Intervention de Yves Nicolin

Séance en hémicycle du 12 mai 2015 à 15h00
Protection de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Nicolin :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, chers collègues, nous sommes réunis donc cet après-midi pour traiter de la protection de l’enfant et je me réjouis que notre assemblée se saisisse de ce sujet car l’attente est forte. Il est bon que nous nous penchions régulièrement sur un tel sujet.

Ce texte vient malheureusement un peu tardivement. Il aura fallu huit ans pour qu’il s’inscrive dans la suite de la loi du 5 mars 2007 et de la loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption proposée à l’époque par Michèle Tabarot et moi-même. En dépit de ses bonnes intentions, le texte reste malheureusement insuffisant alors même qu’un long chemin reste à parcourir. À ce titre, j’appellerai votre attention sur deux sujets particuliers, madame la secrétaire d’État : le délaissement de l’enfant et l’incertitude juridique dans laquelle demeurent les enfants sous kafala judiciaire.

Le délaissement est certainement l’une des pires maltraitances que l’on puisse infliger à un jeune enfant. J’avoue donc ne pas comprendre le maintien à un an du délai permettant de constater ce délaissement. Choisir de conserver ce délai, c’est prendre une décision déraisonnable, voire mortifère, qui réduira considérablement les chances pour un enfant délaissé de se reconstruire définitivement grâce à l’adoption dans une nouvelle famille. C’est le père de trois enfants adoptés, président du Conseil supérieur de l’adoption pendant plus de trois ans, fondateur et président jusqu’en 2012 de l’Agence française de l’adoption qui vous l’affirme, madame la secrétaire d’État ! Les études montrent qu’au-delà de six mois les chances de reconstruction d’un enfant de moins de six ans sont minces. C’est pourquoi je proposerai un amendement visant à ramener ce délai d’un an à six mois pour ces enfants, comme c’est le cas en Italie.

Quant à la kafala judiciaire, elle n’est toujours pas reconnue par la France alors qu’elle permettrait à des enfants sans droits de s’inscrire dans un véritable processus familial comme c’est le cas dans plusieurs pays européens dont l’Espagne.

De grâce, madame la secrétaire d’État, agissez sur ces deux points ! Ne nous contentons pas de la circulaire de Mme la garde des sceaux du 22 octobre dernier qui constitue une avancée mais ne va pas assez loin et laisse beaucoup de nos compatriotes dans l’incompréhension ! Elle ramène en effet à deux ans le délai à partir duquel ces enfants peuvent devenir français mais laisse entière une discrimination au sujet de laquelle droite et gauche doivent s’entendre pour agir.

La protection de l’enfant est un sujet qui nous passionne tous ici. Nous soutiendrons cette proposition de loi, mais elle nous laissera un goût amer, comme un goût d’inachevé car il faudra attendre au mieux cinq ans pour aboutir à de nouvelles décisions. Je salue votre soutien à ce texte d’origine parlementaire, madame la secrétaire d’État, mais ne considérez pas votre tâche comme achevée ! Les enfants attendent encore beaucoup de nous et par conséquent de vous !

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