Intervention de Michel Verpeaux

Réunion du 29 novembre 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Michel Verpeaux, professeur de droit public à l'université Paris I :

Soit. Le contexte a donc changé. Je me suis moi aussi intéressé à la liste des pays ayant ratifié la Charte. C'est par exemple le cas du Liechtenstein et du Luxembourg, mais cela ne porte guère à conséquence, puisqu'ils n'ont pas de langues régionales ou minoritaires. On peut même se demander si la ratification a une signification en pareil cas. La Suisse a également ratifié. Il est intéressant de comparer son cas avec celui de la Belgique, car les situations linguistiques de ces deux pays sont proches. Alors que la Belgique refuse de signer la Charte pour les raisons que nous avons évoquées, la Suisse l'a ratifiée dès 1997, mais elle déclare qu'elle n'a pas de langues régionales ou minoritaires : toutes ses langues sont officielles. Les deux choix sont totalement opposés.

Parmi les pays n'ayant ni signé ni ratifié la Charte, on trouve également le Portugal et la Grèce – pour des raisons que j'ignore. J'observe au passage qu'il pourrait être intéressant pour la commission des Lois de conduire une étude de droit comparé sur le sujet.

Parmi les pays qui ont signé la Charte mais ne l'ont pas encore ratifiée, on trouve donc la France, ainsi que la Russie.

Venons-en au fond de la décision du Conseil constitutionnel. Il semble que le blocage pour le Conseil trouve son origine dans le quatrième alinéa du préambule de la Charte : « Considérant que le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique constitue un droit imprescriptible… ». Je crois qu'il n'existe pas véritablement d'hostilité aux langues régionales en France. M. Molac disait tout à l'heure que les habitants de la région parisienne en avaient une vision plutôt positive. Il ne s'agit bien sûr pas de les faire disparaître ; la question est de savoir quelle place leur donner, et dans quelle sphère. C'est évidemment dans la sphère publique que cela pose problème. Dans sa décision de 1999, le Conseil constitutionnel met en avant la liberté de communication, qui permet à tout un chacun de parler la langue qu'il veut. Mais tout se passe comme s'il y avait une barrière – pour ne pas dire une frontière – entre la sphère privée et la sphère publique. Dans la sphère publique, on ne peut pas autoriser n'importe qui à revendiquer le droit d'utiliser n'importe quelle langue, car cela conduirait à des situations de blocage. Je me distinguerais sur ce point de M. Mélin-Soucramanien. Le considérant 13 de la décision de 1999 est en effet ainsi rédigé : « Considérant que n'est contraire à la Constitution, eu égard à leur nature, aucun des autres engagements souscrits par la France, dont la plupart, au demeurant, se bornent à reconnaître des pratiques déjà mises en oeuvre par la France en faveur des langues régionales ». C'est donc bien que seul ce point pose problème.

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