Intervention de Jean-Paul Huchon

Réunion du 4 décembre 2012 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Île-de-France :

Vous m'avez interrogé, monsieur le président Jean-Paul Chanteguet, sur l'opportunité d'un péage urbain. Le maire de Paris serait favorable, je crois, à l'instauration d'un péage pour les poids lourds sur les autoroutes urbaines menant à Paris, mais il s'est toujours opposé à l'idée d'un péage urbain à l'entrée de la capitale. Ma position est la même. À Londres, je n'ai pu observer aucune amélioration de la circulation depuis que la ville a adopté ce système. Le montant du péage y est exorbitant : 12 livres par jour, et l'on envisage de le faire passer à 20 livres, ce qui pénalisera encore plus les particuliers. Bref, c'est principalement pour une raison d'ordre social que je suis très opposé à cette idée.

Soulignant l'urgence qu'il y a à améliorer le quotidien, M. Alexis Bachelay remarque que la gouvernance donne l'impression de faire perdre du temps. Ce n'est plus tout à fait le cas.

Lorsque je suis arrivé en 1998, les rapports entre la région et les entreprises étaient réduits à leur plus simple expression. On nous demandait de temps en temps de l'argent mais, pour le reste, on nous ignorait. Les élus n'avaient pas voix au chapitre et étaient tenus dans un mépris assez déplaisant. La situation a beaucoup changé grâce au système de contractualisation établi entre, d'une part, le STIF et, d'autre part, la RATP, la SNCF ou, notamment dans la Grande couronne, les entreprises concessionnaires de transports.

Les contrats de type 2 que nous adoptons maintenant comprennent des obligations strictes de qualité. Le STIF convoque régulièrement les PDG de ces entreprises. Récemment, M. Pierre Mongin s'est expliqué longuement devant nous sur les problèmes – dont ceux de la ligne 13 – rencontrés par la RATP. Nous recevrons demain M. Guillaume Pepy et le futur président de RFF. Je me réjouis à cet égard que la région d'Île-de-France soit désormais représentée au conseil d'administration de RFF alors qu'elle avait été écartée de tous les conseils d'administration des entreprises de transports à l'occasion de la loi sur le Grand Paris.

Les obligations contractuelles sont très précises et les contrôles du STIF sont sévères. Le temps où le bon fonctionnement d'une ligne pouvait compenser les retards sur une autre est révolu. La surveillance s'effectue ligne par ligne et les malus augmentent. Celui de la RATP pourrait s'élever cette année à plus de 10 millions d'euros et celui de la SNCF, qui n'arrive pas aux mêmes résultats en termes de régularité, à bien plus.

M. Alexis Bachelay a également évoqué la réforme ferroviaire. Il s'agit, si j'ai bien compris, de revenir à un opérateur unique comme dans le système allemand. Cela mérite d'être tenté.

C'est à M. Loïc Le Floch-Prigent, président de la SNCF pendant quelques mois, que revient l'initiative de la partition de l'établissement pour faire face à une dette de 20 milliards de francs. En tout cas, il avait eu l'idée d'une caisse autonome d'amortissement pour porter la dette, mais, comme l'actionnaire principal, à savoir l'État, n'a pas donné à RFF les moyens de résorber la dette, les investissements n'ont pas été faits. Nous avons signé une convention avec RFF pour récupérer en investissements ce que nous payons au titre des péages, contre un tiers seulement auparavant, d'autant que la région Île-de-France est la seule à payer sur la base des coûts complets. Il était difficile au STIF de faire mieux que ce qu'il a fait.

Il est très désagréable de voir les délais s'allonger. Les chantiers du tramway de Paris, eux, sont toujours à l'heure parce que la Ville de Paris est une autorité unique : c'est un avantage. Pour le tramway Châtillon-Vélizy, il a fallu que la région se mette d'accord avec deux conseils généraux. De plus, certains maires avaient des exigences et il a fallu négocier, au détriment du délai de réalisation.

Je suis décidé à sanctionner plus durement les opérateurs. Ainsi, la fameuse Tangentielle Nord Sartrouville-Noisy-le-Sec, qui figurait au contrat de plan en 1999, ne sera pas livrée en 2016 comme prévu, mais en 2018. Pourquoi ? Parce que les opérateurs n'ont pas mis les moyens nécessaires dans l'ingénierie. Il faut définir précisément les projets très en amont, de façon à éviter les surprises, qui ne sont pas seulement d'ordre financier. Le temps est long, en effet. Le prolongement de la ligne 13 jusqu'à Montrouge a été inscrit au contrat de plan en 1999-2000 et il va être inauguré dans quelques mois. Ce n'est pas normal. Ce n'est pas un problème de gouvernance, mais un problème de rapports avec les opérateurs.

Les grands projets, ils savent faire, mais au quotidien, ils ont du mal à venir à bout des problèmes de caténaires ou de feuilles qui tombent sur les rails à l'automne. Il faut vraiment que les entreprises s'attachent à satisfaire la clientèle et à informer les voyageurs. À cet égard, les derniers incidents survenus sur le RER B sont scandaleux. Comme on n'a rien dit, les passagers, rendus presque fous, sont descendus sur les voies et il n'a plus été possible de faire quoi que ce soit. Nous avons pourtant financé un schéma d'information des voyageurs qui a coûté des centaines de millions d'euros ! Il faudrait que les sanctions soient plus fortes, bien que je convienne que les opérateurs sont capables de grandes choses. Je me souviens être allé à une convention de cadres de la SNCF auxquels j'ai expliqué que l'information des voyageurs était une tâche importante, mais ils m'ont répondu que ce n'était pas leur métier. M. Guillaume Pépy et les autres font de gros efforts pour faire changer la culture d'entreprise mais l'argent ne fait pas tout.

Cela dit, les contrats ont du bon. La réforme ferroviaire pourra aussi améliorer les choses d'autant que l'une des entreprises, RFF, a utilisé l'autre en lui faisant faire la moitié du travail qui lui revenait.

Une transformation en EPIC simplifierait le fonctionnement du STIF et lui permettrait de déléguer davantage ses compétences à des autorités déconcentrées. J'y suis favorable mais je ne vous cache pas qu'il sera difficile de vaincre les réticences de la direction du STIF. Il s'agit d'une grosse entité, où l'affectio societatis est forte et qui ne renoncera qu'à contrecoeur à certaines prérogatives. Une loi faciliterait la transformation.

Le STIF est sous-évalué par rapport à d'autres. Je n'en dirai pas plus sur les écarts de salaire entre les personnels du STIF et ceux de la SGP. La directrice du STIF est la femme la plus puissante de France, depuis que Mme Anne Lauvergeon a quitté Areva ; on lui proposait d'être payée selon les règles de la fonction publique, comme dans une communauté d'agglomération de 120 000 habitants, alors qu'elle gère un budget de 7 milliards d'euros et l'ensemble des transports d'Île-de-France. Pour la garder, j'ai dû rencontrer le président Nicolas Sarkozy en personne. Maintenant qu'on entre dans une phase plus opérationnelle, l'EPIC permettrait plus de souplesse, sans que l'on s'avance le moins du monde vers une privatisation. Il n'en est pas question.

Concernant le phasage, je ne suis pas sûr que le rapport Auzannet proposera des innovations radicales. On commencera par la ligne rouge sud car c'est là que les flux de trafic sont les plus importants. Ensuite, il faut faire la ligne orange et remonter vers le nord. L'est, c'est une question de justice territoriale. Entre-temps, nous aurons construit le T4 à Clichy-Montfermeil que nous nous sommes engagés à faire, malgré l'opposition d'une partie des maires. Le grand Est, Saclay et Roissy feront partie du phasage. Encore une fois, il ne faut pas toucher au projet dans son ensemble, il suffit de le phaser un peu plus. D'ici là, il faut avancer les dossiers du plan de mobilisation.

À ce propos, je remercie Mme Annick Lepetit d'avoir appuyé l'idée que la taxe payée par les Franciliens puisse revenir, au moins pour un temps, à la région, pour avancer le plan de mobilisation.

Quant au Charles de Gaulle-Express, j'y suis favorable depuis le début. Il est inadmissible que, dans une capitale comme la nôtre, il n'y ait pas une ligne dédiée pour desservir l'aéroport. À l'époque, j'avais même proposé avec M. Bertrand Delanoë de garantir deux cinquièmes des emprunts de la ligne, qui devait faire l'objet d'un PPP. Mais, à l'occasion d'un débat à l'Assemblée nationale, aux alentours de deux ou trois heures du matin, un amendement du rapporteur, M. Patrick Devedjian, a dessaisi le STIF du projet. Aujourd'hui, la région doit rentrer dans le jeu. On parle d'un PPPublic après un PPPrivé qui a échoué puisque Vinci a décidé « d'arrêter les frais ». Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille arrêter le projet du Grand Paris Express au niveau du triangle de Gonesse et au nord, autour du Mesnil-Amelot. Ce serait impossible compte tenu des besoins. Il faudra mener les deux projets de front.

Il est temps qu'Aéroports de Paris participe car j'en ai assez de me battre tous les ans pour que cette société paie 30 % d'Allobus alors que ce service sert surtout à ses propres employés. Cette année, ADP vient de se réengager pour trois ans, et c'est tant mieux parce que cette société a des moyens – il suffit pour s'en convaincre de voir les sommes qui ont été investies dans sa plate-forme. Je suis donc plutôt favorable à une ligne dédiée, même si certains élus de ma majorité s'y opposent. Il faut la mettre en service tout en continuant à améliorer le RER B.

La ligne verte a une chance de voir le jour, mais sous un format un peu réduit, un « métro léger », pour reprendre l'heureuse formule de M. Maurice Leroy. Personne ne sait ce que c'est exactement, mais il devrait s'agir d'une prolongation d'Orlyval jusqu'à Massy-Saclay.

Concernant la ligne rouge, il a été admis qu'on répondrait aux questions de l'Autorité environnementale dans le cadre de l'enquête publique et qu'il n'y avait pas lieu de tout recommencer. Les huit conseils généraux et la région ont voté unanimement pour que l'enquête publique ne soit pas retardée par les conclusions de l'Autorité environnementale.

M. Stéphane Demilly, nous avons en effet voté une participation de 215 millions d'euros pour la construction du canal Seine-Nord Europe, comme la région Nord-Pas-de-Calais d'ailleurs. Nous nous étions mis d'accord au cours d'une réunion avec M. Jean-Louis Borloo, mais M. Daniel Canepa, le préfet de région, n'est pas parvenu à obtenir la participation des départements. Il manque un effort de l'Europe, qui doit pouvoir se négocier. Il ne faut pas que l'État arrête ce projet car le transport fluvial constitue un atout formidable en ce qu'il permettrait de supprimer le passage de 2 millions de camions par an. Ce projet figure toujours dans notre budget, même si d'autres régions sont peut-être dans une situation financière plus difficile. Le Nord-Pas-de-Calais est très allant, la Picardie moins car elle voudrait d'autres sources de financement. Nous avons réaffirmé que nous serions partie prenante.

M. Patrice Carvalho, nous sommes tout à fait pour la limitation des camions, mais le contournement routier de Paris est une opération d'intérêt européen. Nous menons actuellement à ce sujet une négociation avec le commissaire européen aux transports dans le cadre du C8, qui comprend les régions du grand Bassin parisien, mais les sommes en cause sont absolument considérables. Quand je suis arrivé en 1998, une moitié du budget transports allait à la route, l'autre moitié aux transports publics, mais, aujourd'hui, ces derniers en absorbent plus de 90 %, ce qui n'est pas sans soulever des difficultés pour la Grande couronne. Il n'en reste pas moins que nous intervenons pour les très grandes opérations, comme la déviation de la RN 19 ou de Roissy, mais il s'agit d'investissements très coûteux qui ne peuvent pas être pris en charge principalement par la région Île-de-France. Il faut faire des opérations interrégionales avec l'aide de l'État, mais les conditions actuelles ne s'y prêtent guère.

Assurément, le réseau de bus va évoluer. Le 13 décembre, le STIF va voter un « plan bus » de plusieurs dizaines de millions d'euros, couvrant une cinquantaine d'opérations. C'est l'avenir, même si cela coûte un peu plus cher qu'un réseau de bus normal à cause de la mise en site propre. Il y a d'ailleurs déjà trois T Zen, soit en service soit en projet, et l'objectif est d'en réaliser une dizaine ou une vingtaine dans l'ensemble de la région. Ce sont des véhicules très confortables, qui circulent avec une très grande fiabilité. L'accent sera d'abord mis sur la Grande couronne mais le plan bus s'appliquera aussi à Paris et en Petite couronne – en Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis. Le président du conseil général de l'Essonne, qui est aussi député, s'est engagé à consacrer une partie du versement transport (VT) à ce projet. Ce ne sont pas moins de 40 millions d'euros qui devraient être engagés – du jamais vu –, dont 20 millions seront votés le 13 décembre. Et, dès le début de l'année prochaine, nous devrions voter une rallonge car l'augmentation du VT ne peut être utilisée tant que la loi n'est pas promulguée.

Personne n'a posé de question sur la tarification, alors que beaucoup s'agitent à ce sujet, mais c'est significatif. Les parlementaires se préoccupent surtout du fonctionnement du réseau et de l'amélioration de l'offre.

Le maire de Château-Thierry se demande si nous avons besoin d'un plus petit que nous. Oui, bien sûr, surtout que nous ne sommes pas si gros que ça (Sourires). La région Aquitaine dispose d'un budget huit fois supérieur au mien. Je regrette que nous ne soyons pas un État plus fédéral. Sans doute la loi de décentralisation apportera-t-elle un début de réponse. L'État doit se concentrer sur ce qu'il doit faire, à savoir les fonctions régaliennes et la solidarité. Tout le reste devrait être confié aux régions en liaison avec les départements, les villes et les agglomérations. Nous n'avons pas de problème avec les conseils généraux ou la Ville de Paris ; on n'est pas toujours d'accord mais nos relations sont bonnes.

Le développement des pôles métropolitains autour de Paris nous intéresse beaucoup dans la mesure où nombre de sujets doivent se traiter au niveau du C8. C'est ainsi que la région Île-de-France a participé au financement de l'électrification de la ligne jusqu'à Troyes, comme elle participera à la nouvelle LGV Normandie, qui prévoit le changement de berge de la gare de Rouen et le prolongement jusqu'à Caen et au Havre, ou encore au contournement de Paris par le sud, avec la région Centre.

Quant aux TER à propos desquels Mme Valérie Lacroute m'a interrogé, et dont l'offre n'est pas satisfaisante à bien des égards, nous sommes en train de négocier avec les régions Centre et Bourgogne – avec la Normandie et la Picardie, c'est réglé – les arrêts sur les lignes, qui sont en concurrence les uns avec les autres : un arrêt supplémentaire gêne les gestionnaires de TER tandis que l'absence d'arrêt mécontente les usagers. Je vous proposerai de rencontrer à ce sujet les responsables du STIF en présence du vice-président de la région, M. Pierre Serne, à qui j'ai confié une mission spécifique à ce sujet.

M. Sébastien Pietrasanta m'a demandé si le prolongement de la ligne 14 suffira. À chaque jour suffit sa peine. Quoi qu'il en soit, l'option prise devrait permettre une « désaturation » de 30 % à 35 %. M. Pierre Mongin a évoqué Ouragan devant le STIF il y a trois jours. Le système serait sur le point de marcher...

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