Intervention de Bruno Lasserre

Réunion du 6 mai 2015 à 16h00
Commission des affaires économiques

Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence :

Je commencerai par les questions transversales qui concernent notre politique, nos moyens et nos procédures avant de répondre aux questions plus sectorielles.

Monsieur Herth, je ne crois pas que l'Autorité de la concurrence commette un péché de gourmandise : elle n'entend pas conquérir de nouveaux territoires ou s'imposer hors de sa sphère de légitimité, mais la visibilité que nous avons acquise pousse le pouvoir politique à nous saisir pour avis afin de donner le sentiment qu'il agit. Il est des sujets que nous n'aurions peut-être pas traités sans que le pouvoir politique le réclame ; la gourmandise correspond donc aux sollicitations extérieures plus qu'à l'appétit de l'institution elle-même. Ainsi, le fameux débat sur les autoroutes n'a pas été initié par l'Autorité, mais par la commission des finances de l'Assemblée nationale ; cette enquête complexe nous a demandé beaucoup de travail, nous amenant à scruter tous les marchés publics et tous les marchés de travaux passés par les sociétés d'autoroutes depuis la privatisation, et à engager un dialogue musclé avec elles pour obtenir des informations susceptibles de nourrir notre diagnostic et nos propositions. Le pouvoir politique – Gouvernement ou Parlement – nous saisit de beaucoup de questions, dictant notre agenda : il en va ainsi des centrales d'achat et de bien d'autres sujets, notamment en matière agricole, sur lesquels nous nous sommes prononcés.

En même temps, nous ne pouvons ignorer les secteurs qui contribuent au pouvoir d'achat de nos concitoyens et à la compétitivité de notre économie ; l'intérêt de l'Autorité, qui a remplacé le Conseil de la concurrence en 2009, est justement de pouvoir d'office prendre la parole sur certains sujets. Je ne suis donc pas d'accord avec vous, ni avec M. Straumann : nous devions nous intéresser au secteur des autocars où l'offre française était bridée par une régulation archaïque, corporatiste et malthusienne qui interdisait paradoxalement d'ouvrir des dessertes intercités et interrégionales en France alors qu'elle permettait le cabotage sur des liaisons internationales. Il existe aujourd'hui une demande, notamment de la part des jeunes et des étudiants qui, plus sensibles au prix qu'au temps, sont prêts à voyager plus longtemps si cela leur coûte moins cher, notamment lorsqu'ils décident de partir au dernier moment. En effet, s'ils ne sont pas achetés à l'avance, les billets de train coûtent cher, c'est pourquoi les jeunes se tournent souvent vers le covoiturage. La création des liaisons par autocar dynamisera l'offre et répondra à la demande des jeunes dans un cadre régulé. Cette ouverture du marché ne déstabilisera pas le rail : la SNCF elle-même s'en est fait l'avocat et a choisi de se diversifier en créant sa filiale iDBUS. De plus, conformément à nos préconisations, en deçà de cent kilomètres, le Parlement – Assemblée nationale et Sénat – soumettra l'autorisation de nouvelles lignes d'autocar à un test qui vérifiera qu'elles ne mettent pas en danger l'offre ferroviaire subventionnée par les régions, notamment les TER. Certes, on a de l'appétit et la gourmandise fait partie des sept péchés capitaux ; mais nous entendons éclairer le pouvoir politique qui peut puiser dans nos propositions pour construire son agenda.

Madame Massat, les moyens représentent le nerf de la guerre, mais nos propositions n'ont pas encore fait l'objet d'un arbitrage. L'Autorité compte aujourd'hui 186 personnes et bénéficie d'un budget de moins de 20 millions d'euros ; nous estimons que pour être capables d'exercer les nouvelles missions qui nous sont confiées par la loi Macron – notamment en matière de professions juridiques et de commerce de détail –, nous avons au minimum besoin de vingt-quatre emplois et de 7 millions d'euros de plus. Le contexte budgétaire est difficile, et en tant que citoyen je souscris aux efforts de rationalisation et d'économie ; mais notre demande reste modeste – ce n'est pas une estimation maximaliste destinée à trouver un compromis, mais le minimum nécessaire – et l'État devrait être capable d'y répondre. La gourmandise, monsieur Herth, c'est quand on mange de sa propre initiative ; mais ce n'est pas l'Autorité qui a demandé de faire la cartographie des notaires, des huissiers ou des mandataires et administrateurs judiciaires ! C'est le législateur qui l'a arbitré, et j'ai appris cette décision comme un quidam ; de même, c'est notre avocat au Conseil d'État qui m'a averti que des amendements parlementaires nous ont conféré la tâche d'évaluer les besoins en avocats du Conseil d'État et de la Cour de cassation, personne n'ayant pris le soin de nous demander si nous pourrions y faire face. N'interprétez donc pas l'extension de notre périmètre d'action comme une marque de boulimie ; notre institution souhaite bien faire son travail en restant dans son coeur de métier, mais nous sommes parfois victimes de notre succès.

Plusieurs questions portent sur les procédures de l'Autorité : la clémence, le secret des affaires, l'injonction structurelle ou les délais pour traiter les opérations de concentration. La procédure de clémence a été créée en 2001 par la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE), qui permet à une entreprise membre d'une entente secrète de la dénoncer en obtenant, en échange de sa coopération à l'enquête, une exonération totale ou partielle de l'amende. Cette procédure a été mise en oeuvre dans l'affaire des produits d'hygiène et d'entretien et dans celle des yaourts sous marque de distributeur. Tous les pays européens se sont dotés d'un programme de clémence similaire. En France, le législateur a estimé que les ententes étaient tellement dommageables pour l'économie que leur détection méritait tous les efforts. Or l'exonération d'amende se présente comme le seul moyen de les repérer efficacement. Les sanctions à 950 millions d'euros font du bruit et coûtent cher aux entreprises qui prennent alors encore plus de précautions pour ne pas laisser de traces de leur collusion. Elles communiquent par des téléphones portables stockés au domicile des salariés et non dans les lieux professionnels – nous ne perquisitionnons que dans les entreprises –, souscrits par des prête-noms pour ne pas être détectés ; elles procèdent même parfois à des audits concurrentiels dans lesquels des avocats font le ménage informatique dans les messageries pour faire disparaître les preuves. Comme le gendarme face au voleur, nous devons déployer des moyens sans cesse plus sophistiqués. La clémence représente un outil formidable qui rétablit une certaine symétrie puisque les entreprises coopèrent à la détection. Elle prévient également la formation même d'ententes : en effet, pouvoir être trahi par ceux qu'on invite à coopérer fait réfléchir sur le rapport entre les coûts et les bénéfices de l'opération. Nous tenons à l'efficacité de ce programme, qui a montré son intérêt, et le communiqué que nous avons récemment publié vise à le faire mieux connaître, notamment par les PME, qui l'utilisent moins que les grands groupes. Parfois – notamment dans l'affaire des yaourts –, des entreprises perquisitionnées à la suite d'une première demande de clémence demandent à leur tour d'en bénéficier. En effet, aujourd'hui, certaines entreprises qui ne font pas l'objet de visites et saisies ignorent que d'autres sont perquisitionnées ; la communication systématique par l'Autorité de ses visites pour collecter des preuves permettra de rétablir une certaine égalité entre les entreprises qui pourront demander la clémence au même moment et bénéficier ainsi des mêmes chances d'exonération.

Madame Linkenheld, l'Autorité dispose aujourd'hui d'une procédure formalisée dans le code du commerce, qui permet aux entreprises d'occulter, dans leurs échanges avec nos services d'instruction et avec d'autres entreprises parties à une même procédure, des informations couvertes par le secret des affaires. Ce dispositif donne satisfaction. La rapporteure générale met en balance les besoins de l'instruction et la protection du secret des affaires en rendant publiques certaines informations nécessaires à la formalisation de l'accusation, au cas par cas et sous le contrôle du juge. Nous estimons que le projet de directive européenne sur le secret des affaires, qui devra être transposée en France, répond à un besoin. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que certaines informations, qui constituent un savoir-faire pour les entreprises et possèdent une vraie valeur économique, ne soient pas pillées de manière illégitime. Nous comprenons donc la volonté du législateur de tirer toutes les conséquences de cette directive. Nous souhaitons simplement que la transposition laisse de côté l'application du secret des affaires dans les procédures juridictionnelles et administratives, qui doivent obéir à leurs propres règles. Le législateur devrait définir au cas par cas la protection du secret des affaires devant différentes juridictions et autorités administratives de régulation, notamment parce que la directive comme le projet de loi français en puniront la violation de sanctions pénales, ce qui n'est pas adapté à la procédure appliquée devant l'Autorité de la concurrence.

Monsieur Hetzel, pourquoi mettre en oeuvre l'injonction structurelle en France ? Ne pose-t-elle pas des risques juridiques d'inconstitutionnalité ? Contrairement à ce que vous sembliez dire, au Royaume-Uni – pays de la libre entreprise et parangon de l'économie de marché –, cette procédure est beaucoup plus large qu'en France. L'autorité britannique de la concurrence peut la mobiliser dans n'importe quel secteur économique : elle l'a fait pour les aéroports ou pour le ciment, mais rien ne lui interdit juridiquement de le faire également pour la grande distribution. Elle peut utiliser cet instrument – et imposer la cession d'actifs – quel que soit le secteur, dès lors que son enquête met au jour des dysfonctionnements de la concurrence. Le dispositif français de la loi Macron apparaît beaucoup plus limité – il ne concerne que la grande distribution – et beaucoup plus encadré, les conditions dans lesquelles il peut être mobilisé étant beaucoup plus strictes qu'au Royaume-Uni. Les entreprises visées doivent notamment disposer d'une position dominante ou jouir d'une part de marché supérieure à 50 % de la zone de chalandise ; le projet de loi leur accorde également des garanties de procédure. Quant à la constitutionnalité de ce dispositif, ce sera au Conseil constitutionnel – qui sera vraisemblablement saisi – de trancher. Mais le Conseil s'est déjà prononcé à l'occasion d'une loi du pays adoptée par la Nouvelle Calédonie en admettant la constitutionnalité de l'injonction structurelle locale, alors même qu'à la différence du projet de loi Macron, la procédure s'y appliquait à tous les secteurs et était soumise à des conditions de fond et de forme moins strictes. Il appartiendra au Conseil constitutionnel de décider si sa jurisprudence sur la Nouvelle Calédonie peut être appliquée à la métropole.

Madame Erhel, pour traiter 200 opérations de concentration par an – sans compter celles que nous renvoie la Commission européenne, souvent très lourdes –, nous ne disposons que de douze personnes, soit la composition moyenne d'une équipe d'instruction de la Commission européenne pour une seule affaire. Ces douze personnes doivent non seulement instruire les affaires, mais une fois l'autorisation donnée, surveiller l'application des engagements pris par les entreprises – un travail de suivi souvent important. Le problème des délais n'est pas seulement lié à la faiblesse de nos moyens, mais également au fait que la procédure à laquelle nous sommes soumis lorsque nous faisons une enquête approfondie impose un débat contradictoire nourri avec les entreprises et des tests de marché auprès des tiers qui réagissent à notre diagnostic et aux remèdes que nous proposons. Mais rassurez-vous : sur 200 notifications que nous recevons par an, plus de la moitié font l'objet d'une procédure simplifiée pour laquelle le délai d'autorisation est souvent inférieur à quinze jours ou trois semaines. M. Brottes citait le cas de Carrefour et Dia marqué par l'urgence de l'enjeu social ; dans cette affaire renvoyée par la Commission européenne, nous avons soumis l'acquisition à la cession de plus d'une cinquantaine de magasins. Pourtant, nous avons rendu la décision en deux mois seulement, alors qu'il a fallu examiner plus d'une centaine de zones de chalandise.

Beaucoup de questions sectorielles tournent autour de la grande distribution et des négociations commerciales. Madame Le Loch, la France se distingue par la brutalité – souvent dénoncée – des négociations entre fournisseurs et distributeurs. Cette dramatisation d'une discussion entre partenaires dont l'avenir dépend l'un de l'autre n'est pas le propre de la grande distribution. Les politiques d'achat sont particulièrement agressives en France, les entreprises soumettant les employés qui s'en occupent à des directives très strictes, évaluant leurs résultats à l'aune de l'objectif absolu de baisse des coûts. Beaucoup d'autres pays valorisent une culture différente de partenariat : dans une discussion sur les prix, chacun doit trouver son compte ; surtout, au-delà des baisses de coût à court terme, il faut respecter le partenaire. Mais nous ne sommes pas responsables de cette situation.

Ensuite – cela répondra également aux observations sur le prix des produits d'hygiène et d'entretien en France et en Allemagne –, les récentes lois Royer, Raffarin et Galland ont contribué à la hausse des prix en créant une situation de connivence entre distributeurs et industriels, au détriment du consommateur. La différence des prix en grandes surfaces entre la France d'une part, la Belgique et l'Allemagne d'autre part, montre que la compétitivité prix française s'est dégradée, notre pays jadis moins cher devenant plus cher que ses voisins. Alors que les Allemands venaient faire leurs courses en France, c'est au phénomène inverse que l'on assiste aujourd'hui, comme l'a noté M. Straumann. Parmi les explications, le hard discount n'a pas vraiment pénétré en France à cause des restrictions posées par les lois Royer et Raffarin qui ont protégé les enseignes déjà installées par rapport aux nouveaux venus. De plus, la loi Galland a créé un équilibre tacite en déplaçant la négociation vers les marges arrière et en définissant de manière artificielle le seuil de revente à perte, ce qui a conduit à des hausses de prix au bénéfice à la fois des industriels et de la grande distribution. En rétablissant une plus grande négociabilité, la LME a intensifié la guerre des prix et accru la concentration des centrales d'achat ; cette situation préoccupante est liée au passage de l'équilibre ancien – trop protecteur et pas assez incitatif – à un équilibre nouveau qui peine à se structurer.

Monsieur Herth, nous ne sommes pas passifs face à la concentration des centrales d'achat ; mas que pouvons-nous faire ? N'étant ni des fusions ni des rachats, ces opérations ne sont clairement pas soumises à notre contrôle ex ante et les entreprises n'ont pas à nous les soumettre pour autorisation. Aux termes de l'amendement adopté à l'initiative de M. Brottes, président de la commission spéciale, elles devront dorénavant nous informer à l'avance de la constitution des centrales – disposition jusque-là absente du droit. Une période de standstill évitera que ces alliances ne soient nouées juste avant les campagnes de négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs. Mais nous ne sommes pas en présence d'ententes anticoncurrentielles ou de cartels secrets : ces regroupements visent à acheter au meilleur prix pour garder un positionnement avantageux et compétitif sur le marché aval, ce qui n'est pas interdit par le droit de la concurrence.

Comment prévenir et sanctionner, de manière efficace et dissuasive, les dérives et les abus parfois induits par ce pouvoir renforcé à l'achat ? Monsieur Brottes, vous sembliez regretter la dispersion et la concurrence entre autorités de contrôle ; mais l'article L. 442-6 du code de commerce permet aujourd'hui au bras armé du ministre de l'économie, la DGCCRF, juge de paix des relations commerciales, de porter devant le tribunal de commerce toute une série de comportements abusifs de la part des distributeurs. Jusque-là, les sanctions n'étaient pas suffisamment dissuasives, l'amende restant plafonnée à 2 millions d'euros, mais un amendement adopté par l'Assemblée nationale portera le plafond à 5 % du chiffre d'affaires – une mesure qui va dans le bon sens. Faut-il donner à l'Autorité de la concurrence d'autres moyens de participer à la poursuite de ces abus ? Nous avons ouvert des pistes, proposant notamment de faciliter la mobilisation de la notion de l'abus de dépendance économique. Un amendement en ce sens a été discuté au Sénat ; mais doter l'Autorité de la concurrence de pouvoirs identiques à ceux de la DGCCRF risque de créer une concurrence entre autorités. En effet, le problème ne tient pas à l'insuffisance des lois, mais au fait que les fournisseurs n'osent pas porter plainte par peur d'être déréférencés, en représailles, par la grande distribution. Il ne sert à rien d'ajouter des couches et des couches de sédiments juridiques ; il faut avant tout qu'il y ait un contentieux, une enquête et une action juridique portée par le ministre à la place des victimes. L'Autorité est favorable à un élargissement de la définition de l'abus de dépendance économique, conformément à la proposition que nous avons rédigée ; mais l'inventivité juridique des distributeurs étant sans limites, multiplier les dispositions législatives risque de ne pas répondre aux vraies questions. En tout état de cause, nous sommes prêts à prendre part à la lutte contre les abus de ce pouvoir de négociation.

En évoquant les ententes dans le secteur alimentaire, Madame Le Loch, vous demandez si les industriels avaient le choix de ne pas se concerter. Certes, leur pouvoir de négociation n'est peut-être pas assez fort – encore qu'il s'agit souvent de leaders mondiaux –, mais à ce problème le cartel apporte une réponse à la fois illicite et fragile qui ne permet pas, sur le long terme, de parer au déséquilibre structurel entre producteurs et distributeurs. Pour répondre à ces défis, mieux vaut encourager le regroupement à la loyale, en privilégiant la consolidation – qui permet la constitution d'acteurs de taille plus importante – et la création d'interprofessions. Mais comme pour le dopage, il faut éviter de traiter l'insuffisance de compétitivité de nos entreprises par l'incitation aux ententes ou l'absolution de ceux qui se livrent à ces comportements.

S'agissant des hôtels, monsieur Tardy, nous sommes parvenus à une bonne solution avec Booking.com, au terme d'une discussion menée en coordination avec la Commission européenne et les autorités de concurrence suédoises et italiennes. Cette approche a permis de favoriser une réponse européenne dont d'autres pays – le Royaume-Uni, la Belgique ou le Danemark – comptent s'inspirer. Booking.com s'engage à modifier ses clauses à l'égard de l'ensemble des hôtels installés en France, quelle que soit l'origine des clients – nationaux ou étrangers. Enfin une clause de réexamen prévoit de faire le bilan de ces engagements avant le 1er janvier 2017 afin de vérifier qu'ils ont conduit à une baisse des commissions, à une meilleure compétition entre plateformes et à l'enrichissement de l'offre hôtelière. À partir de ce bilan, toutes les options restent ouvertes.

En matière de transports, nous étions favorables à l'élargissement du rôle de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) à la route. L'Autorité de la concurrence avait formulé cette proposition dans son avis sur les autocars, puis l'a reprise dans celui sur les autoroutes. Nous pensons que la création d'un régulateur intermodal représente un progrès, rail et route étant concurrents, mais aussi complémentaires. Cette réforme va donc dans le sens de nos préconisations.

Le sujet de l'open data excède quelque peu notre compétence et si j'y réponds, vous m'accuserez peut-être du péché de gourmandise… Aujourd'hui, le transport doit être envisagé sur toute la chaîne, les voyageurs exigeant des informations non seulement sur les horaires de train, mais aussi sur ceux des modes de transports urbains qui en prennent le relais : le métro, le bus, la location de voitures ou de vélos. L'open data permettra au consommateur d'avoir accès au maximum de données pour constituer sa demande de voyage et choisir son mode de transport, d'un bout à l'autre du parcours, sans s'arrêter à la gare. Aucun opérateur ne doit être favorisé ; dans notre avis sur les gares de voyageurs, nous alertons ainsi les pouvoirs publics sur l'importance de ne pas donner à la SNCF, qui détient les gares, un pouvoir d'orientation du transport en fonction de données – horaires, correspondances, etc. – qu'elle serait la seule à détenir.

Madame Massat, en 2010, nous avons sanctionné les onze principales banques françaises pour avoir créé une commission injustifiée sur le traitement du chèque. La Cour d'appel a émis un avis différent, considérant que les banques n'avaient pas commis d'infraction ; l'arrêt vient d'être annulé par la Cour de cassation à la suite d'un pourvoi formé par l'Autorité. Cette affaire importante sera rejugée par la Cour d'appel, mais dès le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, l'Autorité a demandé aux banques de rendre les plus de 300 millions d'euros qui leur avaient été restitués.

Cet argent, monsieur le président, va au budget général de la Nation et n'alimente en rien celui de l'Autorité. Ces amendes sont bien payées – souvent dans un délai de trois semaines à un mois –, le taux de recouvrement atteignant 97 %. C'est le président de l'Autorité de la concurrence qui, en tant qu'ordonnateur principal de ses dépenses, émet l'ordre de reversement.

En matière d'énergie, monsieur Baupin, vous avez raison de rappeler la décision rendue par l'Autorité en décembre 2013, qui a sanctionné EDF à hauteur de 13,5 millions d'euros pour avoir favorisé de manière abusive sa filiale active sur le marché émergent du solaire photovoltaïque au détriment d'une PME concurrente, Solaire Direct. Nous avons estimé qu'EDF avait abusé de sa position dominante en créant une confusion regrettable dans l'esprit du consommateur et en mobilisant tous les moyens du service public – la facture bleu ciel, les centrales téléphoniques, la connaissance du fichier clients – pour orienter la demande des consommateurs vers son offre. EDF aurait dû faire sa diversification d'une manière claire et transparente, sans donner au consommateur le sentiment que sa filiale solaire relevait du service public. Nous avons sanctionné cet abus et EDF a fait l'effort de rétablir l'égalité des conditions entre son offre et celles des concurrents.

Vous avez évoqué la question de l'indépendance d'ERDF par rapport à EDF ; compte tenu du reproche de mauvaise coordination entre les autorités de régulation et l'Autorité de la concurrence, je me bornerai à dire que c'est à la CRE qu'il revient d'en juger. Conformément au mandat qu'elle a reçu du Parlement, la CRE est en train d'examiner les logos des deux entreprises pour vérifier qu'ils maintiennent une identité suffisamment distincte et autonome aux yeux des concurrents et des consommateurs.

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