CIS bio qui fabrique des radio-pharmaceutiques et présente des faiblesses vis-à-vis de la protection contre le risque incendie. C'est pourquoi nous avons demandé à la fois la réduction de l'inventaire radiologique dans l'installation [par l'évacuation de matières radioactives entreposées en certains points] et la mise en place de dispositifs d'extinction incendie automatiques. Cela n'ayant pas été fait, nous avons engagé un processus de consignation des travaux, afin que l'exploitant engage de manière plus volontaire l'ensemble d'entre eux.

Enfin, en janvier 2015, le collège de l'ASN a imposé à Areva la reprise et le conditionnement des déchets anciens du site de La Hague, dans les meilleurs délais possibles.

Depuis six ans, nous faisons chaque année un état de la situation des centrales d'EDF de manière un peu globale. Nous le faisons site par site, sur la base de nos inspections, des incidents qui nous sont déclarés, du suivi des arrêts de tranche et de l'instruction d'un certain nombre de dossiers qui nous sont soumis par EDF. Cette appréciation concerne à la fois la sûreté nucléaire, la radioprotection et l'environnement. Le détail est dans le rapport. Ce que l'on peut dire, c'est qu'un site se détache favorablement dans plusieurs domaines, celui de Saint-Laurent-des-Eaux. En revanche, trois sont en retrait dans plusieurs domaines, ceux de Bugey, de Chinon et de Cattenom.

L'ASN contrôle non seulement les grosses installations nucléaires, mais aussi le nucléaire de proximité. Quelques enjeux de ce nucléaire de proximitéi en 2014 : cette année, tous les incidents de niveau deux ont concerné ce domaine, quatre au titre de l'échelle INES et quatre au titre de l'échelle ASN-SFRO, qui concerne plus spécifiquement la radioprotection des patients en radiothérapie.

Au vu du bilan des contrôles que nous avons effectués et de la liste des événements dont nous avons pu être informés dans le domaine de la radiologie interventionnelle, nous avons estimé important d'alerter les professionnels sur la nécessité de procéder à des évaluations de risques pour les patients et les professionnels, et d'identifier les actes à risque. Nous avons rappelé, par la même occasion, les besoins en personnels compétents en radioprotection, donc plus affectés à la protection des travailleurs, mais aussi en radio-physiciens, plus consacrés à celle des patients. Nous avons aussi rappelé l'importance de la formation à la radioprotection des patients et des professionnels. Ce sujet est important pour nous et restera donc, en 2015, une priorité d'inspection pour l'ASN.

Concernant la médecine nucléaire, nous avons tiré un bilan de l'inspection de 217 services de médecine nucléaire. Nous considérons que l'état de la radioprotection dans ce domaine est satisfaisant, avec toutefois des progrès attendus dans la formation du personnel, dans la réalisation des études de postes, le contrôle de la qualité interne et la finalisation des études déchets-effluents.

Enfin, sur le radon, point déjà évoqué tout à l'heure, l'ASN et l'autorité de radioprotection norvégienne ont organisé un séminaire international sur les stratégies nationales de réduction des expositions au radon. D'ailleurs, un nouveau séminaire aura lieu en 2015.

Concernant le fonctionnement du système de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France, ce système a été audité en 2014 par une équipe de vingt-neuf experts internationaux, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Il s'agissait de la deuxième revue de ce type, la première ayant eu lieu en 2006. Le rapport de la mission est public. Il est consultable sur notre site. Ce rapport a mis en avant un certain nombre de bonnes pratiques, en particulier l'implication des parties prenantes dans le processus de décision ainsi que l'indépendance des commissaires et des personnels de l'ASN. Cette mission a aussi insisté sur l'importance de conforter les moyens humains et financiers de l'ASN pour l'exercice de ses missions.

En 2014, nous avons souhaité renouveler le processus de sélection et de nomination des membres de nos groupes permanents – ce sont des groupes permanents d'experts qui nous aident dans nos décisions les plus importantes – en les ouvrant plus largement aux experts de sûreté nucléaire de la société civile.

Je vais conclure en vous donnant quelques chiffres. En 2014, nous avons effectué 2 170 inspections dans l'ensemble des secteurs que nous contrôlons, dont 4 inspections de revue. Je tiens à mentionner spécialement celle de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, puisque c'est la première effectuée dans un centre hospitalier. Elle s'est d'ailleurs très bien déroulée. Comme je l'ai dit, nous avons classé 4 événements au niveau 2 dans l'échelle INES et 136 au niveau 1. Dans l'échelle ASN-SFRO applicable aux patients en radiothérapie, nous en avons enregistré 4 au niveau 2 et 117 au niveau 1. Nous avons dressé 24 procès-verbaux.

Le collège a pris 85 décisions et élaboré 27 avis. Nous avons réuni 23 fois nos groupes permanents et reçu un peu moins de 500 avis de l'IRSN. Je voudrais à cette occasion insister sur le travail de qualité réalisé par les équipes de l'IRSN pour aider l'ASN dans sa prise de position. Nous avons publié à peu près une centaine de notes d'information et de communiqués de presse.

Nous avons réalisé 7 exercices de crise nucléaire, dont 2 en collaboration avec des homologues étrangers : à Chooz, avec nos collègues belges, et sur le site de La Hague, avec nos collègues norvégiens. Le centre d'urgence a été gréé conformément aux procédures lors de l'intrusion de Greenpeace sur le site de Fessenheim, en mars. Pour terminer, je voudrais indiquer que l'ASN compte 474 agents au 31 décembre 2014 et que c'est évidemment leur implication au quotidien qui nous permet de remplir au mieux nos missions.

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