Intervention de Hubert Carré

Réunion du 13 mai 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Hubert Carré, directeur général du CNPMEM :

À la suite du Grenelle de l'environnement et du Grenelle de la mer, auxquels elle a activement participé, la profession de pêcheur a en effet fait sa révolution culturelle. Les jeunes ont désormais compris que c'est un métier qui tire sa richesse de son contact avec le milieu.

Deux malentendus restent cependant à lever. Le premier voudrait que le pêcheur soit l'ennemi ou le destructeur de la biodiversité. En réalité, il est celui qui puise dans la biodiversité pour la transformer en nourriture, car sa vocation, comme celle de l'agriculteur, est de nourrir les hommes.

On a d'autre part rendu le consommateur schizophrène, en lui suggérant qu'il vide les océans en mangeant du poisson, mais qu'il peut en même temps être en carence d'oméga 3 s'il n'en consomme pas. Dans ces conditions, il est difficile pour lui d'arriver à un équilibre. Aussi le CNPMEM a-t-il créé France Filière Pêche et la marque « Pavillon France », qui donne au consommateur des repères de qualité. En développant une expertise plus forte, France Filière Pêche soutient également la bonne gestion des stocks halieutiques.

Il faut en effet accompagner l'expertise scientifique. La politique commune de la pêche encadre strictement l'activité par la définition de quotas et de totaux admissibles de capture (TAC) qui sont fixés chaque année. Or les pêcheurs sont les premiers à observer les changements du milieu. Il y a dix ans déjà, ils constataient les effets du changement climatique, se révélant des auxiliaires précieux pour l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER). Ainsi, la campagne Pelgas de l'IFREMER permet d'évaluer les stocks d'anchois disponibles. La pêche en avait été interdite pendant quelques années. Par un accord avec l'IFREMER, la profession a participé aux dernières campagnes à bord du navire La Thalassa. La pêche a pu rouvrir à l'issue de ces campagnes communes. Le cas de la langoustine dans le golfe de Gascogne fournit un autre exemple. Cette pêche importante sur la façade atlantique demande elle aussi une expertise plus fine.

La profession a participé au Grenelle de l'environnement comme au Grenelle de la mer. Elle participe à la Conférence environnementale et siège au Conseil national de la transition écologique, mais suit aussi avec beaucoup d'attention les travaux parlementaires relatifs au projet de loi sur la biodiversité. Elle est associée à la définition des programmes Natura 2000 en mer comme à l'élaboration des documents d'objectifs, participant également aux comités régionaux et nationaux de Natura 2000.

La filière est confrontée à d'autres défis, le moindre d'entre eux n'étant pas… l'absence de chômage. Car, au vu des besoins constatés, les jeunes qui veulent devenir marins pêcheurs ne sont pas assez nombreux, tandis que les bateaux manquent pour reconquérir la zone du large, la flotte de pêche se concentrant actuellement sur la bande des douze milles nautiques. Sur cette zone, le pêcheur a cessé d'être le premier utilisateur de la mer ; d'autres usages se sont développés, qui risquent de faire de la pêche une simple variable d'ajustement. Nous militons donc en faveur d'une planification des usages en mer, que la Commission européenne appelle précisément de ses voeux.

La profession s'emploie également à la capitalisation des savoirs scientifiques. Nous recueillons des données empiriques complémentaires du savoir scientifique, notamment sur les stocks de bar. Depuis trois ans, cela a permis une meilleure gestion de la ressource en poissons de cette espèce.

Rappelons que la France est largement dépendante des importations pour couvrir sa demande intérieure en poissons et en produits de la mer, qui n'a jamais été aussi forte. Elle s'élève actuellement à 34 kilogrammes par an et par habitant. Les besoins alimentaires constituent donc un défi pour la profession, alors que la flotte de pêche a perdu 500 navires, parmi lesquels de nombreux navires hauturiers. Des quotas accordés aux pêcheurs français restent ainsi inutilisés. En tout état de cause, la France ne parviendra pas à une autosuffisance en matière de poissons et de de produits de la mer.

Pour reconquérir la zone du large, il faut recruter des jeunes sur des navires hauturiers. Cela suppose que la profession amorce un changement de modèle économique. M. le secrétaire d'État Alain Vidalies réfléchit aux conditions de recrutement dans la pêche française. Notre comité a publié une feuille de route stratégique sur le navire du futur. Un groupe de travail examine en ce moment ces deux documents. Mais le nerf de la guerre, pour construire des bateaux de 24 mètres qui coûtent environ trois millions d'euros, c'est bien sûr les ressources financières. Or les banques rechignent à octroyer des prêts.

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