Je dirais tout d'abord qu'il y a une révolution à laquelle participent toutes les composantes de la société syrienne, les groupes, les communautés religieuses et diverses forces. Il y a aussi une majorité silencieuse qui ne s'est pas déterminée, qui ne participe pas, mais qui n'est pas avec le régime. Nous sommes en contact avec la communauté alaouite qui est elle-même en ébullition. Sa situation est différente de celles des autres communautés religieuses, mais le projet national sur lequel nous sommes en train de travailler est pour tous les Syriens, par tous les Syriens sur la base du respect des droits de chacun.
Le Qatar et les autres pays arabes ont été aux côtés de la population syrienne et lui ont apporté leur soutien par tous les moyens possibles. Nous avons de bonnes relations avec le Qatar et avec les autres pays arabes, Arabie Saoudite, Koweït, et autres. Avec la Libye, notamment, qui a également beaucoup souffert et dont la situation présente des similitudes avec la nôtre. On a comparé la situation en Syrie avec celle du Yémen, quant à la solution à adopter, mais c'est en fait avec le processus libyen qu'il y a plus de proximité.
Nous sommes allés en Egypte, nous avons rencontré des conseillers du Président Morsi. Nous sommes heureux de voir un retour de l'Egypte sur la scène régionale. L'Iran a eu un rôle exagéré du fait de son absence et il y a maintenant un certain rééquilibrage. Cela étant, nous ne sommes pas les ennemis de l'Iran, nous voulons les meilleures relations avec ce pays sur des bases géographiques, historiques, et dans l'intérêt réciproque de chacun. Mais l'Iran est aujourd'hui partie prenante essentielle du conflit, du problème plus que de la solution, par ses fournitures d'armes, ses financements, ses combattants, sa politique de soutien au régime. Il ne peut aujourd'hui être considéré comme un partenaire efficace à la recherche d'une solution, dans la mesure où il considère son soutien au régime comme partie prenante de sa politique de sécurité nationale. L'absence de l'Arabie saoudite est une preuve. Nous respectons la position des Egyptiens, mais nous avons nos propres points de vue.
Quant aux questions sur les Nations Unies, la laïcité et le respect des principes démocratiques, le CNS travaille à un Etat civil, neutre vis-à-vis des différentes religions, respectant la spécificité de tous, pluraliste. Nous ne cessons d'affirmer cette position.
Aux Nations Unies, nous sommes effectivement dans une impasse et, en faisant tout passer par le Conseil de sécurité, on donne en fait l'occasion au régime de continuer de tuer impunément son peuple, comme si l'on fermait les yeux. C'est ainsi que le régime le comprend.
Sur la situation des Chrétiens, le christianisme est partie essentielle intégrante du tissu national syrien. Ce qui est arrivé en Irak, des groupes extrémistes étaient envoyés par le régime pour commettre des crimes et faire monter la peur sur ce qui pourrait se passer. C'est pour nous au contraire une chose élémentaire pour nous que de respecter le droit des Chrétiens, c'est un devoir national envers nos concitoyens : la Syrie fait partie des terres sur lesquelles le Christ a marché. L'histoire du christianisme et celle de la Syrie sont inséparables.
Concernant nos financements, nos armements, le CNS a eu des soutiens de la part de la Libye et d'autres Etats du Golfe. Sur la question spécifique des armements, il y a des spécialistes qui suivent ce volet.
Des personnes ont pris leurs distances par rapport au CNS, cela fait partie de la démocratie. Le projet que nous proposons n'est pas bouclé, définitif. Nous sommes en contact avec tout le monde, c'est normal qu'il y ait des divergences d'intérêts.
Les jeunes kurdes étaient avec la révolution depuis le début. Ils font partie de ceux qui ont créé le CNS. Nous avons adopté un programme les concernant : nous voulons que soient reconnus leur identité nationale et leurs droits nationaux, dans le respect de l'unité nationale de la Syrie. Nous voulons supprimer les mesures discriminatoires à leur encontre. Nous sommes en contact avec le Conseil national kurde, dont nous avons rencontré les représentants. Il est nécessaire de tirer profit des expériences positives et négatives du printemps arabe dans les autres pays. Nous étudions le positif pour voir si nous pouvons le transposer en Syrie, et nous tirons les leçons des éléments négatifs pour ne pas les reproduire.
Pour ce qui est de vaincre militairement, nous ne disons pas que l'armée syrienne n'est pas forte. Mais tant de gens se dressent contre le régime que l'armée, la vraie, c'est l'armée syrienne libre. Elle bénéficie d'une bonne dynamique. Il y a quelques jours j'étais à Idlib, afin d'unifier les conseils militaires régionaux de l'Armée syrienne libre en un comité unifié. C'est important pour garder le contrôle. Or, parmi les membres de ces conseils, le moral est au beau fixe, tandis que l'armée syrienne continue d'être frappée par des défections. J'ai rencontré cinq soldats qui avaient fait défection le jour même. Ils m'ont dit que dans l'unité qu'ils avaient quittée, le moral était au plus bas… Le pouvoir ferait n'importe quoi pour garder les jeunes au sein de son armée.
Les extrémistes n'ont pas leur place en Syrie. Mais plus la crise dure, plus le terreau est fertile à leur développement. En effet les extrémistes ne sont pas la cause du chaos, ils en sont la conséquence. La cause, ce contre quoi il faut lutter, c'est le régime actuel qui se bat contre son propre peuple. Lorsqu'il a commencé à utiliser des armes aériennes, nous pensions que la communauté internationale réagirait, mais cela n'a pas été le cas. Maintenant il menace d'utiliser des armes chimiques. Est-ce que la communauté internationale attend cela pour réagir ? N'oublions pas que derrière les chiffres, il y a des êtres humains. Il faut absolument arrêter les massacres.