Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 29 novembre 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président :

Pour conclure, je retiens de notre discussion plusieurs éléments qui ne sont pas, hélas, source de certitudes. La décision du Conseil constitutionnel s'impose : on a beau dire que le préambule de la Charte n'a pas de portée juridique en lui-même, le Conseil lui donne cette portée en le visant dans sa décision de 1999.

Une fois le principe de la ratification acquis, la difficulté réside moins dans la Charte elle-même que dans la déclaration interprétative que la France a annexée à sa signature à Budapest en 1999 – Pierre Moscovici était alors ministre des Affaires européennes. Cette signature n'a pu avoir lieu qu'au prix de la déclaration interprétative, comme en témoignent aussi bien le rapport de Bernard Poignant que l'interprétation du professeur Guy Carcassonne. Autrement dit, la France ne reprendra pas la Charte in extenso : elle ne retiendra que les parties qu'elle a signées. Mais si le Conseil ne reconnaît pas la valeur de la déclaration interprétative, nous en restons au même point.

L'idée d'une nouvelle saisine du Conseil me semble néanmoins devoir être suggérée à nos collègues du groupe d'études sur les langues régionales. Cette démarche collective ne me semble pas inutile : elle nous permettrait de mesurer la hauteur des obstacles et de calibrer les moyens à mettre en oeuvre pour les franchir. Dans la perspective d'une ratification de la Charte - qui est celle du Président de la République - le choix du titre VI de la Constitution, relatif aux traités et accords internationaux, pour inclure un nouvel article 53-3 est une voie qui n'avait pas encore été explorée. Je me réjouis que nous ayons pu la dégager et j'espère qu'elle pourra prospérer.

La question des droits nouveaux et de l'existant sonne comme une résonance de la proposition de loi que nous avions déposée sous la précédente législature. C'est une piste que nous pouvons rouvrir, en recourant, le cas échéant, à l'expertise – précieuse – du Conseil d'État, puisque l'Assemblée nationale peut désormais recourir à celle-ci sur des propositions de loi, sous réserve qu'elles soient inscrites à l'ordre du jour de la Commission.

Les sujets que nous avons abordés ne sont pas des détails, car ils suscitent des troubles. Je pense au livret de famille bilingue, à propos duquel j'avais posé une question écrite à la garde des Sceaux. Vous nous dites que le Conseil constitutionnel a donné son point de vue, monsieur Woehrling. Je vais le transmettre à la garde des Sceaux, qui se fonde sur des lois révolutionnaires pour me répondre que tout document officiel ne peut être écrit qu'en français. De mon point de vue, la traduction en breton n'enlevait rien à la validité du texte, puisque le français était maintenu – il ne s'agissait donc pas d'un remplacement. Mais la garde des Sceaux nous a explicitement répondu que ce n'était pas possible.

Nous avons de quoi travailler. Il faudra aller assez vite, car je ne suis pas sûr que les occasions de réviser la Constitution soient si nombreuses durant cette législature. Il nous faudra donc être prêts le moment venu. En 1999, l'alliance entre une droite anti-européenne et une gauche républicaine façon Fondation Marc-Bloch, pour faire court, avait abouti au contexte que l'on sait. Je ne suis pas certain que tout cela soit dissipé. Il nous faudra donc convaincre.

Je vous remercie tous d'avoir participé à cette table ronde.

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