Intervention de François Lamy

Réunion du 4 décembre 2012 à 16h15
Commission des affaires économiques

François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville :

Comme l'a indiqué la Cour des comptes, monsieur Tardy, il y a en effet trop de zones, qui se superposent et dont certaines ont d'ailleurs perdu toute réelle pertinence – ainsi les zones de redynamisation urbaine. La réforme de la géographie urbaine prioritaire, préparée par l'ancien gouvernement – qui avait pour ce faire missionné M. Gérard Hamel, président de l'ANRU –, a été abandonnée en 2009 pour être reportée, sur décision du Premier ministre d'alors, à la fin de 2014. Le Gouvernement, lors du conseil des ministres du 22 août, a décidé de la reprendre : une nouvelle géographie prioritaire, fondée sur des critères objectifs, sera donc proposée à la fin du mois de janvier prochain, à l'issue de la concertation en cours, avant d'être soumise à un comité interministériel des villes au début du mois de février. Elle trouvera ensuite sa traduction législative dans un texte relatif à l'égalité des territoires ou au logement, avant la fin du premier semestre de 2013.

Grâce à la circulaire du Premier ministre du 30 novembre dernier, je signerai des conventions avec les différents ministères concernés, l'enjeu étant, comme le souligne la Cour des comptes, de mobiliser le droit commun dans les quartiers concernés par la politique de la ville. Celle-ci n'a pas vocation à se substituer aux politiques d'emploi, d'éducation ou de sécurité : elle doit plutôt en être un levier. J'en veux pour preuve, outre l'action interministérielle, les conventions que mon ministère signera avec des agences et des opérateurs de l'État. L'une d'entre elles, par exemple, vise à assurer une présence pérenne des agents de Pôle emploi dans les zones urbaines sensibles.

Le ministère de l'intérieur a choisi les zones de sécurité prioritaires en concertation avec le ministère de la ville. Il s'agit maintenant de définir les conditions d'une action cohérente de ces deux ministères, ainsi que du ministère de la justice, en matière de prévention et de répression. Bref, la mobilisation interministérielle est totale, la circulaire définissant un cadre très précis et concret pour les conventions. Certes, il faudra bousculer un peu les habitudes de certaines administrations, qui n'ont pas pour habitude de territorialiser leurs interventions.

Même si les futurs contrats devront conjuguer rénovation urbaine et cohésion sociale, l'ANRU et l'ACSÉ ont des rôles très différents et ne sont pas de taille comparable. Je ne suis donc pas favorable à leur rapprochement. La meilleure solution, à mon sens, est de modifier l'ACSÉ, en la rapprochant notamment du Secrétariat général du Comité interministériel des villes (SG-CIV), afin de disposer d'un outil plus musclé. Dans le cadre du dialogue interministériel en cours, l'objectif est d'avoir un outil mieux adapté aux besoins du terrain, notamment dans les départements.

Sur l'évaluation de l'action des associations, je ne partage pas l'avis de la Cour des comptes. Depuis dix ans, les associations ont vu leurs crédits diminuer de 15 à 30 %, quand elles n'ont pas disparu. Certaines d'entre elles oeuvrent sur le terrain depuis des années, et de façon remarquable. La logique bureaucratique qui consiste à leur demander de faire leurs preuves chaque année est néfaste, car elles ont avant tout besoin de visibilité. Dans cette optique, j'ai donné pour consigne aux administrations placées sous ma responsabilité de privilégier les conventions pluriannuelles d'objectifs, lesquelles seront de toute façon évaluées. J'ajoute que cette logique d'évaluation trop systématique cantonne l'ACSÉ à un rôle purement administratif, alors qu'il devrait être d'animation sociale.

Mon projet, monsieur Pupponi, est que la contractualisation intervienne au niveau intercommunal, avec un co-pilotage du préfet même si le maître d'oeuvre de la politique de la ville reste évidemment le maire. Une difficulté demeure, toutefois, en région Île-de-France où les intercommunalités sont souvent trop petites et ont parfois été créées par rejet de l'autre. On ne résoudra pas les problèmes sociaux à Clichy-sous-BoisMontfermeil ou à GrignyViry-Châtillon, par exemple, tant que ces collectivités fonctionneront en vase clos. Il faudra donc adopter là d'autres périmètres pour la contractualisation. Je souhaite en tout cas que le projet de loi dit « Duflot 2 » contienne des mesures en faveur de la mixité sociale, avec des règles d'attribution des logements sociaux plus claires.

La durée des nouveaux contrats sera celle du mandat municipal, à savoir six ans. Aux objectifs nationaux en termes d'emploi, d'éducation, de sécurité de santé ou de culture – celle-ci étant à mes yeux un puissant outil d'animation dans les quartiers –, seront adjoints au niveau local des objectifs plus précis.

Le désenclavement, qui passe par le développement des transports collectifs, est un enjeu majeur qui, malheureusement, n'a pas été reconnu comme tel jusqu'à présent.

La question des emplois francs sera traitée dans le cadre du texte relatif aux contrats de génération. Les expérimentations pourront ainsi commencer dès le 1er mars prochain dans les quatre villes que j'ai citées, choisies en raison de la diversité de leur taille et de leur degré de dynamisme économique. J'ai obtenu de Bercy que ces emplois soient financés par une partie des sommes correspondant aux exonérations de cotisations patronales dans les ZFU, dont l'extinction est programmée. Mais il faudra bien évidemment vérifier que le dispositif ne génère pas d'effets pervers.

Le soutien au développement économique dans les quartiers ne peut se limiter à des dispositifs d'exonération fiscale : il passe aussi, par exemple, par le désenclavement. J'ai souhaité, et l'Assemblée m'a suivi, que la Banque publique d'investissement se dote rapidement d'une stratégie spécifique en la matière. M. Jean-Pierre Jouyet en est d'ailleurs tout à fait d'accord. Nous allons donc faire en sorte, non seulement de soutenir les initiatives qui ont fait leurs preuves, mais aussi de les généraliser, ce qui a trop peu été le cas jusqu'à présent.

Le terme de « dézonage » n'est pas approprié, madame Allain : l'objectif est de redéfinir le zonage actuel en fonction d'une nouvelle géographie prioritaire. Plutôt que de zones, je préfère au demeurant parler de territoires, ce qui ouvre la possibilité d'une action plus cohérente et globale, sans frontières coupant des rues en deux – et n'interdira pas de consacrer davantage de moyens à certains.

Le désenclavement et les transports collectifs doivent faire partie de la politique de la ville, je le répète ; mais l'État n'a pas à se substituer aux collectivités, qui auront à trouver les solutions adéquates dans le cadre des contrats, qu'il s'agisse de l'ouverture de nouvelles lignes de bus ou, par exemple, d'aides à l'obtention du permis de conduire.

La concertation avec les habitants s'engagera à partir du mois de janvier prochain, à travers quatre forums dédiés. Il conviendra cependant, après la tenue du comité interministériel, de mettre en place des instances de dialogue permanentes. À l'échelon de la commune ou du département, voire de la région ? Cela reste à décider mais, en tout état de cause, aucune opération de rénovation urbaine ne peut réussir sans l'assentiment des populations. Les ralentissements ou les blocages ne sont pas toujours dus, en effet, à des raisons techniques.

Mon objectif, monsieur Chassaigne, n'est pas d'aller chercher de nouveaux financements, mais de mobiliser ceux des administrations et opérateurs de l'État, afin de diriger les politiques publiques vers les quartiers qui en ont besoin. La Cour des comptes ne dit pas autre chose, d'ailleurs, lorsqu'elle relève qu'à la rentrée 2011, l'académie de Créteil a accueilli 4 000 élèves de plus et perdu 400 postes, quand celle de Paris, qui n'a accueilli que 1 000 élèves supplémentaires, s'est vu attribuer 20 postes de plus. L'objectif des conventions passées avec les ministères comme des contrats locaux est d'inverser ces logiques, à travers la mobilisation de toutes les ressources de droit commun – de l'État, de ses opérateurs et de toutes les collectivités.

Les opérations décidées dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) ne sont pas davantage remises en cause, puisque le budget de ce programme est assuré pour les trois prochaines années : il atteint 44 milliards d'euros, dont seulement la moitié avait été financée lorsque j'ai pris mes fonctions.

Qu'il convienne de mener à leur terme les programmes laissés inachevés ne fait pas de doute : je sais que, dans certains quartiers où les opérations ont commencé très tôt, les habitants ne comprennent pas pourquoi tel secteur a été rénové et pas tel autre. Il importe d'autre part de préserver une ingénierie constituée à grand-peine. Reste que tout cela a un coût, et qu'il faudra donc débattre, l'an prochain, des financements nécessaires à de nouvelles opérations. Je suis évidemment ouvert à toutes les idées, dans un contexte budgétaire contraint.

S'agissant des copropriétés dégradées, une convention a été signée entre mon ministère, celui du logement, la région Île-de-France et l'Agence foncière d'Île-de-France, pour la mise en oeuvre d'un plan en faveur du Bas Clichy. Cette expérimentation nous servira à définir les outils législatifs qui vous seront sans doute proposés dans le cadre du projet de loi « Duflot 2 ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion