Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 5 mai 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Je suis très heureuse, monsieur le ministre, que vous ayez répondu favorablement à notre invitation à venir vous exprimer dans le cadre de cette audition conjointe de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques.

C'est la septième audition d'un membre du Gouvernement préalable à une réunion du Conseil des ministres de l'Union européenne, dans le cadre de la nouvelle procédure instituée d'un commun accord entre le président Claude Bartolone et le Premier ministre, et qui permet à l'Assemblée nationale de disposer d'informations en amont du Conseil et d'en débattre. Trois sujets sont inscrits à l'ordre du jour de celui-ci.

D'abord, il abordera la question du partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership, TTIP). Ces négociations commerciales suscitent beaucoup d'interrogations, notamment au sein de notre assemblée. Le neuvième round s'est achevé le 24 avril 2015 mais l'un des problèmes majeurs – le mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs – reste entier. Ce mécanisme repose sur un arbitrage privé. Ce type de dispositif remonte aux années 1950, quand il fut institué à l'initiative des pays européens, pour protéger leurs investissements dans les pays où l'état de droit n'est pas respecté. Mais ce n'est le cas ni en Europe aujourd'hui, ni aux États-Unis ou au Canada. Dans ces conditions, je m'interroge donc personnellement sur l'utilité de ce mécanisme d'arbitrage, dont les conséquences sur le droit des États à réguler m'inquiètent, comme elles inquiètent d'ailleurs le Parlement européen et de nombreux acteurs de la société civile, en France et en Europe.

Quant à la Commission européenne, elle souhaite conserver le mécanisme, tout en l'améliorant. La commissaire Malmström a formulé des propositions en ce sens, qui seront examinées lors de ce Conseil. Elle nous en a parlé le 15 avril dernier, au cours de son audition par notre commission. Bien que la commissaire s'exprime dans un français parfait, ses propositions ne m'ont guère rassurée. Quelle est, monsieur le ministre, la position de la France sur le mécanisme et sur les propositions de la commissaire ? Quelle est la position américaine ?

Par ailleurs, les négociations sur le TTIP interviennent au moment de la préparation de la Conférence de Paris sur le Climat (COP21). Or, le changement climatique n'apparaît pas dans leur ordre du jour, pas plus qu'il n'entrait dans le champ de l'accord économique et commercial global (CETA) avec le Canada. La France peut-elle encore introduire des propositions à ce sujet ?

Le second sujet à l'ordre du jour du Conseil de jeudi est la dixième conférence interministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui se tiendra à Nairobi en décembre 2015. Le Conseil des Affaires étrangères « Commerce » fera le point sur les négociations en cours, qui visent à clore le cycle de négociations de Doha, lancé en 2001, et dont l'enlisement avait précisément conduit l'Union européenne et les États-Unis à multiplier, de préférence aux accords multilatéraux, des accords bilatéraux de libre-échange. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu'un accord soit envisageable en décembre ? Si oui, à quelles conditions pour notre pays ? Puisque ce sommet se tiendra en Afrique, l'Union européenne ne pourrait-elle au demeurant revisiter ses accords de partenariat économique avec l'Afrique de l'Ouest, notamment dans leur volet agricole, pour mieux soutenir le développement de ces pays, dans le contexte d'immigration et de détresse humaine que nous connaissons actuellement ? Je rappelle que l'on déplore quarante morts aujourd'hui encore en Méditerranée.

Les enjeux commerciaux du partenariat oriental constituent le troisième sujet à l'ordre du jour de la réunion du Conseil. Ce partenariat rassemble six États postsoviétiques, notamment trois voisins immédiats de l'Union – l'Ukraine, la Moldavie et la Biélorussie – et les trois pays du Caucase du Sud – la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Seuls trois États s'inscrivent encore aujourd'hui dans la logique initiale. Le partenariat va bien au-delà des questions commerciales, puisqu'il vise à soutenir les efforts des pays concernés en matière de réformes politiques, sociales et économiques afin de renforcer la démocratisation et la bonne gouvernance, la sécurité énergétique, la protection de l'environnement et le développement économique et social.

Ce partenariat comporte toutefois un volet commercial important via des accords de libre-échange signés en 2014 avec l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. De tels accords sont certes favorables au commerce. Mais quels enjeux représentent-ils au regard des relations avec la Russie, comme du règlement des crises qui affectent aujourd'hui l'Ukraine, et peut-être demain la Moldavie ?

Au-delà des principaux points à l'ordre du jour du Conseil, mes collègues vous interrogeront sans doute sur des sujets d'actualité, tels que l'accord CETA avec le Canada, le projet d'accord sur le commerce des services (Trade in Services Agreement, TiSA) ou encore la mise en oeuvre des accords de libre-échange avec le Pérou ou avec la Colombie, dont certains effets pervers n'apparaissent qu'aujourd'hui.

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