Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, les enjeux du texte dont nous discutons ce jour sont considérables. La transition écologique, c’est-à-dire la mutation de nos manières de produire, de consommer, d’habiter, de nous déplacer, et même d’envisager l’organisation de nos sociétés pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux, est une question capitale. Au coeur de ces enjeux se trouve la question de la transition énergétique.
Cette transition, il s’agit non plus d’en parler, mais de la mener à bien ; le temps du passage à l’acte est venu. Les écologistes entendent que cette transition ne demeure pas timide, mais devienne une ambition pleine et entière. C’est donc avec sérieux, esprit de responsabilité et volonté constructive que nous abordons l’examen de ce texte en nouvelle lecture. Ce qui représentait des avancées écologiques, et qui, à défaut de faire consensus entre nous, était acté comme point d’équilibre, ne peut être ni défait, ni menacé. Nous serons vigilants sur ce point : reculer n’est pas permis.
Si le débat au Sénat a débouché sur des améliorations notables du texte, tout particulièrement sous l’impulsion des sénateurs écologistes, ces avancées ont été plus que contrebalancées par des reculs très regrettables. Le Sénat a adopté un projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte vidé de sa substance, par rapport à la version votée en première lecture par les députés, le 14 octobre 2014.
Les reculs portent à la fois sur le nucléaire, avec le retrait de l’échéance de 2025, sur l’efficacité énergétique, avec des objectifs vidés de leur substance, et sur le développement de l’éolien, avec l’adoption d’un amendement qui empêcherait près de 90 % des projets éoliens en France, sans la moindre justification objective. Ces reculs, madame la ministre, ont heureusement été réparés en commission spéciale, mais sachez que nous resterons vigilants. Nous reviendrons notamment, au cours du débat, sur la question de l’île de Sein, désormais privée de la possibilité de développer sa production d’énergie renouvelable – c’est là un net recul.
Notre modèle politique, économique et énergétique vire à l’obsolescence. Le temps n’est plus aux atermoiements. Le dérèglement climatique nous appelle au courage et à la lucidité : le courage d’engager enfin les grands changements dont la planète à besoin, et la lucidité de tout mettre en oeuvre pour trouver les points de passage permettant d’avancer résolument vers un nouveau modèle. La bataille du climat, nous n’avons pas le choix, nous ne pouvons pas la perdre.
Je sais que la conscience écologique progresse sur tous les bancs de cette assemblée, mais les habitudes, les réflexes anciens, les conservatismes et les blocages font encore le lit de l’immobilisme. Il n’y aura pas de transition sans innovation, sans mise en mouvement, sans volonté forte de bousculer les vieilles lunes productivistes. Les écologistes défendent, dans le débat qui nous occupe, une position noble et ambitieuse. Oui, nous pensons que la France 100 % renouvelable est un horizon mobilisateur pour notre pays. Nous l’affirmons depuis longtemps, mais désormais, les scénarios étayés scientifiquement l’affirment : c’est possible. Pourquoi, dès lors, tergiverser davantage ?
Pour parvenir à un mix électrique 100 % renouvelable – à distinguer, bien sûr, de la consommation énergétique totale –, il faut être volontariste. Le bouquet imaginé par l’étude intitulée « Vers un mix électrique 100 % renouvelable en 2050 » se répartit entre 63 % d’éolien terrestre et en mer, 17 % de solaire, 13 % d’hydraulique et 7 % de thermique renouvelable, en comprenant la géothermie. C’est donc possible techniquement. Il ne manque, aujourd’hui, que la volonté. Et c’est bien là le coeur du débat sur la transition énergétique. Notre intérêt économique et les réalités écologiques convergent : en devenant une nation pionnière dans le domaine des énergies renouvelables, la France défendra à la fois sa place dans le monde et l’avenir de notre planète et des générations futures.
Les sujets ne manquent pas pour changer de modèle. Laissez-moi en évoquer trois brièvement, en guise de conclusion.
La question de la lutte contre le gaspillage alimentaire, tout d’abord, est centrale. Pour nous, le modèle actuel n’a aucun sens : il blesse notre conception de la justice sociale et il gaspille les ressources. Nous attendons davantage qu’une évolution : nous défendons un changement de logique. Dans le cadre d’un travail associant tous les groupes, des amendements ont été préparés, que nous soutenons, pour avancer de manière radicale sur ces sujets.
Ce changement de logique, nous le défendons également – et j’en arrive à mon deuxième point – avec les amendements promouvant l’économie circulaire, portés notamment par François-Michel Lambert. C’est une manière plus sobre, et au fond plus sage, d’envisager nos activités économiques en luttant contre la logique de gabegie. Sur la question de la méthanisation, enfin, ma collègue Brigitte Allain a mené un travail très important pour privilégier la méthanisation agricole, sans préjudice de la production alimentaire. Nous défendrons un amendement décisif sur cette question, dont nous espérons qu’il sera retenu par l’Assemblée. Ces trois points, parmi d’autres, illustrent bien la multiplicité des enjeux et la gravité des questions en débat. Je souhaite donc à notre assemblée la sagesse la plus haute au service de l’ambition la plus grande.
En résumé, nous, écologistes, souhaitons, pour cette nouvelle lecture, que notre travail commun contribue à répondre à l’urgence climatique et à faire prendre à notre pays le tournant de l’écologie.