La notion de patron de pêche-propriétaire embarqué est en effet révolue, au moins pour la pêche hauturière.
Notre comité représente tous les pêcheurs, qu'ils soient embarqués sur des bateaux de moins de douze mètres ou de plus de douze mètres. Le groupe de travail qui s'est penché à la fois sur notre feuille de route stratégique et sur le rapport Suche et Deprost sur le renouvellement de la flotte de pêche souligne que la France est en attente de produits qui permettent la pêche au large, c'est-à-dire de bateaux de plus de vingt-quatre mètres et de moins de trente-cinq mètres.
Cette question est liée à celle de l'attractivité du métier. Les jeunes ne veulent pas monter sur un bateau qui a vingt-sept ans d'âge, pas plus qu'un jeune agriculteur serait séduit par l'idée de travailler avec une moissonneuse-batteuse du même âge. Les jeunes souhaitent des cabines séparés, des bateaux plus confortables et moins bruyants. Seuls des bateaux neufs peuvent leur offrir ces conditions de travail. Aussi nous efforçons-nous de faire comprendre à la Commission européenne que la taille des bateaux est indifférente au volume de la pêche, puisque celle-ci est soumise à des quotas. Les autorités communautaires refusent pour le moment d'entendre cet argument.
Traditionnellement, la famille se portait caution des investissements ou le patron de pêche s'engageait sur ses biens propres. Mais les banques ne veulent plus de ce système. Aussi faut-il renforcer l'attractivité du métier et du secteur en y amenant des investisseurs extérieurs.
Mais l'interdiction des rejets et la perspective d'une couche réglementaire supplémentaire chaque année peuvent faire peur à ces investisseurs. Celle-ci part certes de l'idée honorable de mettre fin au gâchis alimentaire. L'interdiction des rejets s'applique à la pêche pélagique depuis le 1er janvier 2015 ; elle sera étendue aux autres espèces à partir de l'an prochain. Mais la mise en oeuvre de cette interdiction suppose de garder les rejets à bord des bateaux, ce qui induit la nécessité de navires plus grands, nous ramenant au problème de la jauge… C'est la quadrature du cercle.
En tout état de cause, le partage de l'expertise entre les professionnels et les scientifiques donne une meilleure vue de l'état des stocks. Ainsi, la ressource en poisson s'établissait au niveau du rendement maximum durable (RMD) pour trois espèces seulement il y a dix ans, tandis qu'elle atteint aujourd'hui cette valeur pour cinquante espèces. Dans le même temps, le commissaire européen Vella se montre de plus en plus sensible à une approche pluriannuelle de la définition des quotas, en faveur de laquelle nous nous battons depuis dix ans.