Intervention de Philippe Gomes

Séance en hémicycle du 12 mai 2015 à 15h00
Protection de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, protéger les enfants issus de familles que la vie a fragilisées, abîmées, parfois détruites ; leur permettre d’écrire une nouvelle page de leur histoire familiale ; leur offrir un avenir épanouissant : tels sont les objectifs que poursuit la présente proposition de loi.

Les enfants maltraités portent toute leur vie en eux une blessure intime, une souffrance indicible, quand les violences qu’ils subissent ne leur prennent pas jusqu’à la vie. Je n’oublie pas non plus les 440 000 enfants qui ont basculé dans la pauvreté depuis 2008. Ces enfants de la crise sont en première ligne face à la précarité. En ces circonstances particulières, j’ai naturellement une pensée pour les enfants de l’outre-mer, où la crise sévit encore plus durement qu’en France métropolitaine.

Face à ces drames, il faut nous interroger, comme cette proposition de loi nous y invite, avec lucidité et exigence, sur la protection de l’enfance, politique publique essentielle, qui concerne près de 300 000 jeunes pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance, et à laquelle les départements consacrent chaque année 7 milliards d’euros, soit environ 20 % de leurs dépenses d’action sociale. Il faut aussi nous interroger sur notre capacité à protéger les enfants des situations de maltraitance, en ayant conscience, il faut l’assumer et le dire, que si un travail formidable est accompli par de très nombreux acteurs de l’aide sociale à l’enfance, des dysfonctionnements persistent, qui parasitent trop souvent l’efficacité de notre action et que l’on ne peut nier.

Nous devons également nous interroger sur le fonctionnement des acteurs de la protection de l’enfance et sur la coordination de leurs actions. Il serait inacceptable de rester passifs quand des enfants continuent de mourir sous les coups de parents violents, et ce alors même que les situations familiales sont connues. Il arrive, alors que de telles situations ont été identifiées ou signalées, que notre prise en charge publique ne permette pas de sauver la vie de celles et ceux qui sont maltraités, menacés.

Il faut nous interroger, enfin, sur la place de l’enfant dans notre société. Nous le savons tous : la solidité de notre cohésion sociale se mesure à l’aune de notre capacité à protéger les plus faibles. C’est même, en quelque sorte, la définition de la civilisation.

La proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à l’examen de l’Assemblée nationale n’est certes pas révolutionnaire. Il n’est pas ici question de mettre en cause l’équilibre de la loi du 5 mars 2007 qui a constitué, depuis la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements, la première réforme d’ampleur de la protection de l’enfance. Pour autant, le présent texte répond à un objectif simple : faire évoluer la loi et les pratiques des professionnels sur certains points précisément identifiés. En effet, sept ans après la promulgation de cette loi, force est de constater que son application se heurte encore à des inégalités territoriales, à des retards et à des carences. J’ajoute qu’elle n’avait pas permis d’apporter de réponse au problème majeur de l’instabilité des parcours des mineurs pris en charge.

Nos collègues sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier ont, à travers cette proposition de loi, qui s’inscrit dans le prolongement d’une mission qui leur avait été confiée, proposé des dispositions utiles. Ces dispositions améliorent la gouvernance nationale et locale de la protection de l’enfance, contribuent à la sécurisation du parcours de l’enfant protégé, et adaptent le statut de l’enfant placé sur le long terme. S’agissant de la gouvernance, il apparaît absolument indispensable de conférer à la protection de l’enfance une impulsion nationale, compte tenu, cela a été dit et répété, du manque de coopération et de la persistance d’un cloisonnement entre les différents secteurs d’intervention.

Dans cette perspective, l’article 1er de la proposition de loi prévoit la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance, chargé de proposer au Gouvernement les grandes orientations nationales de la protection de l’enfance, de formuler des avis et d’évaluer la mise en oeuvre des orientations retenues. Son article 4 prévoit la désignation, dans chaque service départemental de protection maternelle et infantile, d’un médecin référent pour la protection de l’enfance, chargé d’établir des liens de travail réguliers entre les services départementaux, la cellule de recueil des informations préoccupantes et les médecins exerçant dans le département, ainsi, bien sûr, que les médecins de santé scolaire.

Ce dispositif permettra, je le crois, je l’espère, de repérer les situations de négligence, de maltraitance ou de danger avec plus d’efficacité qu’aujourd’hui. Quant aux dispositions relatives à la sécurisation du parcours de l’enfant protégé, je tiens à souligner les avancées permises par le renforcement du rôle du projet pour l’enfant, dont le contenu et les modalités d’élaboration sont mieux définis. Cette proposition de loi permettra en outre de garantir une plus grande stabilité des parcours des enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, en encadrant la possibilité de nombreux changements de lieux d’accueil. Enfin, concernant le statut de l’enfant placé sur le long terme, la proposition de loi systématise la désignation par le juge des enfants d’un administrateur ad hoc, indépendant du service de l’aide sociale de l’enfance, chargé de représenter les intérêts du mineur dans la procédure d’assistance éducative, lorsque ces derniers sont en opposition avec ceux des titulaires de l’autorité parentale.

En outre, le groupe UDI, qui avait porté et défendu une proposition de loi modifiant le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles sur les mineurs, soutient tout particulièrement l’inscription de l’inceste dans le code pénal. En effet, introduire l’inceste dans notre droit en tant qu’infraction à part entière participera à reconnaître enfin la spécificité des violences et des traumatismes endurés par les enfants qui en sont victimes. Il n’était que temps.

Nous partageons largement les objectifs poursuivis par cette proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat. Je tiens cependant à souligner qu’il est bienvenu que notre collègue Erwann Binet n’ait finalement pas déposé son amendement visant à autoriser les couples pacsés ou en concubinage à adopter un enfant. Il nous semble en effet que cette question fondamentale et ses implications majeures ne pouvaient pas être traitées au détour d’un amendement à cette proposition de loi. Une éventuelle modification de la législation relative à l’adoption plénière doit être abordée avec d’infinies précautions, afin de garantir que l’intérêt de l’enfant soit préservé en toutes circonstances. Je pense également aux conséquences de telles évolutions sur l’adoption par le conjoint d’un enfant conçu par procréation médicalement assistée ou par gestation pour autrui, questions qui nécessitent un véritable débat.

L’adoption d’une telle disposition serait venue modifier considérablement cette proposition de loi, qui permet de renforcer les outils dédiés à la protection de l’enfance. Mais dans son équilibre actuel, le groupe UDI soutiendra cette proposition de loi.

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