Intervention de Claude Greff

Séance en hémicycle du 12 mai 2015 à 15h00
Protection de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Greff :

Je veux avant tout saluer le travail accompli par nos collègues sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini, à l’origine de cette proposition de loi.

La politique de protection de l’enfant a connu de très belles avancées dans le cadre de la loi du 5 mars 2007, mais il est essentiel que les évolutions que nous allons adopter soient centrées en priorité sur l’enfant. Dans notre société qui connaît beaucoup d’instabilité, l’accompagnement des parents en grande difficulté doit bien sûr être notre priorité, mais pour moi, la protection de l’enfant doit être une obligation. Aucun milieu n’est épargné par ces difficultés sociétales. L’intérêt supérieur de l’enfant, qu’il soit physique ou moral, doit être la considération déterminante de nos décisions, car les enfants sont sans défense.

Le principe no 2 de la déclaration des droits de l’enfant, adoptée par l’assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1959, est très clair : l’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale. C’est en ce sens, madame la secrétaire d’État, que je vous propose de modifier l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles pour réaffirmer très clairement que le premier but de cette proposition de loi est de protéger avant tout l’enfant, et en second lieu, bien sûr, d’accompagner les parents pour que l’enfant se sente bien au sein du domicile. Notre devoir est de faire en sorte que les enfants soient en sécurité, parfois même en les retirant temporairement à leurs parents dans les cas les plus graves.

J’ai souvent remarqué que des décisions prises en matière de protection de l’enfance étaient fondées sur un parti pris consistant à soutenir avant tout les parents, quand ils rencontrent des difficultés à assumer leur rôle, et à leur laisser leurs enfants. On estime souvent qu’il est nécessaire de soigner simultanément parents et enfants en cas de problème, que ce soit ensemble ou séparément. Mais pendant ce temps, parfois long, pense-t-on suffisamment à l’enfant, qui peut continuer à subir des maltraitances ? Dans certains cas graves où les parents sont en grande difficulté, l’enfant peut naître au mauvais moment et parfois même se considérer comme étant à l’origine de leurs soucis. Et là, la maltraitance s’installe parfois, voire souvent.

Je lis trop souvent, dans de trop nombreux rapports, qu’il faut vraiment que les éléments soient d’une gravité suffisante pour séparer une mère et son enfant, ou alors que la présence physique de l’enfant peut aider à la reconstruction de la famille, ou encore qu’il faut faire un travail avec la mère afin qu’elle admette cet enfant au sein de la famille.

Mais pendant ce temps, que devient l’enfant ? Je me méfie de cette vision souvent idéaliste qui prétend qu’une famille peut faire un travail de construction uniquement en lien ou en présence de l’enfant.

Je sais que retirer, même momentanément, un enfant de son enceinte familial est une décision difficile à prendre. Cependant, elle doit être prise rapidement quand l’enfant est en danger. Il y a des situations où bien souvent cet enfant ne fait déjà plus partie de l’histoire de la famille qui d’ailleurs continue sans lui.

Cette mesure paraît radicale, mais elle est nécessaire face au nombre d’infanticides et à la violence des faits divers que nous connaissons tous, hélas. Il faut rappeler les chiffres qui sont effrayants : chaque année, 41 000 enfants de moins de quinze ans dans le monde sont victimes d’homicides. Ce n’est pas supportable.

Lorsque l’on sait que la situation familiale ou personnelle du parent ne pourra pas permettre à l’enfant de retourner durablement dans sa famille et que le placement devra être de longue, voire de très longue durée, nous devons permettre à cet enfant de construire son avenir en étant adopté par une autre famille même si les parents donnent de temps en temps quelques nouvelles.

Les faits nous démontrent que les enfants maltraités devenus adultes sont davantage exposés à des comportements physiques ou psychologiques qui les conduisent, malheureusement, à commettre les violences qu’ils ont subies.

Un protocole pour la protection de l’enfance sera établi dans chaque département. C’est, selon moi, une bonne avancée, madame la secrétaire d’État, mais il ne pourra être efficace que si nous créons en même temps un coordinateur départemental. Cela s’inscrit dans le même esprit que l’instauration du médecin référent qui assure la coordination de toutes les actions du personnel médical. Le coordinateur départemental pourra être celui qui coordonne toutes les actions.

Je vous propose de créer cette fonction afin que tous les services qui agissent dans le cadre de la protection de l’enfance puissent avoir un seul interlocuteur. Le coordinateur sera également visible pour toutes les personnes – les voisins, par exemple – qui veulent faire un signalement, mais qui ne savent pas à qui s’adresser. Alerter oui, mais qui ? C’est la question que de nombreuses personnes se posent.

Nous avons peur de nous tromper ou de faire du tort aux gens que l’on connaît, nos voisins. Alors que faire ?

Le premier réflexe est de nous adresser aux adultes qui s’occupent de l’enfant. C’est là une grave erreur. Ensuite, 12 % préviennent les services sociaux, 5 % la police et 1 % appelle le 119. D’où les hésitations à intervenir auprès des services sociaux et le sentiment de lenteur de ces services.

Cette complexité fait reculer les gens et c’est désastreux pour l’enfant. Ce coordinateur permettra de saisir en une seule fois les services concernés et surtout, madame la secrétaire d’État, il pourra assurer le suivi du dossier de l’enfant. Son rôle est non pas de supplanter la responsabilité de la justice ou des forces de polices, des opérateurs sociaux et des associations, mais de faire en sorte que ce plan soit mis en application en amont et en aval de la prise de décision du placement de l’enfant.

Évidemment, vous connaissez mon attachement à la cause des enfants. Il ne faut plus avoir d’hésitation sur la mise en sécurité des enfants en danger. Il faut que ce texte permette plus de clarté, plus de fermeté et surtout qu’il soit adopté. Nous devons travailler ensemble avec rapidité pour le bien-être des enfants. Voilà le rôle de cette proposition de loi relative à la protection de l’enfant.

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