Intervention de Marwan Lahoud

Réunion du 6 mai 2015 à 9h00
Commission des affaires économiques

Marwan Lahoud, président d'Airbus Group SAS, directeur général délégué d'Airbus Group :

Le troisième principe qui vaut au sein de la filière est qu'aucune réduction de coût ne vaut la mort d'un sous-traitant.

Ces trois principes étant énoncés, l'exécution se fait au cas par cas mais, en ma qualité de président du Gifas, et ayant écouté le médiateur, qui est indépendant, je crois pouvoir dire que les relations sont plutôt meilleures au sein de la filière aéronautique que dans d'autres filières. Airbus compte 11 000 sous-traitants ; nous faisons vivre ces entreprises, qui sont en majorité très petites.

Le groupe bénéficie chaque année d'un crédit impôt recherche compris entre 100 et 120 millions d'euros, à rapporter à 3,4 milliards d'euros de recherche autofinancée et à 2 milliards d'investissements industriels, soit 5,4 milliards d'euros en tout ; c'est une excellente chose et il ne faut pas toucher à cette disposition. Dans son principe, le CICE est une bonne idée, mais ce crédit étant assis sur les rémunérations dont le montant n'excède pas 2,5 Smic, la mesure n'a presque aucun impact pour l'industrie aéronautique, où les salaires sont élevés. Nous préférons bien rémunérer nos compagnons, nos techniciens et nos ingénieurs, et nous n'aurons pas le CICE. Il représente quelque 40 millions d'euros par an pour le groupe ; rapporté à notre masse salariale, ce montant a l'épaisseur d'un trait de plume – et il suffit que la participation aux bénéfices de l'entreprise versée aux salariés augmente un peu pour qu'il soit effacé. Cela vaut pour l'ensemble de la filière. De plus, ajoutera le président du comité Aéro-PME du Gifas si vous l'interrogez, le groupe Airbus dispose de l'escouade de comptables qui saura répondre aux questions de l'administration fiscale, mais ce n'est pas le cas des petits sous-traitants confrontés à un contrôleur du fisc tatillon venu leur dire que telle dépense n'est pas véritablement une dépense de recherche.

Quelque 80 % de nos 3,4 milliards d'euros d'investissements en R&D visent à abaisser le niveau des émissions polluantes et du bruit. Je ne prétendrai pas qu'il s'agisse d'une recherche désintéressée : un avion qui consomme moins pollue moins et il est aussi plus économique pour une compagnie aérienne, si bien qu'il se vendra mieux.

Après que j'ai pesté pendant des années contre un euro trop fort, il serait malvenu que je ne me dise pas complétement satisfait de la baisse de la monnaie européenne ou, au choix, de la hausse du dollar. Mais, parce que nous avons dû accumuler les couvertures de change pour atténuer l'impact de ce déséquilibre persistant, nous ne bénéficierons de l'effet positif de cette inflexion que dans 12 à 18 mois, à supposer que l'euro se maintienne à son taux actuel face au dollar ; le taux de change entre les deux monnaies est volatil.

L'A400M est un très bon avion et les 875 défauts rendus publics par la presse allemande constituent un niveau de défectuosité assez normal. Ayant commencé ma carrière par des contrôles de ce type, je sais d'expérience que pour l'équipe de professionnels chargés de réceptionner l'appareil, une éraflure de la peinture est un défaut, comme l'est un moteur qui ne fonctionne pas. Il faut, sans se laisser impressionner par le nombre, distinguer les défauts selon qu'ils empêchent l'avion de voler ou de fonctionner ou qu'ils traduisent une inadéquation avec la commande passée. L'A400M vole, il fait la guerre tous les jours avec les armées de l'air française et turque, et il participe à l'action humanitaire de la Royal Air Force. L'armée allemande a reçu son premier A400M ; les difficultés dont il est fait état sont des difficultés normales de mise en service, et je vous invite à vous référer à ce sujet à l'entrée en service d'appareils militaires antérieurs. Elle est toujours beaucoup plus complexe que pour les aéronefs civils, ce qui explique les standards successifs ; on n'a pas toutes les capacités d'emblée.

Cela étant, nous rencontrons des difficultés, nous accusons des retards et nous en assumons les conséquences. M. Tom Enders a présenté ses excuses à nos clients, nous avons provisionné nos comptes pour assumer les coûts à venir de ce fait et nous respecterons nos engagements. Mais l'ingénieur en aéronautique qui sommeille en moi vous le redit, l'A400M est un avion très bien né. Une fois les péchés de jeunesse amendés, je suis confiant sur le fait qu'il se vendra et rendra des services dans le monde entier. Nous menons d'ailleurs des campagnes à l'exportation prometteuses au Moyen Orient, en Asie et en Amérique latine.

Il est exact que les ventes de l'A380 connaissent une stagnation car nous ne perçons pas sur certains marchés. Nous nous sommes fixés des objectifs très ambitieux en Asie, notamment en Chine, avec une activité commerciale intense ces derniers temps, et je suis assez optimiste. L'avion a aujourd'hui la maturité suffisante pour rendre possibles des percées commerciales.

Tout avionneur s'attache en permanence à la sécurité aérienne par la recherche et en analysant les données recueillies lors des vols. Un accident aérien est impressionnant parce que beaucoup de gens meurent en même temps mais l'avion reste le moyen de transport le plus sûr qui soit. Nous améliorons tous les jours l'interface entre l'homme et la machine et nous nous employons à anticiper tout ce qui peut l'être en tirant les enseignements des accidents qui, malheureusement, se produisent. Nous faisons des propositions, mais le sujet est complexe car il concerne aussi les États et les compagnies aériennes, avec lesquels nous travaillons main dans la main.

La presse allemande ayant allégué l'écoute d'EADS et d'Eurocopter par les services secrets germaniques à la demande de la NSA, nous avons déposé plainte contre X pour protéger nos droits et avoir accès au dossier. Nous avons été frappé que seule notre entreprise soit citée. Je n'en sais pas davantage.

Comme tout grand exportateur, nous préférons le libre-échange au protectionnisme. Nous sommes donc extrêmement soucieux que le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement ait pour effet l'ouverture réelle des frontières. Nous avons vu Boeing défendre son territoire, comme nous aurions défendu le nôtre, quand il s'est agi de fournir des avions ravitailleurs à l'armée de l'air américaine ; il ne faudrait pas que le futur partenariat ne soit qu'un faux-semblant. Si la compétition est réellement ouverte, nous ne la craignons pas ; c'est ce que nous disons aux négociateurs européens.

Au sein de l'ONERA, membre du Gifas, des chercheuses et des chercheurs continuent de faire de grandes avancées, au-delà des seules souffleries. L'industrie est attachée à la permanence de la contribution de l'Office à la recherche amont, la main dans la main avec nos équipes de chercheurs. Nous l'avons fait savoir aux pouvoirs publics, nous avons indiqué les axes de recherche qui pourraient servir l'industrie aéronautique et spatiale, et nous travaillons avec le président de l'ONERA à bien définir l'articulation entre recherche aéronautique publique et recherche aéronautique privée.

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