Intervention de Bernard Accoyer

Séance en hémicycle du 19 mai 2015 à 15h00
Transition énergétique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Il a exploré tous les motifs d’inconstitutionnalité et est allé beaucoup plus loin que de nombreux discours entendus ici, qui manquent cruellement de références culturelles et historiques. Je tenais à l’en féliciter.

Mais il y a des moyens qui sont purement constitutionnels justifiant le vote de cette motion de rejet. Le moyen indiscutablement le plus important est celui de l’étude d’impact. En effet, depuis la révision constitutionnelle de 2008, la Constitution exige qu’une étude d’impact sérieuse accompagne tout projet de loi. Or, madame la ministre, ce n’est pas le cas de ce projet de loi et je vais le démontrer.

En effet, imposer la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon, très bref, de 2025, c’est imposer au pays, à ses citoyens-consommateurs-contribuables comme à ses entreprises, l’arrêt et le démantèlement de vingt-quatre réacteurs nucléaires. Or l’impact financier est majeur. Au minimum, s’agissant des seuls réacteurs et centrales, ce sont 100 à 300 milliards d’euros qui seront nécessaires pour leur démantèlement complet, sans parler de la reconversion des personnels qui y travaillent. Il faut ajouter à ces dépenses des problèmes de délais imposés, qui seront compliqués par d’innombrables recours, que l’on voit déjà poindre.

Deuxième preuve de l’insuffisance dramatique de cette étude d’impact : l’absence d’évaluation du coût de construction des centrales à énergie renouvelable, dont on sait qu’elles doivent avoir des capacités beaucoup plus importantes que les centrales actuelles, qui ne demandent qu’à être prolongées, comme dans tous les pays du monde disposant d’une filière nucléaire, à l’exception de l’Allemagne. Ce coût est également estimé à plusieurs centaines de milliards d’euros. Et nous parlons, madame la ministre, de l’échéance de 2025 ! Voilà des arguments financiers de poids qui prouvent le caractère insignifiant et indigent de l’étude d’impact que vous avez osé présenter au Parlement.

Il faut ajouter à ces coûts ceux de la construction d’interconnexions complexes et considérables, tels que les connaissent aujourd’hui nos voisins et amis allemands. Je ne parlerai pas des coûts humains et sociaux que vous connaissez et que nous évoquerons indirectement.

Mais s’il fallait souligner l’insuffisance et l’absence de sérieux de votre étude d’impact, je me référerais aux propos d’un membre emblématique du groupe écologiste, Mme Duflot. Elle ne pourra pas me démentir, puisque je vais citer ses propos tenus le 7 mai, à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la mission sur l’avenir des institutions, alors que nous évoquions le sujet des études d’impact, sous la présidence de M. Bartolone : « L’étude d’impact du projet de loi sur la transition énergétique dit que si cette loi est adoptée, nous allons vers la fermeture de vingt-quatre réacteurs nucléaires dans notre pays. » Ainsi, le Gouvernement, qui s’appuie sur sa majorité, n’incite pas les Français à prendre la mesure de l’impact de ce texte en matière de coût, qui comprend celui de l’énergie, de la fiscalité et les conséquences sur l’emploi. Il s’agit bien là de l’aveu d’un membre éminent de la majorité, qui reconnaît que l’étude d’impact n’est pas à la hauteur de ce texte. Vous le comprenez bien, madame la ministre, ce motif d’inconstitutionnalité sera porté devant la juridiction constitutionnelle.

De surcroît, cette étude d’impact cache les conséquences de ce texte sur l’avenir économique et social de notre pays et de nos compatriotes. Pour eux comme pour les entreprises localisées encore à ce jour en France, l’application de cette loi, avec la hausse majeure du coût de l’électricité, se concrétisera par moins de pouvoir d’achat pour les familles, moins d’emploi dans les entreprises et, par conséquent, par plus de chômage.

Madame la ministre, vous ne dites jamais que si la France a les performances actuelles en matière de rejet de CO2, c’est grâce à la filière nucléaire. Si nous gardons cet avantage indiscutable sur le plan environnemental, ce sera grâce à la sauvegarde de la prééminence de cette filière, de ce que nous avons su en faire depuis des décennies, de ce que des générations d’ingénieurs, de techniciens, d’ouvriers ont su faire de cette filière emblématique de notre fierté industrielle et technologique nationale. Vous ne dites pas assez que l’électricité payée par nos compatriotes est environ un tiers moins chère que ce que paient les ressortissants des autres pays de l’Union européenne. Vous ne dites pas assez qu’il s’agit d’un avantage pour le pouvoir d’achat et pour notre industrie, dont les coûts et la compétitivité seront lourdement affectés par la hausse importante du coût de l’électricité induite par votre texte. Son application entraînerait probablement une hausse de 50 % à 100 % de ce coût ! Avouez, madame la ministre, qu’il s’agit d’un impact important dont il eût été normal que vous informiez les parlementaires.

J’ajoute que mettre à mal la filière nucléaire, comme vous le faites, entraînera la perte d’au moins 10 000 emplois directs. Il faut rappeler que la filière nucléaire, avec ses sous-traitants, représente 400 000 emplois en France. M. Baupin, qui rit toujours lorsqu’il s’en prend à la filière nucléaire, avec la ténacité qu’on lui connaît, devrait l’assumer devant les familles de nos compatriotes, qui seront demain concernées par ses turpitudes.

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