Intervention de Hubert Carré

Réunion du 13 mai 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Hubert Carré, directeur général du CNPMEM :

Les petits métiers sont représentés au Comité national : les bateaux de moins de douze mètres représentent 80 % de la flotte, 80 % de nos adhérents et aussi 80 % des commissions et des groupes de travail. Certaines personnes ont refusé de se présenter aux élections, par refus de l'étiquette syndicale – or celle-ci est obligatoire. Nous les avons rencontrés, ils n'ont pas voulu en démordre, et maintenant ils nous font un procès…

Les pêcheurs ne sont pas du tout opposés aux nouveaux usages en mer, dès lors que ceux-ci ne nuisent pas à leur activité. C'est le cas pour l'éolien offshore : nous avons approuvé les deux premiers appels d'offre ; en revanche, nous venons d'écrire – ce qui a provoqué une certaine émotion – une lettre à Mme la ministre Ségolène Royal pour nous opposer à l'ouverture d'un troisième appel. Nous estimons qu'il faut attendre et dresser des bilans : commençons par construire les parcs marins déjà décidés…

Quant à l'extraction de granulats, c'est une activité dont le développement nous inquiète beaucoup, notamment dans la perspective du maintien de la qualité des eaux. Les nutriments qui viennent de la terre sont importants, mais les larves se fixent sur des cailloux, des graviers, du sable : les fonds marins sont donc un élément essentiel. Plusieurs réunions se sont tenues avec les grandes sociétés d'extraction de granulats, et autant un accord est possible sur la question de l'éolien en mer, autant celle-ci est conflictuelle. Les industriels nous disent qu'ils ne prélèveront qu'une très fine couche du sol marin ; nous leur demandons d'imaginer ce que produirait le prélèvement des 30 premiers centimètres de terre dans le vignoble bordelais ou champenois… C'est un argument qui ne leur plait pas du tout.

Nous sommes également préoccupés par le projet Natura 2000 en mer. Le problème ici n'est pas franco-français, mais européen. Natura 2000 est la solution trouvée par les Britanniques pour renationaliser leurs eaux et faire partir les pêcheurs français qui jouissaient de droits historiques dans les eaux anglaises... En France, nos inquiétudes se concentrent sur le Golfe de Gascogne. Nous ne sommes pas opposés au projet, mais il ne doit pas concerner des zones immenses et pénaliser 40 % chiffre d'affaires de certaines flottilles. Nous sommes donc sur ce point en conflit avec le Gouvernement.

En matière de communication, nous nous efforçons de renforcer l'attractivité de notre métier et de faire connaître ses réalités – ainsi, nous avons décidé de dire tout haut qu'en 2013 et en 2014, un matelot a touché en moyenne de 3 000 euros. Eh oui, c'est un métier difficile, avec des contraintes fortes, mais où l'on gagne bien sa vie ! Mais nos moyens sont faibles, bien plus faibles en tout cas que ceux de certaines ONG financées par des fondations américaines – des sommes astronomiques auraient été dépensées pour attaquer la pêche lors de la mise en place de la PCP. Nous nous battons comme nous pouvons, en vous rencontrant, en utilisant internet et les réseaux sociaux, en réalisant des plaquettes d'information...

La pêche de plaisance fait partie des nouveaux usages en mer. Elle a fait l'objet d'un travail après le Grenelle de la mer, sous le parrainage du Gouvernement. Concrètement, les choses ne se passent pas bien, tout est extrêmement conflictuel, d'autant qu'il existe cinq fédérations de pêcheurs plaisanciers qui sont en désaccord entre elles. Le cas du bar est emblématique : il est dommage d'en arriver à de telles extrémités. Le bar comme le maquereau ont une importance économique réelle. Nous demandons pour notre part un meilleur encadrement de la pêche de plaisance, avec au minimum une obligation de déclaration pour ces deux espèces, afin de permettre une meilleure évaluation des stocks. C'est en cours de discussion.

Le gaspillage ne fait jamais plaisir aux professionnels. Dans le domaine de la pêche, il est en partie dû à la réglementation communautaire – je pense par exemple aux règles relatives à la composition des captures détenues à bord. La France a joué un rôle moteur pour toiletter cette réglementation et lutter contre le gâchis. Nous avons notamment – depuis longtemps – mis en place des programmes de sélectivité, avec la maxime qu'il vaut mieux trier « sur le fond que sur le pont ». Les résultats sont satisfaisants, puisque nous atteindrons les objectifs fixés par l'Union européenne – il est vrai que ceux-ci ne sont pas plus exigeants que ceux que nous nous sommes nous-mêmes fixés depuis une dizaine d'années.

S'agissant du projet européen d'interdiction des filets dérivants, sujet de grande préoccupation, nous nous étonnons du silence des ONG, qui disent défendre les petits métiers, alors que ceux-ci subiraient de plein fouet cette interdiction, en métropole mais aussi en Guyane et en Martinique. Ce serait même leur arrêt de mort ! Nous estimons qu'il faut rejeter définitivement cette proposition. Mais nous craignons que les remèdes soient pires que la proposition initiale de la Commission... Nous sommes donc extrêmement attentifs à ces questions. On nous a reproché de ne représenter que les grands armateurs : cette question montre que nous défendons aussi les intérêts des petits métiers.

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