Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, la protection de l’enfance c’est pénétrer dans la sphère intime, dans la famille et son intimité. Plus qu’ailleurs, les dogmes, les visions idéologiques crispent les débats. L’État a mis du temps avant d’investir ce que certains considèrent encore comme un espace privé.
La place de l’enfant, dans la famille comme dans la société, a beaucoup évolué. La France, et nous devons nous en féliciter, a souvent fait partie des pays pionniers en matière de reconnaissance de l’enfant comme un individu à part entière et qui doit avoir toute sa place au sein de la société. Nous sommes à un moment propice pour faire évoluer notre législation, donc les pratiques.
Des rapports récents sont venus enrichir cette réflexion, certains émanant de professionnels du droit, de la psychologie ou de l’éducation. Le rapport de nos collègues parlementaires Muguette Dini et Michelle Meunier a aussi été un formidable atout qui nous a permis de confronter notre législation et les pratiques. Aujourd’hui, la loi de 2007 a huit ans : nous pouvons donc en identifier non seulement les forces, mais aussi les faiblesses. Grâce à ces constats précis et exhaustifs, nous pouvons mieux cerner ce qui doit encore être fait.
Dans votre intervention liminaire, lors de l’examen du texte au Sénat, vous avez mis en avant, madame la secrétaire d’État, la notion de « meilleur intérêt de l’enfant ». En vous référant à cette notion, qui s’appuie sur les valeurs portées par la Convention internationale des droits de l’enfant, vous soulignez ce qui nous permettra de mener une politique de protection de l’enfant encore plus pertinente et surtout efficace.
Mais nous devons être particulièrement vigilants afin d’éviter que des visions dogmatiques ou idéologiques ne s’immiscent profondément dans nos débats. N’opposons pas frontalement ce que l’on voudrait voir comme l’intérêt de l’enfant qui s’opposerait à celui des parents. Nous observons que certains expriment la crainte d’une judiciarisation excessive, tandis que d’autres considèrent que le pouvoir administratif doit être limité car il est à l’origine de dérives.
Soyons attentifs à conserver le « meilleur intérêt de l’enfant » comme une vigie. Ayons à l’esprit qu’il s’agit ici d’enfants, de familles, donc de situations à chaque fois différentes. Et n’oublions pas que si certaines familles demandent un accompagnement, d’autres n’acceptent pas celui qui leur est imposé.
La protection de l’enfant concerne non seulement des enfants en danger, victimes de maltraitance, mais aussi des enfants dont la famille est défaillante, pour des raisons variées – problèmes sociaux, parents atteints d’un handicap mental. Il y a des enfants victimes de mauvais traitements, de négligences, mais aussi des enfants, ne l’oublions pas, qui se mettent en danger eux-mêmes.
Nous devons faire en sorte que leurs rêves, leurs ambitions pour le futur, ne soient pas obscurcis par une enfance marquée par une famille défaillante ou absente.
Il ne faut pas non plus oublier qu’il n’y a pas que des difficultés sociales. Les problématiques médicales, le plus souvent psychologiques ou psychiatriques, doivent absolument être traitées correctement. Cela passe évidemment par une meilleure détection et par la prévention des pathologies qui peuvent toucher ces enfants.
Nous devons assurer à chaque enfant, à chaque famille en difficulté, le même soutien, le plus en adéquation possible avec ses besoins. Nous devons garantir l’égalité de la prise en charge à tous les enfants, quelles que soient les difficultés auxquelles ils font face, et quel que soit leur lieu de résidence.
Le texte que nous examinons aujourd’hui apporte, je crois, des réponses à ces manquements. J’insisterai sur quatre points.
La désignation dans chaque département d’un médecin référent « protection de l’enfance » permettra notamment de renforcer la coordination en matière d’informations préoccupantes.
Le constat d’un manque de coordination et souvent d’un cloisonnement des pratiques fait également consensus. En valorisant une approche pluridisciplinaire, notamment dans l’élaboration du projet pour l’enfant, ce texte permettra d’adapter au plus près de ses besoins la prise en charge proposée à chaque enfant.
Les dispositions qui valorisent et encouragent l’adoption simple sont, il me semble, de vraies avancées.
Enfin, la question de l’avenir des jeunes majeurs issus de la protection de l’enfance, nous le savons, est problématique. L’extension de la protection est possible jusqu’à vingt-et-un ans, mais les disparités de prise en charge entre les départements sont immenses. L’accompagnement prévu lors de la seizième année permettra, je l’espère, de ne plus laisser ces jeunes, déjà fragilisés par un parcours difficile, confrontés sans accompagnement à l’autonomie que leur confère leur nouvelle majorité.
Par ailleurs, je ne peux évidemment que saluer les dispositions introduites concernant les mineurs étrangers isolés.
Je terminerai mon propos par quelques mots sur ceux qui font la protection de l’enfance de notre pays : les élus et les professionnels, dont je fais partie. Ils exercent, nous exerçons cette mission de protection de l’enfance avec professionnalisme et engagement, avec la certitude que la société a un devoir envers ces enfants mis en danger : celui de les protéger, en premier lieu, et celui de les accompagner pour qu’ils grandissent et construisent leur avenir dans la sérénité à laquelle ils ont droit comme tout enfant et même, parfois, à leur corps défendant.
Je témoigne ici de l’engagement de ces professionnels, mais je sais aussi les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Vous avez souligné, madame la secrétaire d’État, la pertinence de la création d’un corpus de formation dont pourraient bénéficier tous les acteurs de la protection de l’enfant, quel que soit leur domaine.
La protection de l’enfant s’inscrit au coeur de ce qui a construit notre République. Ses valeurs de fraternité, d’égalité, c’est précisément ce que notre société se doit d’offrir aux plus fragiles d’entre nous. L’enjeu est donc grand, à la hauteur des attentes de ces enfants protégés, de leurs familles et de leur entourage, mais aussi de ceux qui les accompagnent, professionnels et élus.