L’examen de cette proposition de loi, issue d’une initiative sénatoriale, intervient dans un contexte marqué par de nombreux drames concernant des enfants victimes de mauvais traitements. Ces tragédies soulignent l’urgence et la nécessité des réformes proposées mais ne doivent pas occulter que ce texte est issu d’un travail de fond mené depuis plusieurs années. Il est en effet la traduction législative du rapport de la mission d’information de la commission des affaires sociales du Sénat sur la protection de l’enfance et de divers autres travaux. Il tient également compte des réflexions figurant dans le rapport du groupe de travail sur la protection de l’enfance et l’adoption, présidé par Mme Adeline Gouttenoire, ainsi que des travaux du Conseil supérieur de l’adoption.
La dernière grande réforme de cette politique a été opérée par la loi du 5 mars 2007. L’objet de la présente proposition de loi n’est pas de remettre à plat cette réforme de 2007, mais de tirer les conséquences des imperfections ou des dysfonctionnements qui ont pu être constatés.
Lors de son examen au Sénat, des suppressions et modifications ont parfois amélioré le texte. Mais elles ont majoritairement et considérablement diminué le niveau d’ambition de la proposition de loi.
La commission des lois a naturellement proposé de confirmer les suppressions qui lui ont paru justifiées, comme celle de l’article 14, qui visait à permettre une nouvelle adoption plénière d’enfants précédemment adoptés, admis en qualité de pupille de l’État. Cet article aurait en effet conduit à remettre en cause le principe d’irrévocabilité de l’adoption plénière.
Autre suppression justifiée : celle de l’article 20, qui prévoyait de rendre automatique le retrait d’autorité parentale pour les parents auteurs ou complices d’un crime ou d’un délit sur la personne de leur enfant ou de l’autre parent. Cette automaticité soulevait en effet des difficultés d’ordre constitutionnel et des problèmes de compatibilité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Doit également être supprimé l’article 21 prévoyant l’extension de l’indignité successorale aux parents auteurs et complices d’un crime ou d’un délit commis sur la personne de leur enfant, qui instituait lui aussi une sanction automatique et encourait les mêmes critiques.
À l’inverse, la commission des lois a souhaité revenir sur certaines des suppressions opérées par le Sénat. Elle a ainsi proposé de rétablir l’article 12, relatif à la réforme des règles applicables à la révocation de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, qui prévoit que cette révocation ne pourra être demandée que par le ministère public, et non plus par la famille d’origine et, si le mineur a plus de quinze ans, par l’adoptant.
De même, il faut revenir sur la suppression de l’article 17 relatif à la désignation d’un administrateur ad hoc indépendant du service d’aide sociale à l’enfance dans les instances d’assistance éducative. Il nous a paru en effet important de garantir cette indépendance à l’égard de l’ASE.
La commission, à l’initiative conjointe de MM. Denaja et Roman mais aussi de M. Geoffroy et de Mme Fort, a également proposé de rétablir l’article 22 relatif à l’inceste. Il est indispensable de réinscrire l’inceste dans le code pénal, afin de reconnaître sa spécificité et le traumatisme qu’il représente pour les victimes.
Enfin, la commission a préconisé de compléter l’article 15, qui prévoit une audition systématique de l’enfant doué de discernement dans le cadre d’une procédure d’adoption.
Au total, huit des onze amendements présentés par la commission des lois ont été adoptés par la commission des affaires sociales, ce qui témoigne de l’excellente coopération entre nos deux commissions, et je tiens à saluer la qualité du travail de la rapporteure au fond, Mme Annie Le Houerou, ainsi que votre investissement, madame la secrétaire d’État.
Progrès social, efficience juridique, gouvernance intelligente, le tout au bénéfice de l’enfant et des familles : voilà mes chers collègues ce dont nous sommes amenés à débattre.
La période de l’enfance est par nature celle qui pose les fondements du devenir de chacun. Les premières années de notre vie donnent le « la » à toutes celles qui suivent. Il en est de même pour les politiques publiques : celles de la petite enfance se répercutent sur toutes les autres, par ricochet, comme vous l’avez indiqué madame la secrétaire d’État. Il nous appartient donc d’être à la hauteur de l’enjeu. Ainsi modifiée, cette proposition de loi renforcera significativement la protection de l’enfant et fera, je l’espère, l’objet d’un large consensus.