Madame la présidente, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mesdames et messieurs les députés, 284 000 enfants et 21 500 jeunes majeurs sont accueillis ou suivis par l’aide sociale à l’enfance, selon les chiffres recensés par l’Observatoire national de l’enfance en danger – ONED. Ce sont autant d’histoires individuelles, autant de parcours. Parmi eux, des enfants maltraités, des enfants négligés ou en carence affective, des enfants placés, des enfants accompagnés au sein de leur famille. Avec ou sans eux, des parents maltraitants ou indifférents, c’est certain, mais aussi des parents désorientés, des parents isolés, des parents hospitalisés ou malades, des parents qui voudraient bien faire mais n’y arrivent pas. À leurs côtés, des travailleurs sociaux, des professionnels de la prévention spécialisée et de la protection judiciaire de la jeunesse, des magistrats, des agents et des élus des départements, des associations et parfois, ne l’oublions pas, un entourage bienveillant sur lequel s’appuyer.
C’est à toutes ces personnes que nous nous adressons aujourd’hui en poursuivant, à l’Assemblée nationale, le débat sur la protection de l’enfance engagé au Sénat.
S’intéresser à la protection de l’enfance, c’est d’abord lever le voile sur une réalité aux visages multiples, sur l’intimité du foyer, sur une réalité qui parfois dérange et remet en question nos schémas de pensée et nos a priori.
S’intéresser à la protection de l’enfance, c’est lever le voile sur la complexité, sur la confusion des sentiments ; c’est découvrir les règles, les normes implicites propres à chaque cellule familiale ; et c’est être convaincu que, malgré notre pudeur, il est juste de pousser les portes de cette intimité lorsqu’un enfant est en danger.
Au milieu de cette réalité complexe, diverse, cruelle aussi parfois, protéger l’enfant en danger demeure la première mission de la politique publique de protection de l’enfance. Quand la situation est trop menaçante pour l’enfant, elle intervient dans l’urgence, pour l’extraire d’un véritable danger, le plus souvent avec une grande efficacité. La protection de l’enfance mène un travail au quotidien, sur le long cours, au plus près des familles, pour aider et conseiller les parents défaillants, pour accompagner et écouter les enfants.
Pour des milliers d’enfants et de parents, l’aide sociale à l’enfance – ASE – réussit à apporter une réponse adaptée, le soutien dont ils ont besoin à une période de leur vie. Mais il arrive, disons-le avec lucidité, qu’elle n’y parvienne pas et que des situations lui échappent, parfois avec une issue tragique ; il arrive qu’elle intervienne trop tard ou que la réponse qu’elle propose ne soit pas pertinente au regard des besoins de l’enfant.
Or, les conséquences peuvent être trop graves pour laisser les questions soulevées sans réponse. La situation de ces enfants est suffisamment douloureuse pour que ne vienne s’y ajouter une forme de maltraitance institutionnelle.
La politique publique de protection de l’enfance est complexe et pleine d’affects. Mais face au constat partagé de dysfonctionnements, chaque acteur – État, départements, justice, professionnels du secteur, professionnels de santé – doit aujourd’hui être en mesure de s’interroger sur ses pratiques et la manière de travailler ensemble. Malgré des points de vue parfois divergents, malgré les préoccupations et les réalités propres à chaque acteur, une seule perspective, une seule finalité nous réunit : celle du meilleur intérêt de l’enfant.
Le meilleur intérêt de l’enfant, c’est celui défini par la Convention internationale des droits de l’enfant, signée et ratifiée par la France en 1990. En novembre dernier, je me suis rendue à l’ONU à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Convention. À la demande du Président de la République, j’en ai signé le troisième protocole. Une fois ratifié, ce protocole permettra à chaque enfant, ou à chaque adulte autorisé à agir en son nom, de saisir individuellement le Comité des droits de l’enfant s’il estime ses droits violés, après épuisement des recours nationaux et régionaux.
Cette avancée, importante en termes de procédure, a également une portée symbolique très forte puisqu’elle consacre la reconnaissance de la parole de l’enfant. Vous pouvez compter sur ma détermination pour que le troisième protocole soit rapidement transcrit dans la loi.
Prendre en compte les besoins de l’enfant, respecter ses droits, reconnaître sa parole, c’est oeuvrer pour le meilleur intérêt de l’enfant.
Une fois ces grands principes posés, il nous faut les faire résonner dans nos pratiques et dans la loi. Affirmer la manière dont notre société entend protéger ses enfants, affirmer notre compréhension de l’enjeu et le traduire dans la mise en oeuvre de la politique publique qui en découle relève d’une démarche collective. Elle ne se décrète pas, elle se construit ; elle ne s’impose pas, elle se partage.
Lors des nombreuses rencontres que j’ai pu mener, j’ai constaté qu’à la volonté politique qui nous réunit aujourd’hui vient s’ajouter la volonté partagée des acteurs de faire évoluer la protection de l’enfance. Le moment est propice car il réunit une sensibilité accrue du grand public, la connaissance, les outils sur lesquels nous appuyer et une volonté partagée.
De la sensibilité accrue du grand public, à la suite des tragédies qui nous ont récemment marqués, découle une exigence légitime. Il n’est pas dans les pratiques de ce gouvernement de légiférer à chaque fait divers, mais il ne serait pas pour autant responsable de les ignorer.
À cet instant, je veux saluer le travail qui s’accomplit sur le terrain, qui requiert de chaque acteur de cette politique publique un engagement et un investissement au quotidien. N’oublions pas non plus la difficulté des métiers de la protection de l’enfance, en raison des affects qu’ils mobilisent nécessairement et des situations dans lesquelles ils placent les professionnels. J’ai à cet instant une pensée pour Jacques Gasztowtt, éducateur assassiné dans l’exercice de sa mission, le 19 mars dernier, à Nantes, pour avoir eu le courage de s’interposer face à un homme menaçant son ex-compagne à l’arme blanche.
Outre cette sensibilité accrue donc, la connaissance. De nombreux rapports sont venus récemment nous éclairer et alimenter notre réflexion : le rapport d’évaluation de la loi de 2007 rédigé par Michelle Meunier et Muguette Dini, qui est à l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui ; le rapport issu de la Mission d’évaluation de la gouvernance de la protection de l’enfance, piloté par l’IGAS – Inspection générale des affaires sociales – et l’IGSJ – Inspection générale des services judiciaires – relatif à la gouvernance de la protection de l’enfance ; les rapports et avis du Défenseur des droits et de la Défenseure des enfants, en particulier celui de juin 2014 sur l’histoire de la petite Marina ; le rapport d’Adeline Gouttenoire ; le rapport d’André Vallini et d’Anne Tursz, qui fait suite au colloque qui s’est tenu au Sénat en 2013 ; le rapport de l’UNICEF, issu de la consultation de 12 000 enfants ; les recommandations issues du rapport de la Haute autorité de santé ; le rapport qui nous sera officiellement remis très prochainement par François de Singly.
De cette littérature riche convergent constats et préconisations. Ces conclusions nous incitent à ne plus attendre pour agir. Nous en sommes maintenant au temps du passage à l’acte ; or c’est à l’État d’entreprendre ce passage à l’acte car il est d’abord le garant d’une protection de l’enfance qui ne se limite pas à une politique publique.
Protéger l’enfant, c’est le penser dans toutes ses dimensions, dans tout son parcours. Protéger l’enfant, c’est lui donner accès au monde, c’est tout faire pour ne pas restreindre son champ des possibles, c’est démultiplier ses avenirs. Protéger l’enfant, c’est inscrire l’institution dans une perspective de bientraitance.
La bientraitance constitue le fil d’Ariane non seulement d’une politique globale de l’enfance, mais également de l’ensemble des politiques conduites avec Marisol Touraine au ministère de la santé, des affaires sociales et des droits des femmes en faveur des personnes âgées, des malades et des personnes handicapées. La protection de l’enfance ne peut s’envisager, se penser, se mettre en oeuvre indépendamment d’une vision claire et affichée de la place de l’enfant dans notre société.
Face à cet enjeu, l’État ne peut agir seul. La politique publique de protection de l’enfance est l’affaire du juge, de l’éducateur spécialisé, du médecin, de l’assistant social, du parent. Le travail en commun est parfois exemplaire ; il est parfois trop peu pensé. L’État doit alors jouer le rôle de coordinateur, organiser le lien. Tel est du reste le sens d’un amendement important et attendu des acteurs, déposé par Mme la rapporteure en commission et qui vise à réintroduire une instance de pilotage national de la protection de l’enfance.
L’État ne peut agir seul car la protection de l’enfance est une politique publique décentralisée, confiée à la compétence des départements. Ceux-ci, depuis de nombreuses années, donnent la preuve de la pertinence de cette décision. Les départements sont les premiers interlocuteurs de l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance. Leur responsabilité est engagée dans sa mise en oeuvre. Leurs services interviennent au plus près des familles, enfants et parents. Ils cherchent en permanence à apporter un service public attentif, de qualité et innovant. En outre, les départements dépensent chaque année l’essentiel des 7 milliards d’euros que notre pays consacre à la protection de l’enfance, soit plus de 20 % de leurs dépenses totales d’aide sociale.
Si de nombreux territoires innovent, s’essayent à de nouvelles façons de travailler, repensent la coordination des acteurs, des disparités subsistent selon les départements, certaines cultures étant plus favorables au maintien du lien familial, d’autres au placement. Face à ces disparités, l’État doit assumer son rôle de garant l’égalité de traitement sur le territoire de la République. Dans le respect des compétences des départements, il doit assumer ses responsabilités au regard d’une politique tout à la fois régalienne et décentralisée.
Si notre politique publique de protection de l’enfance doit encore être améliorée, elle a déjà pourtant considérablement évolué, notamment grâce à la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage au travail engagé par Philippe Bas, alors ministre : la loi de 2007 a permis des avancées considérables, avec la mise en place des cellules de recueil des informations préoccupantes, les CRIP, qui constituent aujourd’hui un véritable pilier de notre politique de protection de l’enfance, ou la création du projet pour l’enfant, le PPE, qui est un outil précieux. Elle a enfin consacré les présidents de conseils généraux, devenus conseils départementaux, comme chefs de file de la politique publique de protection de l’enfance.
Nous avons aujourd’hui le recul nécessaire pour franchir une étape supplémentaire. La loi de 2007 a été éprouvée durant huit années sur le terrain. Ce recul se manifeste dans le travail engagé avec le présent texte par les sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini, dont je salue ici la conviction et la détermination.
Ce texte a déjà beaucoup évolué lors de son passage en première lecture au Sénat. Il a été considérablement enrichi en commission à l’Assemblée nationale, et il le sera encore lors de l’examen en séance publique. Je tiens à remercier l’ensemble des parlementaires qui se sont impliqués, mettant de côté les logiques partisanes pour centrer leur réflexion sur l’enfant, ses besoins et sa protection. Je ne doute pas que le même esprit prévaudra lors des échanges en séance au sein de cette assemblée.
Le Gouvernement fera également évoluer ce texte par voie d’amendement. Certains parlementaires peuvent trouver que le calendrier est un peu serré. Je leur présente mes excuses, mais c’est l’efficacité qui prévaut, dans l’intérêt de l’enfant et de l’aide sociale à l’enfance.
J’ai engagé, il y a plusieurs mois, une concertation que j’ai souhaitée la plus large possible. J’ai écouté avant tout les premiers concernés, celles et ceux à qui on a trop rarement donné la parole : les adultes, jeunes et moins jeunes, qui ont été auparavant des enfants de l’ASE. Au sein de cette concertation, j’ai aussi, légitimement, accordé une place singulière aux départements. L’Assemblée des départements de France a désigné Claude Jeannerot comme délégué tout au long de cette démarche. Les départements ont ainsi été étroitement associés à chaque étape de la concertation. Je rencontrerai bien évidemment, dès qu’il sera élu, le prochain président de l’ADF.
J’ai également associé à la réflexion les présidents, présidentes, vice-présidents et vice-présidentes chargés de la protection de l’enfance, et constitué un groupe de travail avec quatorze départements, l’ONED et l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée – ODAS – afin de nourrir chaque étape de la concertation. Pour garantir la continuité de la démarche, j’ai convié l’ensemble des présidents de conseils départementaux nouvellement élus à échanger sur cette question le 21 mai prochain.
Les conclusions de la concertation, qui seront présentées lors d’une réunion de restitution le 1er juin prochain, portent déjà leurs fruits dans le texte dont nous allons débattre. L’ensemble du travail engagé a permis de construire une belle réforme de la protection de l’enfance.
La réforme que nous portons aujourd’hui affirme que les enfants de l’aide sociale à l’enfance, quel que soit leur âge, ont les mêmes besoins, qu’ils doivent avoir accès aux mêmes droits que n’importe quel autre enfant. On n’est pas et on ne naît pas enfant de l’ASE, on est d’abord un enfant.
Le Gouvernement souhaite des mesures nouvelles, des mesures inédites en direction des jeunes majeurs, des mesures qui garantissent la stabilité affective de l’enfant ; une évolution des outils qui renforce le repérage et le suivi des situations ; l’affirmation d’une doctrine de la protection de l’enfance centrée sur le plus grand intérêt de l’enfant.
Parmi les ruptures auxquelles sont exposés les jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance, celle qu’ils vivent en quittant l’ASE est sans doute l’une des plus violentes. Lorsque j’ai rencontré d’anciens enfants de l’ASE, nombreux ont témoigné des difficultés qu’ils ont éprouvées à s’engager dans leur vie d’adulte, de leur inexpérience face à la gestion du quotidien, de la précarité de leur situation.
La réponse que nous apportons à ces jeunes est d’abord de leur assurer l’accès aux mêmes droits que tous les autres jeunes : c’est l’accès à la garantie jeunes, c’est l’accès au service civique, c’est l’accès au logement, en leur réservant en priorité des places au sein des foyers de jeunes travailleurs.
La réponse, c’est un travail qui s’engage en amont de la sortie de l’ASE, pour en préparer la brutale survenance, à 18 ou à 21 ans, un travail de coordination porté par les préfets et les présidents de conseils départementaux avec les acteurs de la cohésion sociale, de la santé, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, bref toutes les institutions qui peuvent accompagner le jeune dans la construction de son projet de vie. Le Gouvernement a déposé des amendements en ce sens.
La réponse, c’est assurer à celui qui sort de l’ASE un petit pécule pour pouvoir faire face à ses premières dépenses. Souvent lorsqu’un jeune cesse de remplir les conditions d’âge pour bénéficier de l’ASE, il n’a rien. Pourtant il lui faut se nourrir, se loger, se déplacer, se vêtir, voire accéder à quelques loisirs. C’est pourquoi le Gouvernement promeut une mesure forte, une mesure de justice sociale à laquelle je suis personnellement très attachée : le versement de l’allocation de rentrée scolaire, pendant le placement de l’enfant, sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts afin qu’il dispose de ce pécule à sa majorité.
Enfin, la réponse, c’est celle qu’a apportée le Président de la République la semaine dernière : un accompagnement qui va au-delà du terme de la mesure, pour permettre au jeune de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée. La réussite de la scolarité de ces jeunes constitue un atout formidable pour leur autonomisation, pour leur entrée dans la vie d’adulte. Nous devons assurer que cette scolarité se déroule dans la plus grande stabilité, et empêcher qu’une rupture trop brutale ne vienne contrarier sa réussite.
La stabilité affective des enfants, la sécurisation de leur parcours est l’autre point saillant de la réforme de la protection de l’enfance.
Lorsqu’on regarde de près les parcours des enfants au sein de l’aide sociale à l’enfance, on réalise avec tristesse qu’ils sont bien souvent émaillés de ruptures. Un enfant de l’ASE a effectivement un besoin urgent de protection quand il est en danger dans son environnement. Mais un enfant de l’ASE a aussi besoin, comme n’importe quel autre enfant, qu’on tienne compte de son besoin de stabilité affective, des liens et de l’attachement à construire.
En trois ans, un enfant peut être placé en pouponnière, en foyer puis en famille d’accueil, puis retourner dans sa famille et finalement être à nouveau placé parce que cela n’a pas fonctionné, mais dans une autre famille d’accueil parce que la précédente a désormais la responsabilité d’autres enfants. En trois ans, on lui aura proposé trois, quatre, cinq figures d’attachement différentes. En trois ans, il n’aura pas pu s’attacher.
C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité inscrire, lors de la première lecture au Sénat, la stabilité des parcours comme finalité des missions de la protection de l’enfance. Le Gouvernement salue et soutient le travail de la commission des affaires sociales qui a souhaité sécuriser l’adoption simple, améliorer l’accompagnement de l’enfant chez les tiers dignes de confiance et soutenir les liens de fratrie dans l’accueil par l’aide sociale à l’enfance.
Dans le meilleur intérêt de l’enfant, il nous faut sortir de nos représentations figées, il nous faut inventer l’environnement qui lui permettra de grandir et de s’épanouir au mieux. Même si cela nous amène à nous interroger, il faut lui assurer des aménagements nécessaires de l’autorité parentale, dans les situations de délaissement notamment. Il faut penser qu’on peut être l’éducateur d’un enfant sans en être le parent. Je suis persuadée qu’à chaque fois que nous nous poserons sincèrement la question de la recherche du meilleur intérêt de l’enfant, nous saurons trouver la réponse juste.
Assurer à l’enfant que la stabilité et la sécurisation de son parcours prévalent sur toute prérogative, parentale comme institutionnelle : c’est cela être bien traitant. Cela n’exclut pas le formidable travail d’accompagnement des familles réalisé par les services d’aide sociale à l’enfance, qui agissent auprès des parents pour leur permettre d’exercer au mieux leurs responsabilités parentales.
Parmi les nombreuses mesures, le Gouvernement sera également très attentif à l’amélioration du repérage des situations de danger et au suivi des parcours. Pour cela, il faut renforcer et clarifier procédures et dispositions. Un amendement viendra donner un cadre national à l’évaluation de l’information préoccupante. Cette évaluation sera réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels formés à cet effet ; elle concernera dorénavant tous les enfants qui vivent au domicile. Un amendement proposera également de faciliter la saisine de l’autorité judiciaire quand la gravité de la situation l’impose et de permettre qu’une décision de protection soit prise rapidement par le juge des enfants. Enfin, j’ai déposé un amendement qui sécurise les sorties de placement en instaurant le principe d’un suivi lorsqu’un enfant retourne dans sa famille après avoir été confié à l’ASE.
La fin du placement, si elle n’est pas préparée et accompagnée, peut être un moment de grande fragilité pour l’enfant et pour les parents. Il arrive que des parents, même si le danger ou le risque de danger n’est plus présent, aient conservé des fragilités. Il arrive que ce retour, ce changement soudain et non accompagné laisse les enfants ou les parents désemparés. Or aujourd’hui, rien n’est prévu dans les textes pour accompagner ce retour.
Enfin, la réforme de la protection de l’enfance veut la repositionner dans l’intérêt de l’enfant, autour de ses besoins.
Aujourd’hui, la protection de l’enfance vise à accompagner les familles. L’enfant est l’objet de cette protection surtout quand il est maltraité. Il faut changer de paradigme dans notre approche de cette politique.
Ce changement de paradigme, le Gouvernement souhaite l’inscrire dans les textes et a ainsi proposé, par voie d’amendement, une nouvelle définition de la protection de l’enfance.
Ce paradigme est par ailleurs particulièrement incarné par un outil précieux de la politique publique de protection de l’enfance : le projet pour l’enfant. Rendu obligatoire par la loi de 2007, le PPE est affirmé par notre réforme comme un document qui appartient à l’enfant et qui porte une véritable ambition pour lui. Toutes les personnes qui ont de l’importance pour l’enfant, ses parents au premier chef, mais aussi son médecin de famille, ou pourquoi pas son entraîneur de foot, trouveront leur place dans le cadre d’un PPE véritablement centré sur l’intérêt de l’enfant.
En parallèle de cet important travail législatif, il nous faut aussi réformer les pratiques. La vaste concertation que j’ai engagée se prolongera par une restitution le 1er juin prochain et par la présentation d’une feuille de route. La réforme de la protection de l’enfance ne porte pas uniquement l’ambition de réformer « pour » les enfants de l’aide sociale à l’enfance : elle porte aussi celle de réformer « avec » l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance.
Mesdames, messieurs les députés, la réforme de la protection de l’enfance dont nous allons poser conjointement les bases législatives aujourd’hui nous oblige. Elle exige de nous du consensus, elle exige que nous ne nous perdions pas dans de faux débats, elle exige de rechercher dans chacune de nos interventions, de nos suggestions, le meilleur intérêt de l’enfant.
Je le dis ici sans détours : je m’opposerai à tout amendement dont l’objet ne sera pas de réformer la protection de l’enfance. Autour de la famille, il existe de nombreux débats. Mais ce ne sont pas ces débats qui sont à l’ordre du jour.