…les gouvernements ont une vision très sommaire de l’économie : « Si ça bouge, taxez-le. Si ça continue à bouger, régulez-le. Si ça s’arrête de bouger, subventionnez-le. » C’est ainsi que d’une main vous régulez le nucléaire et que, de l’autre, vous faites du bouche-à-bouche à Areva.
Quatrième argument, que j’intitulerai : « Le principe d’Aristote adapté à la transition énergétique ». Le texte défend tout et son contraire : la croissance verte et l’économie circulaire. Or, ces deux concepts sont antinomiques.
C’est l’une des grandes fiertés des écologistes : avoir inscrit dans cette loi la promotion de l’économie circulaire, aux côtés de la « croissance verte » et du développement local des énergies renouvelables. Or, cette juxtaposition législative est une négation stratégique, et je vous citerai de larges passages d’un ouvrage intitulé L’Âge des low techs, de Philippe Bihouix, qui décrit le modèle de société prôné par les tenants d’un autre capitalisme.
Le présupposé de votre texte, madame le ministre, est de prôner la sortie partielle du nucléaire pour aller vers un modèle écologique plus vertueux, notamment moins dépendant des ressources. Mauvaise nouvelle : les énergies renouvelables font massivement appel aux ressources métalliques, et des plus rares, comme le néodyme et le dyprosium dans les aimants permanents pour les génératrices d’éoliennes ; le gallium, l’indium, le cadmium ou le tellure pour les panneaux photovoltaïques à haut rendement ; de même que le cuivre. Or, il existe des limites physiques, techniques et sociétales au recyclage dans un monde aussi technicisé que le nôtre. Il suffit simplement de pointer que les emballages alimentaires ou médicaux, lorsqu’ils sont souillés, sont inexploitables ou que la complexité des produits et des composants, comme dans un téléphone portable ou un ordinateur, nous empêche d’identifier, de séparer et de récupérer facilement les matières premières. En trois cycles d’utilisation, on perd donc de l’ordre de 80 % de la ressource initiale. L’économie circulaire n’en est pas une : elle est une économie spiralée.
En plus, les bâtiments basse consommation ou à énergie positive sont eux aussi consommateurs de nombreuses ressources rares, à cause des équipements bourrés d’électronique ou des additifs dans les verres faiblement émissifs. Je ne résiste pas à la tentation de vous citer le constat fait par Philippe Bihouix dans son ouvrage : « Les différentes énergies renouvelables ne posent pas forcément de problème en tant que telles, mais c’est l’échelle à laquelle certains imaginent pouvoir en disposer qui est irréaliste. » Combien faudra-t-il de lithium en France pour équiper un parc de plusieurs dizaines de millions de véhicules électriques ? Et combien de platine pour un parc de véhicules à hydrogène ? Combien, en outre, de béton pour fabriquer les bases logistiques d’éoliennes ?
Ceux qui affirment ici faire des économies avec un déploiement massif des énergies renouvelables dans le domaine électrique se trompent. Le projet pharaonique Desertec propose 700 térawattheures par an en 2050 de vingt centrales solaires à concentration, et ce pour 400 milliards d’euros, ce qui fait une électricité à peu près aussi chère que l’EPR de Flamanville.