Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, ma collègue Gilda Hobert étant intervenue sur les amendements que nous avons déposés, permettez-moi de revenir sur quelques notions qui ont fait débat en commission des affaires sociales.
Ce texte sur la protection de l’enfant est un texte important qui simplifie le système tout en gardant comme point de mire l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais c’est aussi l’occasion, madame la secrétaire d’État, de lancer de nouvelles réflexions sur ce qu’est l’adoption.
Entre abandon ou délaissement, la société vit le plus souvent aujourd’hui l’adoption comme un échec. Je crois donc sincèrement qu’il faut que nous changions de paradigme pour aborder l’adoption d’un autre point de vue : un point de vue nouveau faisant fi des sempiternelles réflexions se fondant sur une idée répandue, mais ô combien fausse, qui serait que la famille, même si elle est recomposée, doit garder un lien avec le biologique.
Parce qu’au final, si l’adoption est certes un acte juridique, c’est, du point de vue de la société, bien plus que cela.
Avec ses collègues, avec ses amis, et même avec ses enfants biologiques, on doit finalement s’adopter les uns les autres pour vivre ensemble, pour vivre tout simplement. Sans adoption de l’autre, il n’y a pas de lien social.
Et quid du père biologique, lui qui n’a pas porté l’enfant pendant neuf mois ? Son premier contact avec le bébé ne serait-il pas aussi de l’ordre d’une adoption ?
Il faut que nous comprenions que si l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la base de toute réflexion sur l’adoption, cet intérêt doit l’être également concernant la parentalité. Je parle de toutes les parentalités, qu’elles soient de nature biologique ou qu’elles relèvent des liens du coeur.
Oui, la femme peut porter un enfant pendant neuf mois et devenir mère. Cependant, la femme qui n’a jamais porté d’enfant et qui est mère existe elle aussi.
C’est cette femme qui est doublement pénalisée : elle ne peut pas vivre de grossesse et elle est considérée souvent comme « inaccomplie ».
Elle doit en outre prouver toutes ses bonnes volontés, ses qualités, étaler son compte en banque, répondre aux divers entretiens, attendre, espérer, attendre encore pour, malheureusement, souvent être déçue. Sera-t-elle une bonne mère ? Pourra-t-elle subvenir aux besoins de son futur enfant ? Saura-t-elle l’aimer comme si c’était la chair de sa chair ?
Finalement, si toutes ces questions restent importantes, puisque l’État doit, mais également veut s’assurer du meilleur pour l’enfant, notons que pour les autres parents, les géniteurs, ces questions ne sont abordées que partiellement dans le cadre de la contraception.
En effet, dans ce cas le plus courant, l’État ne vient en renfort que lorsque la situation familiale de ces enfants vivant avec leurs parents biologiques est problématique et que ces enfants se retrouvent dans des situations intolérables.
C’est peut-être pour cela que tout ce qui entoure l’acte d’une adoption pose un problème plutôt inconscient pour chacun d’entre nous : une adoption ne serait que le passage intermédiaire entre un abandon ou un délaissement et un futur hypothétique visant la perfection pour l’enfant, alors que l’on sait tous qu’en matière d’éducation parentale, la perfection n’existe pas.
Dès lors, il est de notre devoir de réfléchir à une réforme de l’adoption qui ne se fait que trop attendre, une réforme où l’adoption serait considérée non pas comme l’atténuation d’un échec, mais davantage comme une nouvelle base positive pour une meilleure vie, améliorant celle de l’enfant adopté, tout en répondant au souhait de parentalité des adoptants.
J’entends bien le discours sur les difficultés que certains adoptés doivent surmonter. Cette proposition de loi apporte des éléments de réponse qui vont dans le bon sens.
On parle peu, il est vrai, de l’adoption quand elle réussit. Or elle réussit bien plus qu’on peut le penser. Les enfants dits déracinés doivent être soutenus, aidés et mieux compris. Il existe aussi d’autres enfants adoptés qui ne cherchent pas leurs parents biologiques, qui n’ont pas obligatoirement cette quête, laquelle peut parfois tourner à l’obsession. Ces enfants-là vivent leur adoption comme une chance ; ils en font un atout, une force – j’en connais. Au final, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nos racines peuvent aussi se trouver là où l’on décide de bien vouloir les planter.