Intervention de Dr Jean-Marc Bonmatin

Réunion du 6 mai 2015 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Dr Jean-Marc Bonmatin, membre de la /task force/ internationale sur les pesticides systémiques, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS :

Je ne vous étonnerai pas si je vous dis que je suis favorable à l'augmentation des financements destinés à la recherche. Mais de quelle recherche parle-t-on ? Des alternatives aux pesticides existent déjà, et elles sont efficaces. On a démontré, à de nombreuses reprises, sur différentes cultures que seulement 5 % des usages des néonicotinoïdes étaient utiles, c'est-à-dire que les rendements ne sont pas plus faibles en l'absence de néonicotinoïdes ou de pesticides. Ayant compris cela, on peut augmenter la part du financement de la recherche sur les alternatives adaptées à la France, car celles qui fonctionnent très bien en Italie seront plus difficiles à appliquer sur notre territoire en raison de ses spécificités.

Vous nous avez demandé si c'était bien la masse de pesticides appliquée qui était le paramètre pertinent, ou leur toxicité. Vous avez raison : il vaut mieux mettre un peu plus d'un pesticide peu toxique plutôt que quelques nanogrammes d'un pesticide qui serait, comme dans l'exemple des néonicotinoïdes, 8 000 fois plus toxique que le DDT.

Le plan triennal a le mérite d'exister. Cela dit, il faut aller plus loin dans la réduction des intrants, c'est-à-dire des produits chimiques, car c'est le sens de l'histoire et la condition d'une agriculture durable.

On a dit que le Japon était le mauvais élève de la planète en matière de pesticides, mais il faut savoir que nous sommes à la troisième place derrière ce pays et les États-Unis ! C'est sans doute une question culturelle, car nous sommes aussi sur le podium mondial pour la consommation de psychotropes. Il semble qu'on ait tendance, dans notre pays, à recourir à la chimie pour tout résoudre, quand bien même il existe des alternatives. (Rires).

Il est faux de dire que si l'on interdisait les néonicotinoïdes, les substances qui arriveraient sur le marché risqueraient d'être encore plus toxiques. L'histoire montre en effet que l'on a commencé par utiliser des pesticides extrêmement toxiques pour la santé humaine et que, à cause des catastrophes que cela a provoqué, ils le sont maintenant de moins en moins. Le problème, c'est qu'on les utilise de plus en plus ! Pour peu que l'on ait un peu de mémoire, on ne devrait plus commettre les erreurs du passé avec les nouveaux pesticides qui pourraient être proposés sur le marché. Je suis même persuadé que, que si l'on interdisait aux firmes qui les produisent de les vendre, elles en proposeraient d'autres, bien meilleurs pour l'environnement, car elles tiennent à gagner de l'argent.

Il existe un certain nombre de méthodes alternatives connues et éprouvées. Il suffit de les développer et de les appliquer chez nous. J'ai sous les yeux un article qui montre qu'une méthode alternative a très bien marché pour le maïs en Italie et pour l'agroforesterie au Canada. Or ce sont deux cas extrêmement différents.

Nous considérons que, dans l'immense majorité des cas, l'utilisation des néonicotinoïdes n'est pas utile et ne se justifie que dans des cas extrêmes, c'est-à-dire lorsque les autres méthodes alternatives n'ont pas porté leurs fruits.

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