Intervention de Marie-Françoise Clergeau

Séance en hémicycle du 12 mai 2015 à 15h00
Protection de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Clergeau :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la protection de l’enfant que nous nous apprêtons à examiner a une histoire – oserais-je dire une « filiation » ? – particulièrement riche.

Elle résulte à la fois des débats internes à la majorité actuelle et de l’idée, dès 2012, d’un projet de loi très large sur la famille. Mais elle est également issue de réflexions émanant de plusieurs groupes politiques qui ont constaté la nécessité de faire évoluer la précédente loi de 2007. Récemment, elle a connu d’autres développements très concrets qui permettent aujourd’hui sa discussion en séance.

Ces développements sont le fruit de la mission d’information conduite par les sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini qui a abouti au dépôt de la présente proposition de loi qui, je le rappelle, a été initialement cosignée par soixante-dix sénatrices et sénateurs des groupes centriste et socialiste.

La proposition vise à améliorer le dispositif de la loi du 5 mars 2007. Il ne s’agit donc pas de défaire puis de refaire, mais plutôt de compléter, d’intégrer ce qui a changé.

En 2007, la loi prévoyait l’élaboration d’un « projet pour l’enfant », un PPE. Or l’on constate qu’en 2015, ce PPE n’est élaboré que pour 10 % des enfants. Le travail des deux assemblées sur l’article 5 va permettre de définir plus précisément le contenu et la construction du PPE.

En 2007, les présidents de conseils généraux ont été confortés comme chefs de file de la protection de l’enfance. Il s’agit aujourd’hui, avec le titre Ier, d’améliorer la gouvernance pour rendre plus efficace et cohérent le travail de tous les intervenants.

En 2007, il fallait mettre l’accent sur le maintien ou la reconstruction du lien parental. Aujourd’hui, il s’agit de réintroduire l’intérêt de l’enfant.

La substitution, à l’article 18, de la notion de « délaissement parental » à celle d’« abandon » est l’une des dispositions visant à préserver cet intérêt de l’enfant. Un jugement d’abandon est toujours plus difficile et long à obtenir alors que le délaissement ouvrira la voie à des solutions d’adoption dans des délais plus courts.

Les tiers qui concourent au développement de l’enfant doivent pouvoir disposer d’une assise législative pour exercer leurs prérogatives. La reconnaissance de ces tiers ayant des liens affectifs avec l’enfant est devenue une évidence pour beaucoup d’entre nous.

Ce n’est pas pour autant que la présente proposition de loi, enrichie par les amendements dont nous allons débattre, opposerait la famille à l’enfant, jouerait l’intérêt de l’enfant contre le lien familial. Au contraire, elle permet d’articuler les deux, de façon pragmatique et réaliste.

Le travail de notre assemblée doit donc permettre de rétablir certaines dispositions supprimées par le Sénat. Il est en effet dommage, par exemple, que la seule mesure favorable à l’adoption simple qui reste après le passage au Sénat soit celle de l’article 16, c’est-à-dire une mesure fiscale !

Le travail de notre assemblée permettra aussi, je l’espère, de rétablir la définition de l’inceste dans le code pénal. C’est l’objet d’un amendement qui, je crois, rencontre des échos favorables sur les bancs de plusieurs groupes de cette assemblée. Cette définition énumère précisément les « membres de la famille » concernés comme l’avait exigé le Conseil constitutionnel en 2011 pour satisfaire au « principe de légalité des délits et des peines ». Il est en effet important de pouvoir nommer ces souffrances si singulières subies par les victimes.

La proposition de loi relative à la protection de l’enfant est attendue par les professionnels, dont le travail est souvent très difficile, ainsi que par les associations qui oeuvrent avec les services départementaux et la justice pour la protection de l’enfance. Mais elle est d’abord attendue par celles et ceux qui sont passés par l’Aide sociale à l’enfance – ASE. L’un de ces enfants devenu adulte a d’ailleurs dit, au cours de son audition, son étonnement de constater que « les choses ont peu changé ».

C’est donc à nous de saisir l’occasion de répondre utilement à ces 300 000 jeunes pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. C’est à nous de réformer les dispositifs existants pour que les quelque 7 milliards d’euros consacrés par les départements à l’ASE – troisième poste de leurs dépenses sociales – soient encore plus efficaces. Bref, c’est à nous de faire une place à l’intérêt de l’enfant dans la loi, pour que ces enfants puissent trouver toute leur place dans notre République.

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