Intervention de Laurence Abeille

Réunion du 6 mai 2015 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir organisé cette table ronde. Il ressort des interventions très éclairantes que nous avons entendues que l'empoisonnement des abeilles est un fait avéré, qui ne se limite pas seulement aux occupantes des ruches : l'empoisonnement touche également les sols, l'eau, l'ensemble de l'environnement et l'homme lui-même. La démonstration sans appel qui nous a été faite soulève une question : pourquoi n'a-t-on rien, ou quasiment rien fait depuis des années ? Les « mesurettes » qui ont été prises ne prennent absolument pas en compte la toxicité extrême des néonicotinoïdes.

Combien de temps encore allons-nous laisser les études s'accumuler ? Une étape importante a eu lieu avec l'adoption de l'amendement de Delphine Batho et Gérard Bapt dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la biodiversité, et je veux y voir le signe que les parlementaires ont la volonté d'avancer enfin sur le plan politique – j'en profite pour remercier Martial Saddier d'avoir soutenu cet amendement, que j'avais également déposé.

Cela dit, avancer signifie interdire : à un moment donné, on ne peut plus se contenter de transiger. Le représentant de la FNSEA a commencé son intervention en parlant du varroa. Or, chacun sait aujourd'hui que si les abeilles sont devenues si sensibles à ce parasite, c'est en raison de leur affaiblissement provoqué par les néonicotinoïdes : pour sauver les abeilles, il faut donc bien commencer par interdire l'utilisation des pesticides qui les fragilisent.

Sur le plan économique, je veux rappeler que l'utilisation des néonicotinoïdes n'a procuré aucune amélioration des rendements, comme l'a démontré l'Agence européenne pour l'environnement sur les rendements du tournesol et du maïs entre 1995 et 2007 – il n'a pas été noté de modification des rendements entre la période où le Gaucho était autorisé et celle où il a été interdit. Dès lors, je me demande qui a intérêt à ce que les néonicotinoïdes continuent à être utilisés. Les agriculteurs sont les premiers à s'empoisonner avec ces produits, mais ils ne sont pas les seuls à être touchés, car ils contaminent également les eaux et les sols, et tout le monde finira par être malade – sans parler de la gravité du problème posé par la perte des insectes pollinisateurs.

Disons-le, ce sont les firmes de l'agrochimie qui, depuis des années, imposent à l'agriculture d'être chimique plutôt que naturelle. Selon moi, il faut faire en sorte que l'agriculture se fasse sans chimie, ce qui ne l'empêchera pas de continuer à produire et d'obtenir de bons rendements. Pour cela, les méthodes alternatives doivent être encouragées, et nous disposons d'ores et déjà de techniques de cultures non chimiques, mais efficaces, qui ne sont pas suffisamment mises en valeur, notamment dans le cadre des formations dispensées aux agriculteurs. Tout est fait pour que ceux-ci n'aient pas vraiment le choix de leurs modes de culture, et ne soient pratiquement jamais encouragés à pratiquer une agriculture propre. Au-delà d'une interdiction des néonicotinoïdes, nous aurons donc également à relever le défi consistant à répandre dans les esprits l'idée qu'il est possible de pratiquer une agriculture sans chimie.

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