Intervention de Jean-François Chadelat

Réunion du 4 décembre 2012 à 16h30
Commission des affaires sociales

Jean-François Chadelat, président d'honneur du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie :

Les caisses d'allocations familiales traitent les ressources déterminant l'éligibilité au RSA socle et les transmettent dorénavant aux caisses primaires qui peuvent ainsi étudier directement les demandes de CMU.

S'agissant du chiffre des bénéficiaires de la CMU de base et de la CMUc, ce sont deux ensembles qui ne coïncident pas totalement. Je rappelle que la CMU de base est la voiture-balai de la sécurité sociale, alors que la CMUc est une complémentaire santé : parmi les 2 millions de bénéficiaires de la CMU de base, entre 50 000 et 60 000 personnes, dont les ressources excèdent le plafond, paient une cotisation. Mais, il est exact qu'un grand nombre des affiliés à la CMU de base perçoivent également la CMUc, puisque, par exemple, les bénéficiaires de la CMU de base sont, pour trois quarts d'entre eux, allocataires du RSA socle. À l'inverse, certains bénéficiaires de la CMUc ne sont pas affiliés à la CMU de base parce qu'ils ont des revenus d'activité ou des pensions de retraite qui les font relever d'un autre régime de base. Ceux-ci sont alors des assurés sociaux classiques, que rien ne distingue dans la masse de la population affiliée au régime général.

Une étude de la CNAMTS a montré que les pauvres souffraient de davantage de pathologies et de surmortalité que le reste de la population. Il est, en revanche, difficile de déterminer si c'est la pauvreté qui cause la maladie ou si c'est le contraire. Ces personnes sont davantage sujettes à l'alcoolisme, au tabagisme, à la mauvaise alimentation et vivent dans des conditions d'hygiène dégradées ; elles auraient donc particulièrement besoin de prévention, alors que leur situation les contraint souvent à être négligentes par rapport à leur santé. Des actions sont conduites : les centres d'examen de santé de la sécurité sociale accueillent ainsi 17 % de bénéficiaires de la CMU, qui ne représentent que 6 % à 7 % de la population totale.

Le coût moyen d'un bénéficiaire de la CMUc pour la CNAMTS est de 444 euros par an. Prenant en charge les personnes les plus malades qui ne sont pas couvertes par une mutuelle ni a fortiori par une compagnie d'assurances ou une institution de prévoyance, elle doit supporter une dépense supérieure à celle que doivent engager le régime social des indépendants (RSI) ou la Mutualité sociale agricole (MSA) pour leurs adhérents. Bien que le Fonds CMU reverse la totalité de ses excédents à la CNAMTS, cela ne suffit pas à couvrir le coût de la CMU qu'elle supporte. Les organismes offrant une complémentaire santé aimeraient récupérer une partie de ces excédents et tentent de faire adopter des dispositions législatives en ce sens, ce qu'elles ne sont, heureusement, pas parvenues à faire jusqu'à présent.

Les crédits alloués au Fonds CMU étaient inscrits, avant le vote de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dans un chapitre budgétaire et bénéficiaient d'une subvention d'équilibre supérieure à 1 milliard d'euros. La direction du budget du ministère de l'économie et des finances n'a eu de cesse de vouloir diminuer les engagements de l'État. Ainsi, cette subvention a été réduite à due concurrence de l'augmentation progressive de la contribution des organismes de complémentaire santé, qui est passée de 1,75 % du chiffre d'affaires – ce qui générait un produit compris entre 150 et 200 millions d'euros – à 2,5 %, puis à 5,9 %. De 2009 à 2012, le Fonds CMU a même été exclusivement financé par la contribution des complémentaires santé. Le 1er janvier 2011, cette dernière, assise sur le chiffre d'affaires hors taxes des organismes complémentaires, est devenue une taxe dont le taux a été porté à 6,27 % TTC. J'ai regretté ce changement de dénomination, car la contribution marquait la participation de ces établissements à la solidarité qu'ils professent, alors que la taxe est d'une nature différente et a été, en outre, répercutée sur les cotisations des clients.

Un autre moyen utilisé par l'État pour diminuer son concours budgétaire – inscrit au programme 183 de la mission « Santé » – a été d'allouer au Fonds CMU une partie des taxes sur le tabac puis sur l'alcool ; lorsque le fonds est devenu trop excédentaire, cette source de financement – dont l'inconvénient principal réside dans la variabilité de son affectation – a été transférée à la CNAMTS. Lors de la discussion du projet de loi de financement pour 2013, la taxe sur les boissons sucrées devait en partie abonder le Fonds CMU, mais celle sur le tabac lui a été substituée par amendement. Son produit devrait s'élever à 360 millions d'euros.

Les organismes qui assurent la gestion de la CMU sont indemnisés par le Fonds CMU sur la base de 370 euros par bénéficiaire. Ce montant permettait à la MSA et aux autres organismes de complémentaire santé de ne pas perdre d'argent, au RSI d'en gagner, mais il engendrait un déficit de 74 euros par assuré pour le régime général. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 crée un dispositif complexe : il prévoit un remboursement au réel – et non plus forfaitaire – avec un plafond, fixé par décret, qui passera de 370 à 400 euros. Cela va occasionner pour le Fonds CMU un travail supplémentaire considérable puisqu'il va devoir vérifier les dépenses de 434 organismes complémentaires – contre 12 actuellement –, sous peine d'encourir les critiques de la Cour des comptes. Or le fonds ne dispose que de 9,1 employés à temps plein et son budget annuel de fonctionnement est inférieur à 1 million d'euros. Pour l'ACS, le Fonds CMU verse une aide de 100 euros par an et par bénéficiaire pour les moins de 16 ans, de 200 euros pour les personnes âgées de 16 à 49 ans, de 350 euros pour celles entre 50 et 59 ans et de 500 euros pour celles de plus de 60 ans.

En ce qui concerne les personnes sans couverture complémentaire, il faut revenir à la définition de l'assurance, qui consiste à se prémunir contre un risque dont on serait incapable d'assumer les conséquences. Parmi ceux qui ne disposent pas de complémentaire santé – environ 7 % à 8 % de la population –, certains, en bonne santé ou croyant l'être, estiment ne pas en avoir besoin, d'autres pratiquent en quelque sorte une « auto-assurance » et beaucoup disent ne pas en avoir les moyens. Tous ces cas se retrouvent chez les jeunes, dont beaucoup sont par ailleurs des ayants droit de leurs parents.

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