Si la loi du 5 mars 2007 a constitué une réelle avancée, ses défaillances et insuffisances sont aujourd’hui clairement identifiées : disparités territoriales, absence de pilotage national, manque de coopération des différents secteurs d’intervention, insuffisance des formations dispensées ou encore instabilité des parcours des enfants placés.
Au regard de ce constat partagé, notre groupe approuve les principaux objectifs du texte : améliorer la gouvernance nationale et locale, sécuriser le parcours de l’enfant placé et adapter son statut sur le long terme.
Plusieurs dispositions nous paraissent ainsi nécessaires à l’amélioration du système de protection de l’enfance dans son ensemble. Tout d’abord, nous nous réjouissons que la commission ait rétabli l’article 1erdu texte, qui propose de créer, auprès du Premier ministre, un conseil national de la protection de l’enfance. La création de cette instance de pilotage interministériel répond à la nécessité d’améliorer la coordination entre les différents acteurs ainsi qu’entre l’échelon local et l’État. Une telle instance peut permettre de donner une impulsion nationale à la protection de l’enfance et d’améliorer l’évaluation des orientations ainsi définies.
Devant l’insuffisance de la formation des professionnels, nous sommes également favorables à l’article 2, qui confie aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance la mission de réaliser un bilan annuel des formations continues et de recenser les besoins en la matière. Ce dispositif devrait permettre de parfaire la formation des professionnels, d’une part en veillant particulièrement à la qualité du contenu même des formations, lesquelles sont actuellement insuffisantes en matière de prévention, de repérage et de prise en charge des maltraitances infantiles, et d’autre part en s’assurant de l’effectivité du suivi de ces formations par les professionnels.
Par ailleurs, la désignation dans chaque département d’un médecin référent, prévue à l’article 4, est également une mesure utile pour améliorer la détection des enfants en danger et leur mise à l’abri.
S’agissant des dispositions relatives à la sécurisation du parcours des enfants placés, nous relevons plusieurs améliorations notables. Le renforcement du projet pour l’enfant nous semble ici indispensable, car depuis leur création par la loi de 2007, il faut malheureusement regretter que très peu de projets pour l’enfant aient été élaborés, et que la participation des parents se borne souvent à une signature.
Or le projet pour l’enfant est fondamental pour assurer à la fois un accompagnement individualisé et la participation des parents à la prise en charge. Permettre aux parents et aux professionnels de se mettre d’accord, en y associant l’enfant, pour convenir d’un objectif, d’un calendrier et de moyens est essentiel pour répondre de manière adaptée à chaque situation.
L’article 6 prévoit que le projet pour l’enfant définit les modalités selon lesquelles les actes usuels de l’autorité parentale sont exercés par la personne physique ou morale qui l’accueille, les titulaires de l’autorité parentale étant tenus informés de cet exercice. Cette disposition permettra certainement de lever nombre de difficultés dans la gestion de la vie quotidienne des enfants placés, même si, comme le souligne utilement le Défenseur des droits, elle ne doit pas se traduire par une déresponsabilisation des familles et une rupture du lien lorsque celui-ci est possible.
Nous partageons aussi la volonté de mieux encadrer les changements de famille d’accueil et d’éviter les ruptures répétées dans la vie des enfants placés. Nous considérons dans cet esprit que la proposition de loi devrait insister sur l’importance de veiller au regroupement des fratries, ce qui constitue, comme le souligne le Défenseur des droits dans son avis du 27 novembre 2014, un facteur de stabilité dans la vie de l’enfant placé.
De même, la Défenseure des enfants a souligné à plusieurs reprises l’importance de recueillir également, dans cette hypothèse, la parole du mineur, et de lui faire connaître explicitement si et comment son souhait éventuel ou son avis seront ou non suivis.
Si le texte contient plusieurs dispositions très positives, comme je viens de l’indiquer, il subsiste néanmoins à nos yeux quelques insuffisances.
Nous regrettons ainsi que la prise en charge des mineurs isolés étrangers ne soit pas traitée. Ces enfants particulièrement vulnérables doivent bénéficier de la protection prévue par les dispositions nationales et internationales, indépendamment de leur situation au regard des règles de séjour. En effet, comme le souligne le Défenseur des droits, un mineur seul et étranger arrivant en France, sans représentant légal sur le territoire, sans proche pour l’accueillir, est par définition un enfant en danger et doit relever à ce titre du dispositif de la protection de l’enfance.
Dans cet esprit, il est indispensable au regard des situations d’exploitation que connaissent certains mineurs, en particulier les mineurs isolés étrangers, de prévoir un accompagnement adapté.
Comme le souligne d’ailleurs le plan d’action national contre la traite des êtres humains présenté en conseil des ministres le 14 mai 2014, le traitement judiciaire des mineurs victimes de la traite, qui sont souvent contraints à commettre des délits, nécessite un hébergement adapté : « Les mineurs bénéficieront de dispositifs d’accueil et d’hébergement qui permettront leur éloignement géographique aux fins de les soustraire aux personnes qui les exploitent. » Il nous paraît essentiel que ce nouveau dispositif soit effectivement et rapidement mis en oeuvre. C’est d’ailleurs le sens d’un amendement que nous avons déposé.
Par ailleurs, nous saluons l’adoption par commission d’un article interdisant l’évaluation de l’âge de ces enfants à partir de tests osseux, dont la fiabilité est remise en cause par la communauté scientifique et dont les conséquences sont potentiellement désastreuses pour les enfants. C’est pourquoi nous nous opposerons à l’amendement du Gouvernement qui revient sur cette interdiction stricte au profit d’une autorisation sur décision de l’autorité judiciaire.
Enfin, nous ne pouvons manquer de souligner le silence du texte sur la question des moyens humains et financiers, notamment ceux consacrés à la prévention. Je pense en particulier aux services de la PMI – protection maternelle et infantile – qui manquent cruellement de moyens. Or, sans les moyens nécessaires, plusieurs dispositions du texte risquent de rester lettre morte. Dans un contexte de réduction drastique des budgets des collectivités territoriales, le risque d’accroissement des disparités territoriales est bien réel.
C’est pourquoi nous aurions aussi souhaité, pour notre part, que le texte réaffirme à tout le moins le rôle central de l’État, seul à même de garantir l’égalité de traitement de toutes les familles et de tous les enfants sur le territoire et d’assurer la cohérence du système.
Pour conclure et en dépit de ces quelques limites, vous l’aurez compris, les députés du Front de gauche voteront cette proposition de loi, qui constitue une amélioration réelle et importante de notre système de protection de l’enfance.