Intervention de Marc Papinutti

Réunion du 13 mai 2015 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Marc Papinutti, directeur général de VNF :

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis très honoré de vous présenter ce document. Nous avons de grandes ambitions pour VNF, un établissement moderne, responsable, soucieux de la juste qualité du service rendu à l'usager et garantissant l'utilité sociale, économique et environnementale de la voie d'eau – même si le sujet est relativement peu abordé, en raison de la modestie de notre part modale.

Notre environnement a changé, comme l'a très bien dit notre président : un trafic relativement stable, mais une filière du fret fragile ; une croissance du tourisme en nuitées ; un renforcement de la réglementation environnementale : d'un côté, le transfert modal, et de l'autre, notre activité de gestion hydraulique. En effet, la première chose que transporte VNF, c'est de l'eau. Mais elle transporte aussi des personnes et des marchandises.

Notre budget se tasse par rapport aux années antérieures, après une période initiée par un plan de relance. En 2014, les dotations de l'État ont été d'environ 255 millions d'euros, et nos ressources propres hors taxe hydraulique – péages et domaine – de 53 millions d'euros. Notre niveau d'investissement a été de 187 millions d'euros. Les recettes liées à la taxe hydraulique – à la création de VNF, il s'agissait de faire payer les usagers de l'eau, et notamment EDF qui en utilise pour les centrales nucléaires – sont aujourd'hui plafonnées et se modifient en même temps que se modifient, en France, les stratégies industrielles – notamment autour de la production thermique.

Les effectifs se réduisent : 2015 est une sorte d'année « tampon » qui nous permet de poursuivre nos réorganisations.

Aujourd'hui, nous agissons au quotidien pour relever les défis du fluvial : assurer et promouvoir les activités de navigation sur le réseau ; fiabiliser, moderniser le réseau ; automatiser et sécuriser les ouvrages – il existe encore des barrages à aiguilles où, depuis 1850-1860, les agents arrachent, tous les hivers, des aiguilles de bois de 40 à 60 kg ! En période de crue sur la Meuse, c'est extrêmement dangereux ; enfin, développer le transport fluvial. J'observe qu'il est assez rare qu'un gestionnaire d'infrastructures ait aussi pour mission de développer, avec ses partenaires, le mode de transport correspondant.

Nous ne nous contentons plus d'offrir un service : nous développons des services pour répondre aux besoins et aux attentes des usagers, qui sont aussi nos clients, qu'ils viennent du monde industriel et économique ou du monde du tourisme. Et bien sûr, nous accordons une attention particulière à leur sécurité comme à celles de nos agents, qui travaillent dans des conditions parfois difficiles.

Nous devons à la fois protéger et entretenir le patrimoine, et assurer l'équilibre entre le développement des activités et la protection de l'environnement. C'est un défi d'envergure, avec 6 700 km de réseaux et près de 40 000 ha de domaine.

Par ailleurs, nous assurons la maîtrise d'ouvrage des grands projets engagés pour l'avenir de la voie d'eau. Nous portons d'importants projets, que ce soit celui de Bray-Nogent, celui de la modernisation du canal du Rhône à Sète ou, à l'échelle européenne, le projet Seine-Escaut. Nous nous appuyons bien évidemment, pour ce faire, sur la compétence et le professionnalisme du personnel : aujourd'hui environ 4 700 agents, à la fois salariés de droit privé et de droit public, qui ont fusionné le 1er janvier 2013 à la suite de la réforme décidée en 2012.

J'ai demandé aux cadres de l'établissement quelles étaient les valeurs de l'établissement et de ses personnels. La réponse fut assez classique : le service public et l'intérêt général, le développement durable, la sécurité, le professionnalisme, la compétence, la qualité, l'efficacité et la réactivité, le travail d'équipe et les partenariats – notamment territoriaux – et, enfin, l'écoute et la responsabilité. Les personnels de VNF semblent y accorder une grande importante, davantage que les années précédentes.

J'en viens aux quatre grandes orientations stratégiques de notre projet 2015-2020. Il s'agit pour nous d'organiser notre réseau en fonction d'une offre de service raisonnée qui réponde aux enjeux économiques et environnementaux et aux contraintes, d'agir avec les acteurs institutionnels, de contribuer au développement des activités, au bénéfice du report modal, et l'économie touristique et des territoires, et enfin de construire un établissement socialement et économiquement responsable.

Première orientation : organiser notre réseau en fonction de l'offre de services.

VNF offre un réseau et des possibilités de transport sur ce réseau :

Tout d'abord, une offre de service fret garantie toute l'année sur le réseau principal : un bateau peut naviguer sur ce réseau sept jours sur sept, en passage libre ou à la demande. Soit les éclusiers sont là et ouvrent les écluses. Soit l'usager demande la veille ou l'avant-veille l'ouverture et le passage, et nous nous organisons en conséquence. C'est une offre de service total, 24 heures sur 24, sauf à certains endroits. En effet, sur le petit réseau Freycinet qui est très peu fréquenté, les offres se limitent à 9 ou 12 heures par jour.

Ensuite, une offre de service saisonnière, sur le réseau secondaire. C'est une offre touristique, sur une période plus ou moins longue selon que l'on est dans le Sud de la France ou dans le Nord-Est, qui laisse toutefois la possibilité de concrétiser des projets de fret. Par exemple, aujourd'hui, sur le canal latéral à la Loire, nous essayons de voir s'il est envisageable de remonter, pour un coût supplémentaire faible, du sable en Île-de-France.

Enfin, une offre de service permettant tous les autres usages de l'eau. Lorsque les enjeux de navigation ne sont pas prépondérants, l'action de VNF est naturellement concentrée sur la gestion hydraulique, à savoir la gestion des barrages. Par exemple, pour qu'il y ait de l'eau à Paris, il faut que le barrage de Suresnes soit monté. De même, les collectivités ont la possibilité d'aller pomper de l'eau dans le canal à Montceau-les-Mines. Bien sûr, toutes ces opérations de gestion hydraulique sont faites sur l'ensemble du réseau. En outre, une navigation ponctuelle à la demande – un dimanche, un week-end de Pentecôte – reste possible si elle ne mobilise pas ou mobilise peu de moyens supplémentaires.

Il est envisageable d'aller au-delà de ces offres de service, pour autant que les prestations rendues ou les projets mis en oeuvre représentent un intérêt économique et s'inscrivent dans des partenariats locaux structurés. Nous en discutons avec les collectivités locales.

Quelques cartes permettent de présenter le réseau. Ces cartes d'enjeu, qui prennent en compte les tonnages et le nombre de passages des bateaux aux écluses, font apparaître une forte concentration sur certains bassins – la Seine, une petite partie du Rhin, la Moselle, le canal du Nord actuel et la partie Sud du Rhône – et l'absence ou la faiblesse des liaisons interbassins qui seraient nécessaires pour compléter le réseau.

On y voit que le trafic touristique s'est légèrement modifié au cours des années. Il s'est concentré sur le canal du Midi, plutôt la branche Est, sur le Nord de la Saône et sur une partie du réseau Bourgogne et Nivernais. Sans compter à la frange de l'Alsace et de la Lorraine, un magnifique ouvrage qui a été accidenté et qu'il faudra avoir réparé pour la mi-juillet : l'ascenseur d'Arzviller. Mais cette concentration touristique est un sujet d'aménagement du territoire dont nous devons discuter avec les collectivités territoriales et avec les élus, y compris lorsqu'il s'agit de rouvrir certains axes – comme la réouverture du canal de la Sambre à l'Oise. Cet échange est d'autant plus nécessaire que nous avons observé une certaine méconnaissance de ce qui est possible et de ce qui pourrait valoriser le tourisme. Et je ne parle pas des paquebots de croisière qui se multiplient sur la totalité du réseau, y compris en Île-de-France…

La dernière carte d'enjeu porte sur la gestion hydraulique et identifie les endroits où il est important d'intervenir. De fait, les biefs de partage, les parties hautes de nos réseaux, sont aujourd'hui peu utilisées ; en revanche, dans les zones d'agglomération, dans les zones denses, les voies fluviales ne servent pas qu'à la navigation, mais aussi au refroidissement des centrales, à l'agriculture, etc.

Dans le contexte rappelé le président, comment faire des offres de qualité dans un cadre défini au niveau national et décliné à l'échelle de chaque itinéraire ? Il faut répondre au besoin de tous les navigants tout en renforçant la compétitivité de la voie d'eau et celle de notre établissement. Les offres de service et l'état du réseau permettent d'allouer les moyens par itinéraire. L'analyse systématique des risques permet de préciser les montants. Ensuite, il faut remonter au niveau national pour s'assurer que cela est compatible avec les scénarios mis en place en termes financiers. Et évidemment, en parallèle, il faut proposer une politique de grands projets de développement.

Je terminerai par la carte des grands développements : au Sud, le canal du Rhône à Sète, qui est en cours de réinscription dans les CPER ; la mise à grand gabarit de la liaison Bray-Nogent ; l'ensemble Seine-Escaut, notamment la partie française, avec les extrémités dans le réseau Nord et MAGEO (mise au gabarit européen de l'Oise) ; le canal Seine-Nord-Europe, dont nous reparlerons ; mais j'ai ajouté volontairement une écluse – ou plutôt un ensemble d'écluses – à Méricourt qui est sur l'axe 2424, 7 jours7. Ces derniers travaux, qui devraient être inscrits dans les CPER, sont justifiés par la fragilisation du réseau existant, qui avait été modernisé un peu « à la va-vite » au cours des années soixante-dix.

Deuxième orientation : agir avec les acteurs institutionnels et économiques au bénéfice du développement du réseau, de la préservation du patrimoine et de l'aménagement du territoire. Tous les échelons sont concernés : l'Europe, le national, les régions, les métropoles – qui, telle celle de Lyon, semblent « redécouvrir » les voies navigables – mais également les départements, les institutionnels économiques, les opérateurs et les entreprises. Bien évidemment, la contractualisation joue un rôle important : CPER, contrats de territoire, commissions territoriales de la voie navigable. Cela dit, nous allons proposer la révision de ces dernières, car elles ne fonctionnent au niveau attendu.

Troisième orientation : contribuer au développement des activités au bénéfice du report modal, de l'économie touristique et des territoires.

À cette fin, nous devons développer et promouvoir le fret fluvial, la place de VNF restant encore à déterminer. Par exemple, si je prends l'axe Seine, comment va-t-on procéder par rapport à d'autres acteurs, notamment les ports maritimes ?

Nous devons également développer l'activité économique et touristique. Certains sites accueillent 500 000 ou 600 000 visiteurs par an. VNF s'occupe pratiquement de tout, qu'il s'agisse de l'offre de service ou de la gouvernance. Or je pense que les collectivités et les élus souhaitent que cela change. Les directeurs territoriaux sont souvent des anciens fonctionnaires qui travaillaient derrière le préfet, et il faut que nous participions, avec les collectivités et nos autres partenaires, à l'émergence de nouveaux modes de gouvernance.

Ensuite, nous devons développer l'attractivité de notre domaine, les 40 000 hectares que l'État a confiés à VNF.

Enfin et surtout, nous devons développer l'innovation. Le transport fluvial n'est pas un secteur où l'on parle facilement innovation. Pourtant, il faut que nous nous y mettions tous ensemble – éventuellement dans des clusters, etc. Lorsqu'on lance un appel à candidatures sur un projet d'aide à la modernisation, qu'il s'agisse de motorisation ou de matériels, tout est bouclé en un mois. Il y a donc de vraies demandes. Mais il faut également tenir compte des exigences environnementales et faire en sorte que nous ne soyons pas montrés du doigt pour avoir créé un moteur polluant. Cela devra se faire au niveau européen.

Quatrième et dernière orientation : construire un établissement socialement et économiquement responsable.

Cela passe par l'accompagnement du changement, qui est un sujet difficile. Nous avons mis en mouvement VNF, mais nous devons évoluer en continu sur nos organisations, adapter l'offre par rapport à nos moyens, sans lésiner évidemment sur la sécurité. Je me suis engagé à ce qu'il n'y ait plus aucun accident du travail avec arrêt. C'est un objectif volontariste, fort, qui implique tous les agents et tous les directeurs, à tous les échelons.

Cela suppose aussi de conforter notre stratégie financière.

En conclusion, ces orientations pourraient être traduites dans un contrat d'objectif et de performance passé entre l'État et VNF. Il nous faudra veiller à adapter nos offres de service, à renforcer et valoriser la gestion hydraulique, à contribuer à la transition énergétique, et au développement des activités fluviales et des territoires traversés, à contractualiser les partenariats nécessaires, à optimiser le pilotage, les modes de fonctionnement et les processus internes de l'établissement, et enfin à accompagner le changement et les évolutions métiers.

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